Procédure devant la cour :
Par une requête conjointe enregistrée le 4 janvier 2019, la SAS Côtes Ouest, la SARL 3C Développement et MM. D... B... et G... F..., tous représentés par la SEARL LVI Avocats Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 31 octobre 2018 ;
2°) d'annuler le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à leur encontre, de les relaxer des fins de poursuite et de rejeter l'ensemble des demandes présentées par le préfet de La Réunion devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal ne pouvait statuer sur la domanialité publique de la parcelle DI n° 436 alors qu'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat contre le jugement dudit tribunal ayant déclaré que cette parcelle appartenait au domaine public maritime est pendant ;
- l'adjointe à la direction de l'environnement, de l'aménagement du territoire et du logement n'était pas compétente pour signer le procès-verbal du 2 juillet 2018, en l'absence de production de l'attestation de prestation de serment de l'intéressée ;
- la parcelle en cause ne relève pas du domaine public de l'État de sorte qu'aucune infraction n'a été commise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Côtes Ouest, la SARL 3C Développement et MM. D... B... et G... F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 2 juillet 2018 à l'encontre de la SAS Côtes Ouest, de la SARL 3C Développement et de leurs dirigeants respectifs, MM. B... et F..., pour l'occupation sans autorisation d'une partie de la parcelle cadastrée DI n° 436 située sur le territoire de la commune de Saint-Paul, au lieu-dit " l'Hermitage-les-Bains ", et la construction sans autorisation sur cette parcelle de plusieurs bâtiments et aménagements. Le préfet de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner les contrevenants au paiement d'une amende pour l'occupation illégale de cette parcelle ainsi qu'à la remise en état des lieux et de l'autoriser à procéder, avec le concours de la force publique si nécessaire, à la remise en état de cette parcelle. Les sociétés Côtes Ouest et 3C Développement ainsi que MM. B... et F... relèvent appel du jugement n° 1800612 du 31 octobre 2018, en tant que le tribunal administratif de La Réunion les a condamnés au paiement d'une amende de 1 500 euros au titre de l'occupation sans titre de la parcelle cadastrée section DI n° 436, leur a enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, de cesser sans délai l'occupation de cette parcelle et de remettre les lieux en l'état originel, en démolissant l'intégralité des constructions, annexes et installations édifiées sur la parcelle pour l'exploitation de l'établissement " Le K'Banon ", et a autorisé le préfet de La Réunion à procéder à l'expulsion des contrevenants et à la remise en état des lieux aux frais, risques et périls de ces derniers.
Sur la régularité du jugement :
2. Si les requérants soutiennent que le tribunal administratif de La Réunion ne pouvait statuer sur l'appartenance au domaine public de la parcelle cadastrée section DI n° 436 sans attendre la décision du Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi tendant à l'annulation du jugement du même tribunal répondant à une question préjudicielle posée par le tribunal de grande instance de Saint-Denis sur ce point, il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire qu'un tel pourvoi serait suspensif ou ferait obstacle à ce que le tribunal statue sur les actions publique et domaniale engagées par le préfet de La Réunion sur le fondement de la contravention de grande voirie en litige. Par suite, à supposer que la société requérante ait entendu contester la régularité du jugement, ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. ".
En ce qui concerne la régularité des poursuites :
4. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'État assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance (...) sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. ".
