Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 7 mai 2018 sous le n°18BX01835, MmeG..., représentée par Me D...dit Labaquere, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2017 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la date de notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au réexamen de sa demande et de lui délivrer durant ce délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas si les soins nécessaires sont accessibles en Arménie, qu'il n'a pas été communiqué, et que le nom du médecin-rapporteur n'apparait pas de sorte que rien ne permet d'établir que ce dernier n'a pas siégé au sein du collège ;
- la décision de refus de séjour est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi la disponibilité du traitement requis par son état de santé en Arménie. Le collège des médecins ne s'étant pas prononcé sur cet élément le préfet ne pouvait apporter la preuve de l'accessibilité des traitements ;
- la décision méconnaît également le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle réside en France depuis 6 ans avec son mari et ses deux enfants, que sa fille est mariée avec un ressortissant russe bénéficiant du statut de réfugié, qu'elle a une petite-fille née en France, que son fils bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et souffre de troubles psychiatriques graves nécessitant sa présence à ses côtés ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu, les droits de la défense et est contraire aux articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et demande la jonction de cette instance avec celle concernant son mari.
Il fait valoir que :
- il s'en remet à ses écritures de première instance dont il joint une copie ;
- il produit un courriel de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en vertu duquel le médecin qui a établi le rapport n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a émis l'avis fondant l'arrêté contesté.
Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018 à 12h00.
Un bordereau de production de pièces a été enregistré le 12 août 2018 et non communiqué.
Mme G...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2018.
II. Par une requête enregistrée le 7 mai sous le n° 18BX01836, M.G..., représenté par Me D...dit Labaquere, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2017 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la date de notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir au réexamen de sa demande et de lui délivrer durant ce délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il réside en France depuis 6 ans avec son épouse malade et ses deux enfants, que sa fille est mariée avec un ressortissant russe bénéficiant du statut de réfugié, qu'il a une petite-fille née en France, que son fils bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et souffre de troubles psychiatriques graves ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu et les droits de la défense et est contraire aux articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et demande la jonction de cette instance avec celle concernant son épouse.
Il fait valoir que :
- il s'en remet à ses écritures de première instance dont il joint une copie ;
- il produit un courriel de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en vertu duquel le médecin qui a établi le rapport n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a émis l'avis fondant l'arrêté concernant l'épouse du requérant.
Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018 à 12h00.
Un bordereau de production de pièces a été enregistré le 12 août 2018 et non communiqué.
M. G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G...et Mme F...épouse G..., ressortissants arméniens, sont entrés en France accompagnés de leurs deux enfants au cours du mois de février 2011. A la suite du rejet définitif de leurs demandes d'asile le 20 mars 2013, ils ont sollicité la délivrance de titres de séjour vie privée et familiale qui leur a été refusée par arrêtés du préfet des Pyrénées-Atlantiques le 12 avril 2013. Ces arrêtés ont été annulés par jugement du tribunal administratif de Pau du 10 septembre 2013. M. et Mme G...ont ensuite adressé au préfet de la Gironde des demandes de titre de séjour, respectivement en qualité d'accompagnant de malade et d'étranger malade. Le préfet de la Gironde a délivré, le 14 mars 2014, à Mme G...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelé jusqu'au 29 décembre 2016. Le préfet de la Gironde a délivré, le 22 avril 2014, à M. G...une autorisation provisoire de séjour, régulièrement renouvelée jusqu'au 29 avril 2017. En réponse à leurs demandes de renouvellement de titre de séjour, le préfet de la Gironde a, par deux arrêtés du 24 juillet 2017, refusé de leur délivrer un titre de séjour et a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M et Mme G...relèvent appel du jugement du 5 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n°18BX01835 et 18BX01836 concernent la situation d'un couple, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés du 24 juillet 2017:
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que la fille des requérants, Armenuhi, qui s'est mariée à Pau en 2016 avec M. A...B..., ressortissant russe qui bénéficie d'un titre de séjour en qualité de réfugié et avec lequel elle a eu un enfant né en France le 5 juillet 2017, est titulaire d'une carte de séjour temporaire. D'autre part, il apparaît également que Eduard, leur fils, qui souffre d'une pathologie mentale grave et nécessite l'assistance de sa famille, bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. S'il est constant que l'octroi d'un titre de séjour à un membre de la famille ne confère pas pour autant, sauf dans les cas prévus par les lois et règlements, un droit au séjour aux autres membres de la famille il apparaît toutefois dans les circonstances de l'espèce que M et Mme G...ont transféré l'ensemble de leurs attaches familiales en France, pays dans lequel au moins leur fille a vocation à se maintenir. Au demeurant, il n'est pas établi ni même allégué qu'ils auraient encore des attaches familiales ou personnelles dans leur pays d'origine, l'Arménie, qu'ils ont quitté près de quinze ans avant de venir en France. Dès lors, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, en refusant de leur délivrer des titres de séjour, le préfet de la Gironde a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. L'annulation des refus de titre de séjour implique nécessairement l'annulation des obligations de quitter le territoire français et décisions fixant le pays de renvoi subséquentes comprises dans les arrêtés du 24 juillet 2017.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M et Mme G...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 24 juillet 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, que le préfet de la Gironde délivre à M et à Mme G...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
9. M. et Mme G...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me D...dit Labaquere, conseil de M et MmeG..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1704375-1704376 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 5 janvier 2018 et les arrêtés du 24 juillet 2017 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. et Mme G...un titre de séjour chacun portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme G...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me D...dit Labaquere, avocate de M et Mme G...une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...épouseG..., à M. E...G..., au ministre de l'intérieur et à Me D...dit Labaquere. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BraudLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01835-18BX01836