Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février et 14 décembre 2017, M. A..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2016 ;
2°) d'annuler, la décision du 16 septembre 2014 lui refusant l'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2014-2015 ;
3°) condamner l'État à lui verser une somme de 4 768 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2014, correspondant au montant du sixième échelon de la bourse allouée pour l'année 2014/2015 et une somme de 1 500 euros en raison de la résistance abusive opposée par l'administration ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative qui impose la motivation des jugements, au moyen selon lequel en ajoutant à l'article L. 821-1 du code de l'éducation, la " circulaire querellée serait illégale car impérative, interprétative et réglementaire " ;
- la circulaire du 2 juillet 2014 qui a un caractère impératif, est illégale dès lors que le ministre chargé de l'enseignement supérieur n'était pas compétent pour déterminer par voie de circulaire les conditions dans lesquelles les bourses sont attribuées en ajoutant une condition non prévue à l'article L. 821-1 du code de l'éducation et contradictoire ;
- la décision contestée refusant de lui attribuer une bourse alors qu'il est un jeune majeur indépendant disposant d'un foyer fiscal de référence distinct de celui de ses parents est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que les revenus de son père ont été pris en compte alors qu'il recevait une pension alimentaire versée par ce dernier au titre de sa seule obligation alimentaire à hauteur de la somme de 2 661 euros, et par son autre parent à hauteur
de 3 437 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2017, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret du 9 janvier 1925 relatif aux bourses nationales ;
- le décret n° 2008-974 du 18 septembre 2008 ;
- l'arrêté du 5 août 2014 fixant les plafonds de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2014-2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., alors étudiant en master " droit et pratiques de l'assurance " à l'université de Bordeaux, a sollicité au titre de l'année universitaire 2014-2015 une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux. Par une décision du 16 septembre 2014, le centre régional des oeuvres universitaires et sociales (CROUS) de Bordeaux a refusé de lui attribuer cette bourse au motif que le revenu pris en compte pour apprécier son droit excédait le plafond prévu par le barème. M. A...relève appel du jugement du 30 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision, ensemble le rejet de son recours gracieux par le recteur de l'académie de Bordeaux en date du 10 février 2015, d'autre part, à la condamnation de l'État à lui verser une somme équivalente au montant de la bourse de l'année 2014-2015 correspondant à l'échelon 6, ainsi qu'une somme de 1 500 euros en raison de la résistance qu'il estime abusive opposée par l'administration.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a expressément répondu aux moyens soulevés par M.A.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à fixer les modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et partant sur la légalité de la circulaire
du 2 juillet 2014. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien fondé du jugement attaqué:
3. Aux termes de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des oeuvres universitaires mentionné à
l'article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales. ". Aux termes de l'article 15 du décret du 9 janvier 1925 relatif à l'attribution de bourses aux étudiants et élèves des établissements d'enseignement supérieur, alors en vigueur : " Des décrets et des arrêtés ministériels régleront (...) les conditions particulières d'attribution des bourses nationales dans l'enseignement supérieur, la date d'application des dispositions générales qui font l'objet du présent décret. " et aux termes de l'article 1er du
décret du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l'enseignement supérieur alors en vigueur : " Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides au mérite sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. "
4. La circulaire du 2 juillet 2014 n° 2014-0010 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2014-2015 prévoit que : " la bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux est accordée à l'étudiant confronté à des difficultés matérielles ne lui permettant pas d'entreprendre ou de poursuivre des études supérieures. Elle constitue une aide complémentaire à celle de la famille. À ce titre, elle ne peut se substituer à l'obligation alimentaire telle que définie par les dispositions des articles 203 et 371-2 du code civil qui imposent aux parents d'assurer l'entretien de leurs enfants, même majeurs, tant que ces derniers ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins. / Les revenus ainsi que les charges de la famille sont pris en compte pour déterminer le taux de la bourse fixé en application d'un barème national. " La circulaire définit à son annexe 3 relative aux conditions de ressources et points de charge, les revenus retenus pour le calcul du droit à bourse qui " sont ceux perçus durant l'année n - 2 par rapport à l'année de dépôt de la demande de bourse " et dans le cas de parents de l'étudiant séparés (divorce, séparation de corps, dissolution du Pacs, séparation de fait), et d'un étudiant majeur ne figurant pas sur le jugement de divorce, " les ressources soit du parent qui a la charge fiscale de l'étudiant soit de celui ou ceux qui lui versent directement une pension alimentaire./ En l'absence de la mention du versement d'une pension alimentaire dans le jugement de divorce, les ex-conjoints peuvent attester du fait, dûment constaté et fiscalement reconnu, que chacun d'entre eux a la charge d'un de leurs enfants au moins ; il conviendra alors d'examiner le droit à bourse sur la base du seul revenu du foyer fiscal concerné. ". Avec 2 points de charge, un plafond de ressources de 9 220 euros est fixé pour l'attribution de l'échelon 6 des bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2014-2015 par l'arrêté du 5 août 2014.
