Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me Jouteau, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2016 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges se sont mépris sur sa nationalité ainsi que sur celle de son époux, ils sont en effet apatrides ; le refus de séjour est d'entaché d'erreurs de fait et de droit, le préfet a affirmé qu'elle était de nationalité russe, alors qu'elle est de nationalité indéterminée ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du CESEDA ; ils justifient de considérations humanitaires et motifs exceptionnels ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; elle justifie de ce qu'elle est bien intégrée en France ainsi que sa famille, que ses enfants sont scolarisés que leurs professeurs témoignent de leur sérieux et de leur assiduité, que ses liens avec son époux sont anciens et stables ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de 1' enfant ;
- le préfet s'est senti lié par les décisions de l'OFPRA et la CNDA ;
- la décision portant fixation du pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du CESEDA et de l'article 3 de la CEDH.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 1er février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2017.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de 1'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., née à Khanlar (Azerbaidjan) en 1981, est entrée en France le 27 septembre 2012 avec son époux et leurs trois enfants afin d'y déposer une demande d'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 9 mai 2014 que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmée le 20 juillet 2015. Mme B...relève appel du jugement du 22 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 avril 2016 portant à son encontre refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement :
2. L'erreur de fait que les premiers juges aurait commise sur la nationalité de Mme B... est susceptible, le cas échéant, de remettre en cause le bien fondé de leur décision mais non sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 4 avril 2016 :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi contenues dans l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Si, à la date de la décision attaquée, Mme B...justifiait d'un séjour en France d'une durée de trois ans et demi, celui-ci était essentiellement lié à l'examen de sa demande d'asile, laquelle a été rejetée ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus. Mme B...est entrée en France à l'âge de trente-et-un ans et a donc passé l'essentiel de son existence en Russie où elle s'est installée avec ses parents en 1987. Elle s'y est également mariée au mois de juin 2001 puis a donné naissance à ses trois enfants en 2001, 2003 et 2006. Il est ensuite constant que l'époux de Mme B...a également fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, de sorte que la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la cellule familiale existante. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Russie où résident ses parents. Quant au fait que les enfants de Mme B...sont scolarisés sur le territoire français, il ne constitue pas à lui seul une circonstance de nature à lui ouvrir un droit au séjour. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions d'entrée et de séjour de Mme B...en France, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.
5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. En l'espèce, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de Mme B...de l'un ou l'autre de leurs deux parents. Il n'a pas non plus pour conséquence de les priver de toute possibilité de poursuivre leur scolarité hors de France, dans tout autre pays dans lequel Mme B...et sa famille pourraient être admissibles. Dès lors, la décision litigieuse n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Il ressort des termes mêmes de son arrêté que le préfet de la Gironde ne s'est pas estimé lié par les décisions rendues par l'OFPRA et par la CNDA. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 313-14 du CESEDA : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
9. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, Mme B... allègue qu'elle est bien intégrée dans la société française où ses enfants sont scolarisés. Elle fait également valoir que tant elle que son époux n'ont pas de nationalité déterminée. Toutefois, à elles seules, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour révéler des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, si Mme B...soutient que son mari a été victime en Russie de discriminations et de mauvais traitement du fait de ses origines vietnamiennes, elle n'établit pas la réalité de ses allégations alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par tant l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du CESEDA.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision rendue par la CNDA, que Mme B...ne possède pas la nationalité russe, contrairement à ce qu'a indiqué, en commettant ainsi une erreur de fait, le préfet dans les motifs de sa décision. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à son encontre, que l'arrêté en litige doit être annulé en tant qu'il n'exclut pas la Russie comme pays de renvoi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il n'exclut pas la Russie comme pays de renvoi et la réformation en ce sens du jugement attaqué. Cette annulation n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Gironde du 4 avril 2016 est annulé en tant qu'il n'exclut pas la Russie comme pays de renvoi.
Article 2 : Le jugement du 22 septembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Didier PéanoLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
N° 16BX039126