Procédure devant la cour :
Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 26 mai, 9 juin et 22 octobre 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'abroger les décisions du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Il soutient que :
- la décision du 24 décembre 2019 portant refus de titre de séjour a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020, de sorte que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans doivent être abrogées ;
S'agissant du refus de certificat de résidence algérien :
- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît le 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est privée de base légale ;
- l'interdiction de retour d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au non-lieu à statuer.
Il soutient que :
- l'interdiction de retour sur le territoire français a été abrogée par application des dispositions de l'article L. 512-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par l'effet du jugement du 28 mai 2020 et qu'ainsi M. E... ne figure plus au fichier des personnes recherchées ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été exécutée.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... ressortissant algérien né le 12 septembre 1994, est entré irrégulièrement en France alors qu'il était mineur et a vécu auprès de son oncle auquel il avait été confié par acte de kafala. Il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé du mois de décembre 2012 au mois de janvier 2015. M. E... a ensuite fait l'objet, le 19 avril 2017 puis le 19 septembre 2018, de mesures d'éloignement successives qui n'ont pas été exécutées. Le 16 juillet 2019, M. E... a demandé la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'une ressortissante française qu'il avait épousée le 15 juin 2019. Par un arrêté du 24 décembre 2019, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à cette demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. E... doit être regardé comme relevant appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur l'exception à fin de non-lieu à statuer soulevée par le préfet :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 512-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'annulation de la décision relative au séjour emporte abrogation de la décision d'interdiction de retour qui l'accompagne le cas échéant, y compris lorsque le recours dirigé contre celle-ci a été rejeté selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1. ".
3. Postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, le tribunal administratif de Limoges a, dans sa formation collégiale, annulé le refus de certificat de résidence algérien du 24 décembre 2019, par un jugement du 28 mai 2020 devenu définitif. Ainsi, l'interdiction de retour sur le territoire français doit être regardée comme ayant été abrogée à cette date. Cependant, cette interdiction de retour sur le territoire français a reçu exécution à compter de la date à laquelle M. E... a été reconduit en Algérie, soit pendant la période au cours de laquelle elle était en vigueur. Les conclusions dirigées contre cette décision ne sont ainsi pas privées d'objet.
4. D'autre part, si, par son jugement du 28 mai 2020, postérieur à l'enregistrement de la requête d'appel, le tribunal administratif de Limoges, dans sa formation collégiale, a annulé le refus de certificat de résidence algérien du 24 décembre 2019, cette circonstance ne rend pas sans objet les conclusions de M. E... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français dont était assorti le refus de titre alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure d'éloignement aurait été retirée. Si le préfet fait valoir que cette mesure a été exécutée, cette circonstance ne rend pas davantage sans objet les conclusions dirigées contre elle. Il y a donc lieu d'y statuer.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 24 décembre 2019 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020 devenu définitif, en tant qu'il portait refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien à M. E.... Par suite, les décisions du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français sont privées de base légale.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que le préfet procède au réexamen de la situation administrative de M. E... dans un délai de deux mois à compter de sa notification et lui délivre une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. E... dirigées contre les décisions du 24 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 24 décembre 2019 est annulé en tant qu'il oblige M. E... à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de renvoi et lui interdit le retour sur le territoire français.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de la demande de M. E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. D... C..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le rapporteur,
Didier C...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01758