Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision litigieuse méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les articles 3 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... C...,
- et les observations de Me B..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... ressortissant nigérian né le 23 décembre 1980, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 2 septembre 2016. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 août 2017, confirmée le 30 mai 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Par deux demandes adressées les 16 juillet 2018 et 5 décembre 2019, M. D... a ensuite sollicité le bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 26 février 2020, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. M. D... relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 14 novembre 2018, l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale mais le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les éléments médicaux produits à l'instance, notamment des ordonnances prescrivant un traitement médicamenteux ainsi qu'une attestation médicale mentionnant une pathologie psychiatrique et un certificat médical du 28 juillet 2020 attestant qu'en dépit de sa pathologie chronique, l'intéressé est présent auprès de sa compagne, elle-même atteinte d'une pathologie chronique, ne peuvent suffire à contredire l'avis émis collégialement par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la durée du séjour en France de M. D... est en majeure partie consécutive à l'instruction de sa demande d'asile en définitive rejetée et à l'examen de sa demande de titre de séjour. S'il fait valoir sa vie commune avec une compatriote dont le renouvellement du titre de séjour en qualité d'étranger malade était en cours d'instruction à la date de la décision litigieuse et avec laquelle il a eu deux enfants nés les 27 février 2018 et 20 janvier 2020, il n'apporte pas à l'instance d'éléments justifiant de cette vie commune antérieurement au mois de décembre 2019. Dans ces conditions, eu égard notamment à la courte durée de cette vie commune et alors que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de M. D... se poursuive ailleurs qu'en France, notamment au Nigéria, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".
8. S'il résulte des stipulations précitées que, dans son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, M. D... assurait une prise en charge particulière de ses enfants. Au surplus et ainsi qu'il a été dit, rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de M. D... se poursuive ailleurs qu'en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de celles, en tout état de cause, de l'article 16 de la même convention doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont développés aux points 4, 6 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier C..., président-assesseur,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 20BX03169