Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2016, M. C...A..., représenté par Me D... demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) condamner la commune de Cugnaux à lui verser la provision de 154 180,26euros, dont 150 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi et 4 180,26 euros au titre de la perte de traitement ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cugnaux la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée ne vise pas son mémoire enregistré le 12 octobre 2016 et ne répond pas au moyen nouveau en fait qu'il contient ;
- la motivation de cette ordonnance mentionne à tort les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- cette ordonnance est entachée de plusieurs erreurs d'appréciation ;
- il est victime de harcèlement au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et de la circulaire du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique ;
- l'échec qu'il a subi en raison de faits de harcèlement moral qu'il a subi a porté atteinte à sa réputation professionnelle ;
- il a subi un préjudice financier résultant d'un réaménagement de son poste ne lui permettant plus de réaliser des heures supplémentaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2016, la commune de Cugnaux, représentée par Me Aveline, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2016, M. Pierre Larroumec, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., nommé au grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe stagiaire pour un poste de régisseur général à compter du 1er novembre 2012, estimant avoir subi un préjudice moral que lui auraient causé les agissements répétés de son employeur, et a sollicité, par un courrier du 2 avril 2015, l'indemnisation de son préjudice auprès du maire de la commune de Cugnaux.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-2 du code de justice administrative, applicable en matière de référé en vertu de l'article R. 522-11 du même code : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si une ordonnance de référé doit en principe, outre le nom des parties et les dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application, porter mention de l'ensemble des mémoires produits avant la clôture de l'instruction, l'omission du visa d'un tel mémoire n'est pas, par elle-même, de nature à l'entacher d'irrégularité lorsque celui-ci ne comporte pas de conclusions nouvelles.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que le mémoire en réplique de M.A..., enregistré le 12 octobre 2016 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, soit avant la clôture de l'instruction qui, devant le juge des référés, intervient à l'issue de l'audience publique, ne comportait pas de conclusions nouvelles. Par suite, la circonstance que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, ne mentionne pas ce mémoire dans les visas de l'ordonnance attaquée n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.
2. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M.A..., il ne ressort pas de la lecture de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par les parties à l'appui de leurs moyens, aurait entaché son ordonnance d'une omission à statuer.
3. En troisième lieu, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en relevant que " M.A..., qui demande au tribunal que soit mis à la charge de la commune de Cugnaux le paiement de la somme de 2 500 euros " avec distraction à " son conseil, MeD..., doit être regardé comme sollicitant le bénéfice des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 " n'a pas entaché d'irrégularité l'ordonnance attaquée.
4. En dernier lieu, M. A...soutient que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse serait entachée de plusieurs erreurs d'appréciation, ce faisant, le requérant conteste l'appréciation portée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. De tels moyens ne peuvent être utilement invoqués pour contester la régularité de l'ordonnance attaquée.
Sur la demande de provision :
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Les faits de harcèlement moral définis à l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 sont au nombre des agissements ouvrant droit, pour les fonctionnaires qui en sont victimes, au bénéfice de la protection prévue à l'article 11 de ladite loi.
5. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
6. Si le requérant soutient qu'il a subi des faits répétés de harcèlement moral l'attestation qu'il produit, rédigée le 27 novembre 2015 par une collègue, alors même qu'elle atteste de relations de travail difficiles, n'est suffisante pour établir, ni l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre, ni leur caractère répétitif.
7. Si M. A...produit plusieurs documents médicaux faisant état d'un surmenage, d'une dépression réactionnelle, d'une hypertension, d'harcèlement répété poussant à une tentative de suicide, ces documents, notamment celui du docteur Boyer-Vidal du 8 juin 2016 mentionnant une " fixation pathologique centrée sur un vécu de préjudice professionnel trois ans plutôt. Il dit avoir été victime d'un harcèlement moral ", s'ils établissent un lien entre cet état et les difficultés professionnelles rencontrées par M. A...en 2013, se bornent en cela à relayer les propos et le ressenti de l'intéressé.
8. Si M. A...a déposé une plainte le 4 septembre 2013 pour des faits de harcèlement moral, cette circonstance n'est pas de nature, en soi, à établir l'existence de tels faits.
9. Au titre des faits de harcèlement moral dont il dit avoir été victime, M. A...se prévaut de ce qu'il s'est vu confié des tâches ne relevant pas de ses fonctions de régisseur général, accroissant de manière anormale sa charge de travail, toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des échanges de mails produits par les parties relatifs à des problèmes techniques de nature électrique lors d'une manifestation culturelle le samedi 12 janvier 2013, que les tâches confiées à M. A...caractériseraient des faits de harcèlement moral, alors que, au demeurant, le poste de régisseur général implique notamment la mission de " suivi et maintenance des équipements techniques et du parc matériel ". Le requérant soutient également qu'il a été dessaisi progressivement de ses fonctions par son employeur, il ressort toutefois des pièces du dossier que si son employeur, la commune de Cugnaux, a déchargé de certaines missions M. A...et a fait appel ponctuellement à des régisseurs extérieurs, cette réorganisation du service s'explique par les déclarations du requérant lors de son entretient annuel du 18 février 2013, aux termes desquelles il justifie son manque d'organisation par la charge de travail excessive qui lui incombe, mais également par la dégradation de son état de santé, justifiant plusieurs congés maladie, et enfin par les nombreuses difficultés relationnelles qu'il a rencontré avec plusieurs membres du service. De telles mesures, dans les circonstances de l'espèce, ont donc été justifiées par des considérations étrangères à tout harcèlement moral. Enfin, si M. A...fait valoir qu'il a été progressivement isolé au sein du service, il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreux mails et témoignages produits par la commune en défense que cette situation résulte d'une attitude hostile et menaçante de l'intéressé vis-à-vis de ses collègues et du fonctionnement du service en général.
10. Il résulte de ce qui précède que, en l'état de l'instruction, les éléments dont M. A... fait état ne permettent pas de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Dans ces conditions, la demande de provision présentée par M. A...au titre du préjudice moral qu'il aurait subi en raison des agissements de la commune de Cugnaux doit être rejetée.
11. M. A...n'établit pas, par les documents qu'il produit, soit le témoignage de Mme B... et une attestation d'entrée en formation, avoir fait l'objet de refus d'emplois dans une autre collectivité. Il ne justifie donc pas du préjudice spécifique à " son avenir professionnel " qu'il allègue, consistant en la détérioration de sa réputation professionnelle qui résulterait de sa situation au sein de la commune. Par suite, sa demande de provision au titre de ce préjudice ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne la réparation du préjudice financier :
12. M. A...soutient qu'il a subi une perte de traitement en raison du réaménagement de son poste. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le réaménagement des horaires de travail du requérant, qui au demeurant n'a pas eu de conséquence sur le montant de sa rémunération fixe, a été pris dans l'intérêt du service, en vue d'éviter les situations de surmenage rencontrées par M. A...qui sont à l'origine d'une désorganisation de son travail, et de plusieurs arrêts maladies. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Cugnaux aurait commis une faute à l'origine de la perte de revenu qu'invoque le requérant. Dans ces conditions, la demande de provision présentée par M. A...au titre du préjudice financier qu'il aurait subi en raison des agissements de la commune de Cugnaux doit être rejetée.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de provision.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. La commune de Cugnaux n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Cugnaux présentées sur le fondement du même article.
ORDONNE
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Cugnaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...A...et à la commune de Cugnaux.
Fait à Bordeaux, le 2 mars 2017.
Le juge d'appel des référés
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX03484