Résumé de la décision
Dans cette affaire, la Cour de cassation a rejeté les pourvois de X... (Jean) et Y... (Isaac), parties civiles, contre un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 25 octobre 1962. Cet arrêt avait statué sur des poursuites pour blessures involontaires, en allouant des dommages-intérêts aux victimes, mais en déclarant le partage de responsabilité entre les co-auteurs de l'accident opposable aux victimes. Les victimes contestaient cette décision, arguant qu'un précédent arrêt avait reconnu leur droit à une indemnisation totale.
Arguments pertinents
1. Partage de responsabilité : La Cour a confirmé que le partage de responsabilité établi par un précédent arrêt (du 13 juin 1958) était opposable aux victimes. Elle a précisé que cet arrêt ne reconnaissait pas un droit à une indemnisation totale, mais accordait une provision, ce qui justifiait le montant partiel des dommages-intérêts alloués.
> "L'arrêt attaqué, qui statuait sur les intérêts civils aux résultats de l'expertise ordonnée, a implicitement mais nécessairement répondu, en les rejetant, aux conclusions par lesquelles les demandeurs avaient, à tort, soutenu devant la Cour d'appel qu'une telle opposabilité violerait l'autorité de la chose jugée."
2. Droit à réparation : La Cour a également souligné que, dans le cadre d'un accident du travail impliquant un salarié de la même entreprise que les victimes et un tiers, les victimes n'avaient d'action de droit commun que contre le tiers. Cela découle des dispositions spécifiques du Code de la sécurité sociale, qui limitent la possibilité de demander réparation à l'encontre de l'employeur.
> "Lorsque l'accident est, comme en l'espèce, imputable pour partie à un salarié de la même entreprise que celle à laquelle appartiennent les victimes et pour partie à un tiers, celles-ci, aux termes de l'article 470 du Code de la sécurité sociale, n'ont d'action de droit commun que contre ce tiers."
Interprétations et citations légales
1. Code civil - Article 1350 : Cet article traite de la responsabilité délictuelle et des conditions de la preuve de la faute. La Cour a estimé que le partage de responsabilité entre les co-auteurs de l'accident était clairement établi par le précédent arrêt, ce qui a permis de rejeter l'argument des victimes.
2. Code de la sécurité sociale - Article 470 : Cet article stipule que les victimes d'un accident du travail n'ont d'action que contre le tiers responsable et ne peuvent demander que la réparation du préjudice complémentaire. La Cour a interprété cet article comme dérogeant à la règle générale de la responsabilité solidaire des co-auteurs d'un délit, comme le prévoit l'article 55 du Code pénal.
> "L'article 470 déroge expressément à la règle générale posée par l'article 55 du Code pénal qui suppose que chacun des co-auteurs d'un délit est personnellement et pécuniairement tenu pour le tout, envers la victime de ses conséquences dommageables."
3. Loi du 28 avril 1810 - Article 7 : Cet article, qui traite des principes de la responsabilité civile, a été invoqué par les victimes pour soutenir leur demande d'indemnisation totale. Cependant, la Cour a jugé que cet article ne s'appliquait pas dans le cadre des accidents du travail, où des règles spécifiques s'appliquent.
En conclusion, la décision de la Cour de cassation repose sur une interprétation rigoureuse des textes de loi applicables, en tenant compte des spécificités des accidents du travail et des principes de responsabilité civile. Les victimes, bien que reconnues comme ayant subi un préjudice, n'ont pas pu obtenir une indemnisation totale en raison des règles de partage de responsabilité établies par la jurisprudence.