Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 février 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Corrèze du 18 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour avec réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de la renonciation à percevoir la somme correspondant à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa requête était tardive et les éléments sur lesquels il s'est fondé n'ont pas été soumis au contradictoire ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- elle ne pouvait pas trouver de base légale dans le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de la notification de l'arrêté attaqué la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'était pas définitive ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 11-1 III alinéa 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur les 4 critères et a créé illégalement ses propres critères ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une violation du droit tant national qu'international pour les mêmes motifs que ceux exposés en première instance ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des précédentes décisions ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive et donc irrecevable,
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 18 novembre 2019 qui ont été présentées après l'expiration du délai de 15 jours fixé par les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant guinéen né en 1986, relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 18 novembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Pour rejeter comme tardive la demande de M. A... le président du tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur l'avis de réception de l'arrêté contesté, produit le 17 janvier 2020 par le préfet de la Corrèze en réponse à une mesure d'instruction effectuée le 14 janvier 2020 par le greffe du tribunal. Or, il ressort des pièces du dossier de première instance que cette pièce n'a pas été communiquée à M. A... avant l'intervention du jugement attaqué. Dans ces conditions, le premier juge n'a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de l'instruction, se fonder sur cet élément pour rejeter comme tardive la demande de M. A.... Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A....
5. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de réception produit par le préfet devant le tribunal administratif, que le pli contenant l'arrêté contesté a été reçu par M. A... le 4 décembre 2019. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Limoges le 23 décembre 2019, soit après l'expiration du délai de quinze jours fixé par les dispositions citées au point précédent, étaient tardives et, par suite, irrecevables. Elles doivent, dès lors, être rejetées.
7. Le présent arrêt, qui rejette comme irrecevables les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 18 novembre 2019, n'implique pas qu'un titre de séjour lui soit délivré ni que sa demande soit réexaminée et qu'une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Corrèze de prendre de telles mesures doivent être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au bénéfice du conseil de M. A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902260 du 6 février 2020 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... B..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne B... Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 20BX01681