Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2017, la société Nofrayane, représentée par MeA..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance susvisée n° 1600586 ;
2°) de condamner la commune de Kourou à lui verser : 1) à titre de provision la somme de 175 145, 66 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 27 mai 2015 ; 2) la somme de 80 euros au titre des frais de recouvrement ; 3) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le premier juge ne pouvait se fonder d'office sur la méconnaissance par la société de l'article 46-4 du CCAG " Travaux ", un tel moyen n'étant pas d'ordre public ;
- à supposer même qu'un tel moyen soit d'ordre public, le premier juge ne pouvait le retenir sans respecter la procédure de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- l'exigence d'une réclamation préalable était en tout état de cause sans portée utile en l'espèce puisque le pouvoir adjudicateur a lui-même explicitement reconnu le droit à une indemnité de résiliation pour chacun des deux marchés résiliés et en a chiffré le montant dans ses décisions de résiliation ;
- ces décisions de résiliation, créatrices de droit, fixent le principe et le montant des indemnités dues, de sorte que la créance invoquée ne peut être sérieusement contestée ;
- les intérêts moratoires et l'indemnité pour frais de recouvrement prévus par le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 doivent nécessairement être alloués.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Kourou a confié en avril 2014, d'une part, à un groupement d'entreprises constitué de la société Nofrayane et de la société CBCI la réalisation du lot " Bâtiment " relatif à la construction d'une école élémentaire internationale à Kourou, d'autre part, à un groupement d'entreprises constitué de la société Nofrayane et de la société " Garel et fils " la réalisation du lot " VRD ", la société Nofrayane étant dans les deux cas mandataire du groupement. Par deux décisions du 21 octobre 2014, le pouvoir adjudicateur a prononcé la résiliation de ces deux marchés pour motif d'intérêt général. Ces décisions, qui se réfèrent au chapitre VI du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par décret du 8 septembre 2009, prévoient le versement d'indemnités de résiliation, au taux de 5 % prévu par ce CCAG, pour un montant de 154 850 euros en ce qui concerne le premier marché et de 20 295,66 euros pour le second marché. La société Nofrayane, qui doit être regardée comme agissant en qualité de mandataire des groupements d'entreprise titulaires des deux marchés, après avoir demandé en vain le versement de ces indemnités à la commune de Kourou, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Guyane d'une demande de provision qui a fait l'objet d'un rejet par l'ordonnance du 7 avril 2017 dont elle a fait appel.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
3. L'article 46-4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché en litige précise : " Résiliation pour motif d'intérêt général : Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité, dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Le titulaire doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois compté à partir de la notification de la décision de résiliation. ".
4. Pour estimer que la créance invoquée par la société Nofrayane présentait un caractère sérieusement contestable, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette société n'avait pas présenté, dans le délai de deux mois à compter de la notification des décisions de résiliation, la demande écrite et justifiée exigée par le dernier alinéa de l'article 46.4 précité du CCAG. Toutefois, dès lors, d'une part, que la somme dont la société Nofrayane réclame le paiement au principal correspond aux seules indemnités de résiliation auxquelles a droit, en vertu du premier alinéa de l'article 46-4 précité du CCAG " Travaux ", le titulaire d'un marché résilié pour motif d'intérêt général, d'autre part, que le pouvoir adjudicateur a expressément reconnu, dans les décisions de résiliation, le droit des titulaires des marchés résiliés à percevoir de telles indemnités, le défaut de présentation de la demande écrite prévue par le dernier alinéa du même article 46.4 ne saurait conférer un caractère sérieusement contestable à la créance invoquée par la société Nofrayane. Le pouvoir adjudicateur ayant expressément, par ses décisions de résiliation du 21 octobre 2014, reconnu, conformément aux stipulations contractuelles applicables, le droit des titulaires des deux marchés au versement d'indemnités de résiliation pour un total de 175 145,66 euros, le droit de la société Nofrayane à percevoir ces indemnités en qualité de mandataire des groupements d'entreprises titulaires de ces marchés ne présente pas, en l'état du dossier soumis au juge des référés, un caractère sérieusement contestable.
Sur les intérêts :
Aux termes de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 : " Les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux (...) sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret (...). Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret ". Aux termes de l'article 38 de la même loi : " Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement ". L'article 2 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 prévoit en son IV qu'en cas de versement d'une indemnité de résiliation, le délai de paiement de cette indemnité court à compter de la date à laquelle, la décision de résiliation étant notifiée, le montant de l'indemnité est arrêté. Le montant des indemnités ayant été arrêté par les décisions de résiliation du 21 octobre 2014 et la société Nofrayane demandant le paiement des intérêts à compter du 27 mai 2015, il y a lieu d'accorder à celle-ci les intérêts au taux fixé par l'article 9 de ce décret à compter de cette date.
Sur l'indemnité forfaitaire demandée au titre des frais de recouvrement :
La société requérante a droit, en application des dispositions de l'article 40 de la loi du 28 janvier 2013 et de l'article 9 du décret du 29 mars 2013, au paiement, par la commune de Kourou, de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement fixée à 40 euros, soit, pour deux marchés, un total de 80 euros.
Sur les conclusions présentées par la commune de Kourou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de Kourou la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1600586 du 7 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est annulée.
Article 2 : La commune de Kourou est condamnée à verser à titre de provision à la société Nofrayane agissant en tant que mandataire des groupements d'entreprises titulaires des marchés résiliés le 21 octobre 2014 la somme de 175 145,66 euros, cette somme portant intérêts au taux fixé par l'article 9 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, à compter du 27 mai 2015, ainsi que la somme de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de recouvrement.
Article 3 : La commune de Kourou versera à la société Nofrayane la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Nofrayane et à la commune de Kourou. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Guyane.
Fait à Bordeaux, le 1er septembre 2017.
Le juge des référés
Aymard de MALAFOSSE
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 17BX01327