Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 novembre 2017 et
16 février 2018, la MJC Aliénor d'Aquitaine, représentée par MeB..., demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2017 ;
2°) de condamner la commune de Poitiers à lui verser une provision égale au solde des subventions susmentionnées, avec les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner la commune de Poitiers à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le premier juge a irrégulièrement opéré d'office une substitution de motifs en retenant qu'elle ne justifiait pas avoir réalisé les actions pour lesquelles la commune avait décidé de lui attribuer une subvention en 2015 alors que le refus de la commune était seulement fondé sur l'opportunité ;
- elle justifie avoir procédé aux dépenses liées aux actions programmées au titre des subventions accordées pour l'année 2015 ; elle a notamment produit le dossier financier, le rapport du commissaire aux comptes dressé le 14 septembre 2016, alors que la commune n'a apporté aucun élément remettant en cause ses actions ;
- la créance d'un montant de 356 034 euros n'est donc pas sérieusement contestable ;
- la commune ne peut pas se prévaloir du protocole de transfert d'activité qu'elle a conclu avec l'association Couronneries Demain qui ne stipule aucune cession de créances au bénéfice de cette dernière ;
- elle justifie avoir réalisé les actions subventionnées de sorte que la commune ne peut invoquer une résiliation de plein droit sans indemnités et préavis ; les reproches de la commune portent non pas sur la réalisation des actions mais sur le manque de performance.
Par des mémoires en défense, enregistré le 16 janvier 2018 et le 19 mars 2018, la commune de Poitiers, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la MJC Aliénor d'Aquitaine soit condamnée à lui verser une somme de 3 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le premier juge n'a pas opéré d'office de substitution de motifs quant au refus de verser le solde des subventions, le juge ayant retenu le motif du rejet de la demande de versement du solde des subventions ;
- aucun des documents produits par la MJC ne permet de justifier de la réalisation des actions subventionnées ;
- les conventions financières conclues étaient subordonnées à des conditions qui ne sont pas remplies par l'association ; au vu des manquements de la requérante aux conventions financières, ces dernières sont résiliées de plein droit et le solde demandé n'est plus dû ;
- la créance est sérieusement contestable dans son montant.
Vu :
- l'ordonnance attaquée ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Philippe Pouzoulet, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. En 2015, la commune de Poitiers a renoncé à proroger la convention pluriannuelle qu'elle avait conclue avec la maison des jeunes et de la culture (MJC) Aliénor d'Aquitaine pour les années 2011 à 2014, par laquelle l'association, en contrepartie d'un soutien financier de la collectivité, s'engageait à réaliser un programme d'actions. Pour l'année 2015, la commune a néanmoins conclu quatre conventions prévoyant l'attribution de subventions d'un montant total de 981 470 euros. A la fin de l'année, la MJC a constaté que la commune de Poitiers ne lui avait pas versé l'intégralité des subventions prévues. Par lettre du 25 avril 2016, l'association a demandé le versement du solde des subventions se montant à
356 304 euros. Cette demande a été rejetée par un courrier de la commune de Poitiers du
23 mai 2016. La MJC relève appel de l'ordonnance du 13 novembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la MJC tendant à condamner la commune de Poitiers à lui verser une provision de 356 034 euros.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. La commune de Poitiers, qui pouvait par tout moyen faire valoir devant le juge du référé provision que l'existence d'une obligation de payer était sérieusement contestable, a soutenu devant le tribunal que l'association n'avait pas rempli les conditions fixées dans les conventions financières auxquelles était subordonné le versement des aides en litige. Le premier juge s'est borné à faire droit à ce moyen en relevant que les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir la réalisation des actions entreprises par la MJC préalable au versement des sommes en litige. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le premier juge n'a procédé d'office à aucune substitution de motifs. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
Sur la demande de provision :
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice
administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à établir l'existence d'une obligation non sérieusement contestable avec un degré suffisant de certitude.
5. Il résulte de l'instruction que plusieurs conventions financières ont été conclues entre la MJC Aliénor d'Aquitaine et la commune de Poitiers en janvier, avril, juillet et septembre 2015, ayant pour objet d'apporter le concours de la commune de Poitiers à diverses actions organisées par l'association : insertion professionnelle, projection de films, animations de rue, carnaval des Couronneries, action culturelle dans le quartier des Couronneries, accueil d'activités de loisirs, projet de médiation citoyenne sur le quartier des Couronneries, aide au fonctionnement du conseil de quartier et développement du numérique.
6. La plus importante de ces conventions, la convention n° 2, portant sur un montant total de 809 543 euros et une avance de trésorerie de 120 000 euros, stipule que l'aide de la commune, faisant l'objet d'un paiement fractionné pour les subventions supérieures à
100 000 euros, est versée sous réserve que les actions soient effectivement réalisées, ce qui nécessite la production d'un bilan d'activité et d'un compte-rendu financier (article 4).
La MJC Aliénor d'Aquitaine à qui incombe la charge de la preuve ne justifie pas qu'elle a produit ces justificatifs. Et les documents qu'elle fournit à l'instance, notamment un dossier financier et des comptes-rendus de son conseil d'administration, ne permettent pas non plus de démontrer la réalité des actions entreprises et des sommes engagées par l'association pour les mener à bien conformément aux engagements qu'elle a souscrits.
7. Dès lors, la MJC Aliénor d'Aquitaine ne peut se prévaloir de l'existence, avec un degré suffisant de certitude, d'une obligation non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qui imposerait à la commune de Poitiers de lui payer, au titre de l'année 2015, la somme de 356 034 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la MJC Aliénor d'Aquitaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de provision.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Poitiers, qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame la MJC Aliénor d'Aquitaine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la MJC Aliénor d'Aquitaine le versement à la commune de Poitiers de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la maison des jeunes et de la culture Aliénor d'Aquitaine est rejetée.
Article 2 : La maison des jeunes et de la culture Aliénor d'Aquitaine versera à la commune de Poitiers la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la maison des jeunes et de la culture Aliénor d'Aquitaine et à la commune de Poitiers.
Fait à Bordeaux, le 2 mai 2018.
Le juge d'appel des référés,
Philippe Pouzoulet
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 17BX03682