Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 novembre 2016 et 19 janvier 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 2 juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le paragraphe 42 de l'accord franco sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'avenant signé le 25 février 2008 renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rend applicable à sa situation l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement sur lequel le préfet saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour doit se prononcer ; en l'espèce, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a conclu le 18 mars 2015 avec la société Master Net Multiservices un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en qualité d'agent d'entretien et d'assainissement ; il appartenait au préfet d'examiner si sa qualification, son expérience, ses diplômes, les caractéristiques de l'emploi envisagé et tous éléments de sa situation personnelle pouvaient constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce ; il n'a pas procédé à un examen complet de sa situation en se bornant à examiner sa situation familiale et a ainsi entaché le refus de séjour d'une erreur de droit ;
- il a également entaché ce refus d'une erreur manifeste d'appréciation ; il disposait d'un dossier complet permettant l'examen de sa situation au regard de l'emploi occupé, contrat de travail, bulletins de salaire, registre d'entrée et du personnel, attestations de versement des cotisations URSSAF de son employeur, attestation RSI de l'entreprise, extrait Kbis et demande d'autorisation de travail remplie sur les formulaires de l'administration ; il bénéficiait lors de l'examen de sa demande d'une ancienneté de séjour de 5 ans, dont il justifie en outre en appel par une demande d'aide médicale en 2013, un contrat d'inscription dans une salle de sport en février 2014, sa carte d'adhésion du 27 décembre 2013 à l'association Union des travailleurs sénégalais de France, sa participation à l'association de Manne depuis 2013 et des attestations circonstanciées de la part de proches ; s'il a pu séjourner irrégulièrement en Espagne entre 2006 et 2011, il a quitté ce pays sévèrement touché par le chômage ; il disposait d'une ancienneté significative de travail de 15 mois à compter du 18 mars 2015 date à laquelle il a conclu son contrat de travail ;
- le préfet n'a pas examiné son expérience et sa formation alors qu'entre 2002 et 2006 il avait travaillé au sein d'une société sénégalaise dans le même domaine et suivi une formation à l'utilisation de produits biocides financée par son employeur ; la situation de l'emploi n'est pas opposable, le métier d'agent d'entretien et d'assainissement figurant dans la liste des métiers visé à l'Annexe IV de l'avenant à l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal signé à Dakar le 23 septembre 2006 ; le préfet n'a pas tenu compte de la situation très particulière de son employeur, qui dirige une société de nettoyage de locaux professionnels et de dératisation, désinsectisation et de désinfection, qui nécessite du personnel polyvalent ; cette société, qui développe son activité réussie de dératisation et lui a fait suivre une formation spécifique, rencontre des difficultés de recrutement, ce qui est établi par l'annonce diffusée en février 2016 à Pôle Emploi ; une seule personne y a donné suite, a été convoquée à un entretien et a refusé le poste de Marmande, où des marchés nouveaux ont été trouvés ainsi qu'à Bordeaux ; le préfet n'a pas tenu compte de cet aspect particulier de la situation ; la société qui l'a embauché est dirigée par son frère, qui préfère un collaborateur de confiance notamment pour l'encadrement du personnel dans un domaine difficile ; les attestations établissent tant la réalité des liens amicaux, associatifs et affectifs noués en France que sa parfaite insertion ; l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation est caractérisée ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
Par des mémoires en défense enregistrés les 16 et 24 janvier 2017, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il a apprécié, en premier lieu, l'expérience, les diplômes et la qualification professionnelle de M. A...et a procédé à une analyse complète de sa situation professionnelle, ce qui n'est contredit ni par l'absence de mention de l'ensemble des éléments produits ; le requérant ne peut à la fois se prévaloir de l'inopposabilité de la situation de l'emploi et soutenir qu'elle aurait due être prise en compte ; la situation de l'emploi ne lui était pas opposable ; il ne justifie pas de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 ;
- M. A...a travaillé sans autorisation, est célibataire sans enfants et est entré récemment en France ; il dispose d'attaches au Sénégal où résident sa mère et trois membres de sa fratrie, ne justifie d'aucun motif exceptionnel et n'établit pas que le refus de séjour serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la mesure d'éloignement n'est donc pas dépourvue de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006 et l'avenant signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- et les observations de Me MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 31 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de Lot-et-Garonne refusant de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
2. D'une part, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".
3. D'autre part, aux termes du 1 du paragraphe 2 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié : " la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrés, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. (...) ".
4. A l'appui de sa demande, M. A...se prévalait du contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet conclu le 18 mars 2015 avec la société Master Net Multiservices, dirigée par son frère, pour exercer l'activité d'agent d'entretien et d'assainissement. Il invoquait le développement de l'activité de dératisation de cette société de nettoyage-dératisation,-désinsectisation et désinfection et la formation spécifique à l'utilisation de produits biocides qu'il avait suivi et faisait valoir que son frère rencontrait des difficultés à recruter un collaborateur de confiance dans ce secteur difficile. Le requérant soutient avoir déposé à l'appui de sa demande, outre son contrat de travail, un dossier complet pour l'examen de sa situation au regard de l'emploi occupé, bulletins de salaire, registre d'entrée et du personnel, attestations établissant le respect des obligations de l'employeur et demande d'autorisation de travail.
5. L'arrêté contesté se réfère à la demande du 25 janvier 2016 tendant à la délivrance d'un titre de séjour " en qualité de salarié ", mentionne le contrat de travail conclu le 18 mars 2015 et l'exercice d'une activité professionnelle sans autorisation en 2015 et relève l'absence de toute circonstance humanitaire particulière ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14. Comme le fait valoir le requérant, le métier d'agent d'entretien et d'assainissement était au nombre des métiers visés à l'Annexe IV de l'avenant à l'accord du 23 septembre 2006 et la situation de l'emploi ne lui était pas opposable. En indiquant " à supposer même " que l'emploi était au nombre de ceux prévus par la liste, le préfet n'établit pas avoir examiné la situation du demandeur au regard des stipulations de l'accord franco-sénégalais qu'il a pourtant visées. Au surplus, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait examiné si les qualifications, expérience et diplômes de l'intéressé ainsi que les caractéristiques de l'emploi et autres éléments de sa situation personnelle pouvaient constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé ne disposait pas d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, il ne résulte pas de l'instruction que sa demande aurait fait l'objet d'un examen sérieux. Il en résulte que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour et, par voie de conséquence, de la mesure d'éloignement.
6. L'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande de M. A... et, dans l'attente d'une nouvelle décision, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre ces mesures dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer la somme de 1 500 euros à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de Lot-et-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de réexaminer la demande de M. A...et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation temporaire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse Lacau Le président,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03810