Procédure devant la cour:
Par une requête enregistrée le 27 août 2015, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante haïtienne, fait appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2014 du préfet de la Guadeloupe lui refusant le titre de séjour qu'elle sollicitait en qualité de parent d'un enfant français, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
2. En premier lieu, en vertu du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Aux termes de l'article L. 623-1 du même code : "Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, (...) est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende. Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Mme C..., entrée en Guadeloupe, selon ses déclarations, le 4 juin 2004, y a donné naissance, le 10 juin 2005, à un enfant, reconnu le 25 juin 2009, plus de quatre ans après, par un Français. Le 25 août 2010, celui-ci a déclaré aux services de police qu'il avait des doutes sur sa paternité et qu'il avait reconnu cet enfant, avec lequel il n'avait noué aucun lien, sous la pression de sa famille. La requérante, qui se borne à soutenir que celui-ci a participé en bon père de famille aux démarches nécessaires à l'obtention de la nationalité française pour son enfant, n'établit ni même n'allègue avoir vécu avec lui. Dans ces conditions, en estimant que la reconnaissance de paternité a été souscrite de manière frauduleuse dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour qu'elle sollicitait sur ce fondement.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays (...)". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.
6. Mme C...n'est pas dépourvue de toute attache en Haïti où résident ses trois autres enfants. Si elle vit depuis l'année 2007 avec un compatriote résidant régulièrement en France avec lequel elle a eu un enfant né le 10 juin 2005, en l'absence de précision sur les circonstances qui donneraient vocation à son compagnon à résider durablement sur le territoire français, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Haïti. L'arrêté contesté n'a donc pas porté une atteinte excessive au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
''
''
''
''
4
N° 15BX02908