Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 12 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Toulouse est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- le préfet a manqué à son obligation de loyauté et d'instruction préalable de son dossier telles qu'elles découlent de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et des articles 12 et 13 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 en ne sollicitant pas d'observation de sa part et en ne s'assurant pas qu'elle était informée, dans une langue qu'elle comprend, de son exposition à une mesure d'éloignement ; sa qualité de demandeur d'asile aurait dû justifier que des mesures particulières soient mises en oeuvre compte tenu de sa vulnérabilité ; elle n'a pas été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas usé de son pouvoir discrétionnaire et s'est senti lié par les décisions de refus de sa demande d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations du considérant 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle encourt des risques de persécutions en cas de retour au Congo en raison de l'appartenance de son mari à une milice qui a affronté les troupes gouvernementales à Brazzaville après la contestation des élections législatives de 1993 par les partis d'opposition.
Par un mémoire, enregistré le 27 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il réitère ses observations formulées en première instance et fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 17 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2017 à 12 heures.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention entre la République française et le gouvernement du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes du 31 juillet 1993, ensemble l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement en date du 25 octobre 2007 ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., née le 10 mai 1952, de nationalité congolaise, est entrée en France le 4 juin 2014 selon ses déclarations. Elle a formé une demande d'asile le 25 novembre 2014, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2015. Par un arrêté en date du 12 avril 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 octobre 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En indiquant que " le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 12 et 13 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 (...) est inopérant " et " qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ", les premiers juges, qui n'ont omis de statuer sur aucun des moyens soulevés devant eux, ont suffisamment motivé le jugement attaqué, contrairement à ce que soutient la requérante.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 2016 :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention entre la République française et le gouvernement du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes du 31 juillet 1993, l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement en date du 25 octobre 2007 ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. L'arrêté indique notamment que Mme A...est entrée en France le 4 juin 2014 selon ses déclarations, à l'âge de 62 ans et qu'elle s'est vue débouter de sa demande d'asile le 31 mars 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2015. L'arrêté indique que Mme A...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et que l'examen de sa situation personnelle permet de conclure qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale. Le préfet conclut en indiquant que l'intéressée n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie ailleurs qu'en France et notamment en République du Congo, où elle n'établit pas être dépourvue de liens personnels ni d'attaches familiales et où elle a vécu toute sa vie. Ainsi, le préfet, qui n'avait pas à relever de manière exhaustive l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme A..., a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tout élément susceptible de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
6. En l'espèce, le refus de séjour contesté et la décision portant obligation de quitter le territoire français sont intervenus quatre mois après que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté définitivement la demande d'asile, et aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que Mme A...aurait été empêchée de présenter des observations, notamment sur ses craintes quant aux persécutions dont elle risque de faire l'objet en cas de retour au Congo, avant l'intervention des décisions qu'elle conteste. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré du non-respect du droit d'être entendu que Mme A...développe en se prévalant des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, mais aussi des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de celles de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013, ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, les dispositions législatives relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et les textes pris pour leur application, qui précisent les cas dans lesquels les étrangers présents sur le territoire national ont droit à la délivrance d'un titre de séjour, ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, sauf lorsque les textes l'interdisent expressément. Ainsi, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions non remplies, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet, qui a pris en compte l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressée pour faire éventuellement usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, qu'il a estimé que Mme A...ne pouvait " être autorisée à demeurer sur le territoire national à un autre titre " et ne s'est donc pas senti lié par les décisions rejetant la demande d'asile. Dès lors le préfet, qui n'était pas tenu d'user de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En quatrième lieu, Mme A...se prévaut de la méconnaissance des stipulations du " considérant n° 12 " de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, et fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée. Toutefois, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation découlant de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008. L'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée. En outre, cette directive ayant été transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 publiée au Journal officiel le 17 juin 2011, qui a modifié le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante ne peut utilement invoquer l'incompatibilité de la décision litigieuse avec les dispositions de cette directive.
9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 4 juin 2014 selon ses déclarations, à l'âge de 62 ans, qu'elle n'a été autorisée à y séjourner que le temps de l'examen de sa demande d'asile et qu'elle n'établit pas être dépourvue de liens familiaux dans son pays d'origine, où elle a vécu la plus grande partie de sa vie. Dès lors, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme A...soutient être exposée à des persécutions par les autorités congolaises en cas de retour au Congo en raison de l'appartenance de son mari à une milice ayant participé aux affrontements avec les troupes gouvernementales à l'issue des élections législatives de 1993. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2015, ne justifie par aucun élément l'actualité et la réalité des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la désignation de la République du Congo comme pays de renvoi ferait courir à la requérante des risques de traitements inhumains ou dégradants ne peut être accueilli.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui le concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
No 16BX04299