2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 du préfet de la Vienne ;
3°) d'enjoindre, à titre principal au préfet de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le temps du réexamen de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, elle est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- le préfet s'est estimé, à tort, lié par l'avis émis par le collège médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- la décision est entachée d'erreurs d'appréciation et d'une méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son cancer n'est pas en rémission totale et qu'elle n'aura pas accès aux soins que son état nécessite en Côte d'Ivoire, du fait de l'absence de radiothérapie et du coût des médicaments ; de plus, il lui a été découvert une autre pathologie endocrinienne dont la prise en charge par les services du centre hospitalier et universitaire de Treichville (Abidjan) sera très difficile, ainsi qu'en attestent deux certificats médicaux des 7 et 21 février 2019 ; en effet, le plateau technique de cet établissement ne dispose pas d'équipement d'imagerie médicale de type Petscan, dans le cadre du suivi de cette pathologie ;
- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et d'une méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreurs d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité et viole les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/008116 du 2 mai 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par une ordonnance du 29 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., épouse A..., ressortissante ivoirienne née le 5 février 1972, est entrée en France le 8 juin 2017 sous couvert d'un visa de court séjour de 30 jours, valable jusqu'au 5 juillet 2017. Elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, le 7 février 2018, auprès de la préfecture de la Vienne. Elle relève appel du jugement du 5 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les dispositions sur lesquelles elle se fonde, précise, en fait, après avoir rappelé le contenu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 juin 2018, que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que la Côte d'Ivoire dispose des soins et équipements médicaux similaires aux standards européens et qu'il n'existe aucune contre-indication au voyage, de sorte que rien ne s'oppose à ce que l'intéressée bénéficie des traitements nécessaires à sa pathologie dans son pays d'origine. La décision ajoute que Mme A... n'établit ni même n'allègue une impossibilité d'accéder aux soins dans son pays ni que la poursuite de son traitement ne puisse se dérouler qu'en France. Par ailleurs, le préfet indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que son époux et leurs cinq enfants, dont trois sont mineurs, résident en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, la décision en litige est suffisamment motivée en fait. Le caractère suffisant de la motivation révèle, en outre, que le préfet, qui n'avait pas à reprendre dans sa décision, en tout état de cause, le détail des aspects médicaux de la pathologie dont Mme A... est atteinte, a procédé à un examen circonstancié de la situation de l'intéressée.
3. En deuxième lieu, il résulte des termes même de l'arrêté attaqué, ainsi qu'il vient d'être dit, que le préfet de la Vienne a porté sa propre appréciation sur la situation personnelle de Mme A..., notamment au regard de son état de santé, la seule circonstance qu'il se soit approprié la teneur de l'avis émis par le collège médical de l'OFII ne signifiant pas, ainsi, que le préfet se serait estimé lié par cet avis. Le moyen tiré d'une erreur de droit sur ce point doit donc être écarté.
4. En troisième lieu, en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Par un avis rendu le 30 juin 2018, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays.
7. Si Mme A... persiste, en appel, à soutenir qu'elle ne pourra pas effectivement bénéficier en Côte d'Ivoire de la prise en charge que son état de santé requiert, en raison du coût ou de l'indisponibilité des traitements requis, elle n'apporte toutefois aucun élément de fait nouveau et contemporain de la décision en litige, au regard des pièces déjà produites en première instance, de nature à remettre en cause, sur ce point, la teneur de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII du 30 juin 2018. Dans ses dernières écritures, l'appelante fait certes valoir qu'il lui a été découvert, depuis lors, une autre pathologie endocrinienne qui ne pourra pas être correctement prise en charge dans son pays d'origine, en raison des insuffisances du plateau technique d'imagerie du CHU de Treichville. Toutefois, la légalité d'une décision s'appréciant à la date à laquelle elle est prise, ces éléments sont postérieurs à la date de la décision attaquée et ne révèlent pas une situation qui aurait été existante à cette même date. Il suit de là qu'il y a lieu, par adoption des motifs exactement et longuement détaillés par le tribunal administratif pour le surplus, d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la Vienne aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ou d'une erreur de droit en estimant que Mme A... ne pouvait bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée, au regard des conséquences de sa décision.
8. En quatrième et dernier lieu, eu égard à ce qui vient d'être exposé aux points 4 à 7, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision qu'elle conteste porte une atteinte grave à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repris au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette décision n'a ni pour objet, ni pour effet de la priver du droit à la protection de sa santé et de son droit à l'accès aux soins que son état requiert, et qu'il n'est pas contesté que son mari et leurs cinq enfants résident en Côte d'Ivoire.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
10. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que la décision qu'elle conteste méconnaît le droit à la vie et l'interdiction de traitements inhumains et dégradants, porte atteinte au respect de l'intimité et de la vie privée et méconnaît les principes de non discrimination, de droit à la protection de la santé et de droit à l'accès aux soins, il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 4 à 8 que Mme A... pourra bénéficier dans son pays d'origine d'un accès effectif aux soins que son état de santé rend nécessaires. Il suit de là qu'elle ne peut utilement soutenir que la décision d'éloignement, qui n'implique aucune interruption de sa prise en charge médicale, emporterait une violation des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme.
11. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs, Mme A... ne peut se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent l'éloignement d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé du pays de renvoi ne lui permettraient pas de bénéficier effectivement d'un traitement approprié, dès lors qu'elle pourra effectivement bénéficier du traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Côte d'Ivoire.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme ensemble le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relève que Mme A... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée.
13. En second lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. Eu égard à ce qui a été précédemment exposé, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de retour exposerait Mme A... à subir des peines ou traitements visés par ces stipulations et dispositions.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
Le rapporteur,
Thierry C...Le président,
Catherine GiraultLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX00981