Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 août et 14 octobre 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2016 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 25 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, sous astreinte de 50 euros par jour de retard d'une part, de lui délivrer un titre de séjour temporaire et de réexaminer sa demande à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, d'autre part de régulariser sa situation dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses déclarations au cours de l'été 2013, M.A..., ressortissant marocain, a sollicité, le 16 février 2015, un titre de séjour en qualité de salarié en se prévalant de promesses d'embauche établies par la société Corrèze Elagage. Par arrêté du 21 juillet 2015, le préfet a rejeté sa demande et prononcé une mesure d'éloignement. Par un jugement du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Limoges a annulé comme insuffisamment motivée en droit la seule mesure d'éloignement, a enjoint le réexamen de la demande de M. A...et a rejeté le surplus de ses conclusions. En exécution de ce jugement, le préfet de la Corrèze a opposé, le 25 mars 2016, un nouveau refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement à exécuter dans un délai de trente jours. M. A...relève appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouvel arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, le moyen tiré du défaut de signature de la minute du jugement, requise par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait. D'autre part, en estimant au point 6 de leur jugement que " le préfet peut prendre en compte l'adéquation entre le profil de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi proposé afin d'accorder ou refuser une autorisation de travail ", les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'opposition d'une condition de qualification en matière d'élagage qui n'était prévue par aucun texte. Le jugement n'est donc entaché d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur le refus de séjour :
3. Le préfet a visé notamment l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et les articles L. 211-1 et L. 313-10 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'est référé à son précédent arrêté du 21 juillet 2015, dont il a reproduit une partie des motifs, ainsi qu'à l'injonction de réexamen prononcée par les premiers juges, puis a indiqué " aucune nouvelle preuve probante n'est apportée faisant apparaître une évolution de sa situation, notamment au regard du travail, la troisième promesse d'embauche établie par la Sarl Corrèze élagage datée du 19/02/2016 ne précisant nullement la date du début du contrat à durée indéterminée ; que par ailleurs l'employeur potentiel ne précise pas la nature de l'emploi proposé ; qu'en tout état de cause, le métier de maçon que M. A...exerçait dans son pays d'origine ne peut être en adéquation avec des travaux effectués par une société d'élagage ". Le bien-fondé de cette motivation en fait est sans incidence sur la régularité du refus de séjour, qui est conforme aux prescriptions de l'article L. 211-2 et 5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ". L'article 9 de cet accord renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail compatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va ainsi, pour le titre de séjour en qualité de salarié mentionné à l'article 3 de l'accord délivré sur présentation d'un contrat de travail, des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail précisant les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail. L'article R. 5221-20 du code du travail prévoit la prise en compte de : " 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) ".
5. Alors, ainsi qu'il a été dit, que la situation des ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France est régie par l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet a visé l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance de la carte de séjour temporaire en qualité de salarié, alors qu'il a visé sans autres précisions l'accord franco-marocain. Il ressort notamment de ces mentions que le préfet a entendu faire application de l'article L. 313-10. Cette erreur de droit n'est d'ailleurs pas contestée par le préfet. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, le refus de séjour opposé à M. A...trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie.
6. Ni les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain, ni aucun autre texte n'imposaient au préfet de soumettre M. A...à un contrôle médical avant de rejeter sa demande. A la supposer invoquée par le requérant, qui fait valoir que le préfet a " volontairement écarté l'application de l'article 3 de l'accord franco-marocain " et qui n'allègue d'ailleurs pas avoir été privé d'une garantie, l'irrégularité alléguée sur ce point doit être écartée. Par ailleurs, en dépit de la nouvelle promesse d'embauche du 19 février 2016, similaire aux précédentes, le préfet n'était pas tenu de saisir à nouveau la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qui avait émis le 2 octobre 2015 un avis défavorable sur la demande d'autorisation de travail présentée le 12 août 2015 par la société Corrèze Elagage. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que le requérant soutient, que si la DIRECCTE avait été saisie de la nouvelle demande d'autorisation de travail, " son avis aurait été nécessairement favorable ".
7. Compte tenu notamment des mentions partiellement reproduites au point 3 de l'arrêté contesté, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de M. A...doit être écarté.
8. Il résulte des termes mêmes de l'article 3 de l'accord franco-marocain, auxquelles ne déroge aucun texte, que les Marocains sollicitant le renouvellement de leur titre de séjour en qualité de salarié doivent présenter un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Il est constant que M. A...ne justifiait pas d'un tel contrat. Sa promesse d'embauche ne lui donnait aucun droit au bénéfice d'un titre de séjour et, en l'absence d'autorisation de travail, il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article 3 de l'accord franco-marocain.
9. Le requérant excipe de l'illégalité du rejet de sa demande d'autorisation de travail. Pour rejeter cette demande présentée le 12 août 2015 par l'employeur de M.A..., le préfet s'est référé à l'avis défavorable émis le 2 octobre 2015 par la DIRECCTE, dont il a reproduit les motifs. Il résulte des dispositions précitées du 2° de l'article R.5221-20 du code du travail que l'octroi de l'autorisation de travail suppose d'apprécier l'adéquation entre, d'une part, la qualification, l'expérience et les diplômes de l'intéressé et, d'autre part, les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. Est à cet égard sans incidence la circonstance que cette expérience a été obtenue en France ou à l'étranger. Le préfet peut prendre en compte toute expérience professionnelle, pour déterminer l'adéquation de l'expérience professionnelle de l'intéressé avec les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. Toutefois, si le préfet a indiqué : " (en tout état de cause), le métier de maçon que M. A...exerçait dans son pays d'origine ne peut être en adéquation avec des travaux effectués par une société d'élagage ", cette mention ne révèle aucune erreur de droit. Si le requérant se prévaut de son expérience professionnelle au Maroc dans le secteur des travaux forestiers, il n'en justifie pas et n'en avait au demeurant pas fait état lors de l'instruction de sa première demande. Le préfet n'a donc pas commis l'erreur de fait alléguée et n'a pas fait une inexacte application de l'article R. 5221-20 du code du travail. Le moyen tiré de " l'erreur manifeste d'appréciation ", qui n'est assorti d'aucune autre précision, doit en tout état de cause être écarté.
10. Enfin, si le requérant invoque les erreurs commises sur la mention de la date prévisible d'embauche et le défaut de paiement par l'employeur des cotisations patronales, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur l'inadéquation entre l'expérience du demandeur dans le secteur du bâtiment et les caractéristiques de l'emploi auquel il postulait, qui justifiait légalement le refus.
Sur la mesure d'éloignement :
11. Compte tenu de ce qui précède, l'exception d'illégalité du refus de séjour doit être écartée.
12. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées.
13. Par le livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français. Le requérant ne peut donc utilement invoquer l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, au surplus abrogé et codifié à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, prévoyant le respect d'une procédure contradictoire préalable. Le moyen invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement et du refus d'accorder un délai de départ volontaire doit donc être écarté.
14. Si le requérant invoque l'atteinte à son droit d'être entendu, garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il ne pouvait ignorer la possibilité de se voir opposer un nouveau refus de séjour ainsi qu'une mesure d'éloignement et il lui appartenait, à l'occasion de la nouvelle instruction de sa demande, de produire tous éléments utiles. Or, il a produit, le 19 février 2016, des éléments complémentaires, d'ailleurs à la demande du préfet, et se borne à soutenir qu'il n'a pas été convoqué, alors que le préfet était tenu de réexaminer sa demande et n'établit ni même n'allègue avoir sollicité en vain cet entretien ou avoir été empêché de faire valoir ses observations.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 16BX02755