Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mars 2020, Mme G..., représentée par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 25 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa demande, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- en l'absence de justification de la publication de la délégation du 6 septembre 2019,
le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être accueilli ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la décision ne vise pas le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nécessaire à l'appréciation de la situation de mère d'un enfant malade, et n'explicite pas la teneur de ses dispositions ; l'examen de son droit au séjour au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne comporte pas d'éléments propres à sa situation ; ainsi, la décision
est insuffisamment motivée ;
- le tribunal n'a pas recherché si le traitement nécessaire à son fils était effectivement disponible au Maroc ; son fils a été hospitalisé à plusieurs reprises, notamment
du 11 au 23 novembre et du 29 au 30 novembre 2018 pour un diabète de type 1 ; il est également pris en charge du 28 août 2019 au 4 juillet 2020 au centre de soins de suite et de réadaptation nutrition obésité " Les Terrasses " à Niort ; le pédiatre du centre hospitalier de Châtellerault qui suit l'enfant depuis novembre 2018 atteste que ces prises en charge ne sont pas disponibles au Maroc, ce qui est corroboré par les pièces fournies par l'administration, dont il ressort que l'obésité n'y est traitée que par la chirurgie et que les traitements du diabète de type 1 ne sont pas accessibles de manière effective, en raison notamment de ruptures de stocks et des modalités de remboursement par la sécurité sociale, laquelle ne prend en charge que 70 % du coût du traitement ; c'est ainsi à tort que la préfète a estimé que le traitement serait disponible de manière effective dans le pays d'origine ;
- dès lors que le traitement n'est pas disponible au Maroc, que son fils est scolarisé en France et qu'il bénéficie depuis le 28 août 2019 et jusqu'en juillet 2020 d'une prise en charge pluridisciplinaire dans l'établissement médical " Les Terrasses " où le nombre de places est très limité, la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision, qui prive son fils de la possibilité de bénéficier des soins indispensables au traitement de ses pathologies, méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée en fait au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît ces stipulations dès lors que les traitements du diabète et de l'obésité
ne sont pas disponibles au Maroc.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2020, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par Mme G... ne sont pas fondés.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., de nationalité marocaine, est entrée en France le 2 août 2017
sous couvert d'un visa de court séjour et a présenté le 11 juin 2019 une demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de son fils E... F... né le 25 octobre 2004. Par un arrêté du 25 septembre 2019, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme G... relève appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. L'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel la préfète de la Vienne a donné délégation à M. H..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment toutes les décisions relevant de l'application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 96-2019-098, ainsi que tout administré peut le constater en consultant le site internet de la préfecture ou un moteur de recherches. La circonstance que la préfète de la Vienne n'a pas elle-même produit la preuve de cette publication est sans incidence sur l'opposabilité de la délégation de signature, et par suite sur la compétence de M. H... pour prendre l'arrêté attaqué.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, en tant qu'elle refuse d'accorder à Mme G... l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision est suffisamment motivée en droit par la citation des dispositions de cet article, lesquelles font référence au 11° de l'article L. 313-11 de ce code. Dès lors que la préfète, qui n'était pas saisie d'une demande en ce sens, n'a pas examiné d'office la possibilité d'une régularisation exceptionnelle compte tenu de la vie privée et familiale de l'intéressée, l'absence de motivation en fait de la décision au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoquée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation (...). / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...). " Le 11° de l'article L. 313-11 prévoit la délivrance d'un titre de séjour à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "
5. Par un avis du 28 août 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé du jeune E... F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins
et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que l'adolescent,
né le 25 octobre 2004, présente une obésité commune sévère et un diabète de type 1 diagnostiqué le 11 novembre 2018, que son diabète était bien équilibré dès le 13 décembre 2018, et qu'il a été admis pour la période du 28 août 2019 au 4 juillet 2020 au centre de soins de suite et de réadaptation " Les Terrasses " à Niort, lequel accueille en internat des adolescents souffrant d'obésité pour une prise en charge pluridisciplinaire associant un suivi médical, une rééducation diététique et un réentraînement à l'activité physique. Si une telle prise en charge individualisée, dont au demeurant les patients concernés ne peuvent pas tous bénéficier en France, n'est pas disponible au Maroc, cette circonstance n'est pas de nature à contredire l'avis du collège de médecins sur la possibilité d'accéder à un traitement approprié dans ce pays, où un plan national de prévention et de lutte contre le surpoids et l'obésité a été mis en place pour les années 2020 et 2021. Il ressort d'une étude de janvier 2019 relative à la prise en charge du diabète au Maroc que cette maladie affectant 12,4 % de la population est prise en charge notamment dans 23 centres de référence où les consultations de médecins spécialistes sont gratuites, que les traitements sont remboursables à 70 % par la sécurité sociale, qu'une grande diversité de spécialités à base d'insuline y est disponible, dont celles prescrites au jeune E... F..., et que les ruptures de stock pouvant être observées dans certaines structures publiques, qui n'affectent pas les pharmacies privées, semblent imputables à des défaillances dans la gestion des stocks et des commandes. La seule circonstance que Mme G... devrait supporter 30 % du coût du traitement du diabète ne suffit pas à démontrer que son fils ne pourrait effectivement bénéficier au Maroc d'un traitement approprié à ses pathologies. Par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit à la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
7. Dès lors que le jeune E... F... peut effectivement bénéficier au Maroc d'un traitement approprié à ses pathologies, les circonstances qu'à la date de la décision, il était scolarisé en France depuis deux ans et bénéficiait d'une prise en charge pluridisciplinaire au centre de soins de suite et de réadaptation nutrition obésité " Les Terrasses " pour l'année scolaire en cours ne suffisent pas à faire regarder le refus d'autorisation provisoire de séjour opposé à sa mère comme contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reposent sur le postulat erroné selon lequel le fils de Mme G... ne pourrait effectivement bénéficier au Maroc d'un traitement approprié à ses pathologies, ne peuvent qu'être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
10. Pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des articles 2, 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il ressort des pièces du dossier que Mme G..., qui résidait en France dans des conditions précaires avec son fils depuis moins de deux ans à la date de la décision, conserve des attaches, notamment deux soeurs, au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Par suite, elle n'est pas fondée à invoquer une méconnaissance de ces stipulations.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Mme G... n'établit ni même n'allègue s'être prévalue de risques de torture ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Maroc. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'avait pas à être motivée en fait au regard de ces stipulations.
13. Dès lors que le jeune E... F... peut effectivement bénéficier au Maroc
d'un traitement approprié à ses pathologies, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir
que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté
sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées
au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative
et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme K... J..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... I..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
La rapporteure,
Anne C...
La présidente,
Catherine J...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 20BX01042