Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mai 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. E..., signataire de la décision attaquée, disposait d'une délégation à cet effet ;
- s'agissant des autres moyens, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2021 M. A..., représenté par Me Montrichard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de ce que le signataire de la décision bénéficiait d'une délégation de signature à l'effet de signer une décision de suspension de permis de visite ;
- la décision n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire régulière ; si Mme A... a été informée de ce qu'elle disposait d'un délai de trois semaines pour formuler des observations, la décision a été prise avant l'expiration de ce délai ; si elle avait certes présenté des observations, elle aurait pu utiliser le délai annoncé pour présenter des observations complémentaires ;
- la matérialité des faits justifiant la décision n'est pas établie ; il existe des contradictions entre les déclarations des surveillants, notamment s'agissant de la couleur des sachets contenant des produits stupéfiants retrouvés dans la cellule de fouille ; un surveillant a lui-même introduit ces sachets ; il avait déjà fait l'objet, l'année précédente, de dénonciations mensongères de la part d'un autre membre du personnel pénitentiaire portant sur de prétendues violences commises sur son enfant au cours d'un parloir.
Par ordonnance du 21 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... B...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est incarcéré au centre de détention de Muret depuis le 13 novembre 2008. Par une décision du 27 octobre 2016, le directeur de l'établissement a suspendu pour une durée de trois mois le permis de visite de Mme A..., son épouse. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale : " Pour les personnes condamnées, incarcérées en établissement pénitentiaire ou hospitalisées dans un établissement de santé habilité à recevoir des personnes détenues, les permis de visite sont délivrés, refusés, suspendus ou retirés par le chef de l'établissement pénitentiaire (...) ".
3. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que par un arrêté du 5 avril 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne, le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Muret a donné délégation à M. D... E..., directeur adjoint, pour signer, notamment, les décisions de suspension de permis de visite. Il suit de là que le moyen retenu par le tribunal tenant à une incompétence du signataire de la décision en litige ne pouvait en fonder l'annulation.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre de détention de Muret du 27 octobre 2016.
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 20 octobre 2016, le directeur du centre de détention de Muret a indiqué à Mme A... qu'une fouille réalisée à l'issue du parloir du 19 octobre 2016 ayant révélé que son époux dissimulait trois sachets comportant des produits stupéfiants, son permis de visite était suspendu à titre conservatoire, et l'a informée de ce qu'elle disposait d'un délai de trois semaines pour présenter ses observations avant l'édiction d'une décision définitive pouvant consister en une suspension de son permis de visite. Si la décision de suspension de son permis de visite a été prise le 27 octobre 2016, avant l'expiration du délai de trois semaines annoncé par ce courrier, il est cependant constant que Mme A... avait, par lettre du 25 octobre 2016, usé de la faculté qui lui était offerte de présenter des observations. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance des dispositions précitées, la décision en litige n'aurait pas été prise à l'issue d'une procédure contradictoire, ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes de l'article R. 57-8-15 du code de procédure pénale : " (...) Les incidents mettant en cause les visiteurs sont signalés à l'autorité ayant délivré le permis qui apprécie si le permis doit être suspendu ou retiré ". La décision de refuser la délivrance d'un permis de visite d'une personne détenue ou de suspendre ou retirer un tel permis constitue une mesure de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions.
8. M. A... fait valoir que la matérialité des faits ayant justifié la suspension du permis de visite de son épouse n'est pas établie. Il ressort cependant des témoignages de deux surveillants de l'établissement qu'à l'issue du parloir de M. et Mme A... du 19 octobre 2016, une fouille a révélé que l'intéressé dissimulait trois sachets contenant des produits stupéfiants. Contrairement à ce qui est soutenu, ces deux témoignages, qui relatent que l'intéressé a, au cours de la fouille, jeté au sol l'emballage comportant ces sachets, qu'il avait initialement dissimulé dans son sous-vêtement, sont concordants. De plus, si le requérant fait valoir que les sachets en cause étaient, ainsi que cela ressort de la photographie versée au dossier, de couleur verte, alors que l'un des surveillants atteste avoir remarqué " quelque chose de blanc ", ces éléments ne révèlent aucune contradiction dès lors que, comme le mentionne le compte-rendu d'incident, les sachets en question étaient emballés. M. A..., qui affirme aussi que les produits stupéfiants auraient été introduits dans l'établissement par un membre du personnel pénitentiaire, n'apporte toutefois aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation. Dans ces conditions, la matérialité des faits doit être tenue pour établie au regard des témoignages concordants des deux surveillants ayant assisté à la fouille de M. A... à l'issue du parloir du 19 octobre 2016, le requérant ne faisant état d'aucun élément permettant de douter de leur sincérité. Le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait doit ainsi être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du directeur du centre de détention de Muret du 27 octobre 2016 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
10. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du n°1701195 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse, ensemble ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. C... A... et à Me Montrichard.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve B...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01812