5. En premier lieu et d'une part, en vertu de l'article 15 du décret du 9 janvier 1925, le ministre chargé de l'enseignement supérieur était compétent pour définir les critères d'attribution des bourses de l'enseignement supérieur et déterminer notamment les ressources à prendre en compte pour le calcul du droit à bourse. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir que la circulaire à caractère impératif du 2 juillet 2014 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui dispose ainsi dans ce domaine d'un pouvoir réglementaire, a fixé les modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux pour l'année 2014-2015 serait entachée d'incompétence.
6. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de prendre en compte dans la détermination des ressources de la famille ouvrant droit à l'allocation d'une bourse sur critères sociaux, les seuls revenus du demandeur, déclarés sur son propre avis d'imposition l'année n-2. La circulaire du 2 juillet 2014 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux pouvait ainsi prévoir dans le cas d'un étudiant majeur dont les parents sont séparés, comme en l'espèce, la prise en compte des revenus perçus par celui des parents qui en a la charge ou, celui ou ceux qui versent à l'étudiant une pension alimentaire. La circonstance que ce dernier soit majeur et fiscalement indépendant n'y faisait pas obstacle. Ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la circulaire précitée serait contraire à l'article L. 821-1 du code de l'éducation, et que la décision du 16 septembre 2014 contestée prise sur son fondement, serait illégale en ce qu'elle prévoit pour la détermination des droits à la bourse de M.A..., de prendre en compte les ressources du parent qui lui a versé directement une pension alimentaire. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la circulaire du 2 juillet 2014 doit par suite être écarté.
7. En second lieu, s'il est constant que M.A..., qui est majeur et dispose d'un domicile distinct de celui de ses parents, lesquels sont séparés, et d'un foyer fiscal propre, a déclaré avoir perçu 5 698 euros de pensions alimentaires, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis d'impôt 2013 sur les revenus de l'année 2012 de M. D...A..., son père, que ce dernier a déclaré le versement d'une somme de 2 661 euros à titre de pension alimentaire à enfant majeur. L'administration pouvait donc à bon droit, en application de l'article 1.1.2. de l'annexe 3 de la circulaire du 2 juillet 2014, prendre en compte les revenus perçus en 2012 par le père de l'appelant, lesquels étaient largement supérieurs au plafond de ressources ouvrant droit à une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux. A supposer que l'étudiant ait reçu au titre de l'année considérée, ainsi qu'il le soutient, la somme de 3 437 euros de son autre parent au titre de pension alimentaire, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé dès lors que les revenus à prendre en compte auraient été, ce faisant, ceux de ses deux parents, nécessairement supérieurs à ceux de son seul père, en application des mêmes dispositions. Par ailleurs, la circonstance que l'appelant dispose d'un domicile propre et travaille pour palier ses difficultés financières ne relève pas des situations dans lesquelles les seuls revenus de l'étudiant sont pris en compte. Ainsi en refusant de lui attribuer une telle bourse, le CROUS a fait une exacte application des dispositions précitées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2014 lui refusant l'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année scolaire 2014-2015. En l'absence d'illégalité fautive, les conclusions tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 4 768 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2014, correspondant au montant du sixième échelon de la bourse allouée pour l'année 2014/2015 et une somme de 1 500 euros en raison de la résistance qu'il estime abusive opposée par l'administration doivent, en tout état de cause, également être rejetées. Il y a lieu également, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Copie en sera transmise au directeur du CROUS de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
Aurélie B...
Le président,
Didier SalviLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00664