5. Il ressort des mentions du procès-verbal du 2 juillet 2018, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que Mme E... H..., signataire de ce document, était " commissionnée, assermentée et porteuse de la commission n° 974-13-09 " pour constater l'occupation sans titre d'une dépendance du domaine public maritime sur la parcelle cadastrée section DI n° 436 située sur la commune de Saint-Paul. Le préfet de La Réunion a produit en défense devant le tribunal une copie de la carte de commissionnement, portant le numéro cité dans le procès-verbal, établie au nom de l'agent verbalisateur par le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement le 28 mars 2013, laquelle est au verso revêtue du cachet du tribunal de grande instance de Saint-Denis et de la signature d'un greffier sous la mention indiquant que le " titulaire de la présente commission a prêté le serment prescrit par la Loi le 4 février 2014 devant le tribunal ". Ainsi, alors que les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause ces mentions, le ministre démontre de manière suffisante que Mme H... a été régulièrement habilitée pour constater les infractions en ce qui concerne les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques, parmi lesquelles figurent celles constituées par les occupations sans titre du domaine public maritime. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du procès-verbal en cause doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de la contravention :
6. Aux termes de l'article L. 5111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l'État ". Aux termes de l'article L. 5111-2 du même code : " La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 5111-3 dudit code : " Les dispositions de l'article L. 5111-1 s'appliquent sous réserve des droits des tiers à la date du 5 janvier 1986. Les droits des tiers résultent : / 1° Soit de titres reconnus valides par la commission prévue par les dispositions de l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 ; / 2° Soit de ventes ou de promesses de vente consenties par l'État postérieurement à la publication de ce décret et antérieurement à la date du 5 janvier 1986 ; / 3° Soit, dans le département de La Réunion, des éventuelles prescriptions acquises à la date du 3 janvier 1986 " et aux termes de l'article L. 5111-4 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 5111-1 ne s'appliquent pas : 1° Aux parcelles appartenant en propriété à des personnes publiques ou privées qui peuvent justifier de leur droit (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la zone des cinquante pas géométriques est délimitée dans le département de La Réunion en application de l'arrêté gubernatorial du 4 mai 1876 et, pour la commune de Saint-Paul, selon le plan approuvé par l'arrêté gubernatorial du 11 mars 1878, produit par le préfet et sur lequel la limite inférieure des cinquante pas géométriques sur le territoire de cette commune est celle représentant la limite du rivage de la mer à l'époque où le plan fut établi et la limite supérieure est matérialisée par une ligne intitulée " limite supérieure des pas géométriques ". Il résulte également de l'instruction, et notamment de la lecture de ce plan et du plan parcellaire de la commune de Saint-Paul, que la parcelle cadastrée section DI n° 436 est entièrement incluse dans cette zone des cinquante pas géométriques, laquelle a été réintégrée au sein du domaine public maritime en application de l'article L. 87 du code du domaine de l'État, sous réserve des droits des tiers, à l'entrée en vigueur de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, pour les parcelles de cette zone qui auraient pu faire l'objet d'une cession ou d'une promesse de vente entre le 30 juin 1955 et le 5 janvier 1986 ou auraient été acquises par la voie de la prescription trentenaire à cette dernière date. Les requérants ne peuvent à cet égard se prévaloir utilement d'un bail commercial qui aurait été consenti par la commune en 1982 dès lors que ce bail, dont l'existence n'est au demeurant pas établie, ne saurait valoir titre de propriété au sens des dispositions précitées des articles L. 5111-3 et L. 5111-4 du code général de la propriété des personnes publiques.
8. Il résulte de l'instruction que l'autorisation d'occupation temporaire délivrée en dernier lieu à la SAS Côtes Ouest le 11 juillet 2017 expirait le 30 juin 2018 et qu'à la date de l'établissement du procès-verbal en cause, le 2 juillet 2018, cette société ne détenait aucun droit ni titre l'autorisant à occuper la parcelle cadastrée section DI n° 436 appartenant au domaine public maritime. Cette occupation sans titre constitue une contravention de grande voirie qu'il incombait au préfet de La Réunion de poursuivre dans les conditions prévues à l'article L. 5121-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal les a condamnés au paiement d'une amende de 1 500 euros, leur a enjoint, sous astreinte, de cesser sans délai l'occupation du domaine public et de remettre les lieux en l'état originel et a autorisé le préfet de La Réunion à procéder à leur expulsion et à la remise en état des lieux à leurs frais, risques et périls.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme réclamée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Côtes Ouest, à la société anonyme à responsabilité limitée 3C développement, à MM. D... B... et G... F..., à la ministre de la transition écologique et au préfet de La Réunion.
Copie en sera transmise pour information au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. C... A..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
Didier A...Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00039