Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 mai et 5 décembre 2016 et le 20 mars 2017, le CHU, représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il le condamne à verser à Mme B... une indemnité de sujétion pour travail de nuit calculée de manière forfaitaire et en tant qu'il le condamne à verser à Mme B... une indemnité de sujétion pour travail de nuit calculée sur la base d'un montant de 132,31 euros pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 ;
4°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'organisation de la permanence des soins dans les établissements de santé de La Réunion fait l'objet d'un arrêté du 13 décembre 2012 de l'agence de santé Océan Indien portant adoption de l'avenant au volet particulier applicable à La Réunion du schéma d'organisation des soins, relatif à la permanence des soins en établissements de santé, qui définit le périmètre de cette permanence des soins ; aucune des activités concernées par la permanence des soins définie par cet avenant ne recouvre la production de fluorodésoxyglucose ou la réalisation d'examens en vue de la détection précoce de cancers par imagerie " TEP " ; MmeB... en tant que pharmacienne chargée de la production de fluorodésoxyglucose ne participe pas à la permanence des soins ;
- à titre subsidiaire, l'indemnité de sujétion correspondant au temps de travail effectué dans le cadre des obligations de service hebdomadaire ne présente pas un caractère forfaitaire ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que Mme B...est fondée à se prévaloir d'un droit à l'indemnité de sujétion sur la base d'un montant forfaitaire de 132,31 euros ; Mme B... ne peut se prévaloir, tout au plus, que d'un droit à indemnité correspondant au temps de travail effectivement accompli la nuit ;
- l'article 2 de l'arrêté du 12 juillet 2010 prévoit que ses dispositions sont applicables à compter du 1er juillet 2010 ; le tribunal a donc commis une erreur de droit en faisant application du taux d'indemnisation fixé par cet arrêté au temps de travail effectué par Mme B...du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 ;
- l'arrêté du 13 décembre 2012 de l'agence de santé Océan Indien est relatif au schéma d'organisation des soins et ne peut être considéré comme illégal, en ce qu'il restreindrait l'étendue de l'application d'un acte normatif supérieur, dès lors que l'agence de santé Océan Indien a compétence pour fixer ses propres règles d'organisation ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité de l'arrêté du 13 décembre 2012 de l'agence de santé Océan Indien doit être écarté, dès lors que ses dispositions, qui visent les structures déjà mises en place dans le cadre du schéma cible, ne s'appliquent à aucune situation juridiquement constituée ;
- Mme B...a été mise à disposition auprès du groupement d'intérêt public cyclotron Réunion Océan Indien (GIP CYROI) de plein droit, en application de l'article 48 de la loi du 9 janvier 1986, sans qu'il soit nécessaire de solliciter ni d'obtenir son accord pour cette mise à disposition.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2016 et les 26 janvier, 11 mai et 21 septembre 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le CHU à lui verser des indemnités au titre de l'indemnité de sujétion pour travail de nuit ;
2°) à titre principal, de condamner le CHU à lui verser la somme de 67 255,87 euros au titre de cette indemnité ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU à lui verser la somme de 59 317,27 euros au titre de cette indemnité ;
4°) de mettre à la charge du CHU la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application de l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique, elle peut prétendre à des indemnités complémentaires à ses émoluments mensuels lorsqu'elle effectue totalement ou partiellement des sujétions de nuit ;
- l'arrêté du 13 décembre 2012 et l'avenant qu'il adopte, en excluant de la permanence des soins la continuité des soins, restreignent l'étendue de l'application de l'arrêté du 30 avril 2003, qui est un acte normatif supérieur ; il convient donc d'écarter l'arrêté du 13 décembre 2012 et l'avenant qu'il adopte au titre de l'exception d'illégalité, le CHU ne pouvant fonder sa demande d'annulation du jugement et sa décision de rejet de la demande indemnitaire sur un acte règlementaire illégal ;
- l'arrêté du 13 décembre 2012 et son avenant ne portent pas sur la permanence des soins pharmaceutiques et ne peuvent donc trouver à s'appliquer dans le cadre du présent litige ;
- le CHU n'est pas fondé à se prévaloir de l'arrêté du 13 décembre 2012, postérieur à la situation litigieuse pour les années 2009 à 2012 ;
- à titre principal, en application de l'arrêté du 30 avril 2003, elle est fondée à percevoir, pour une demi-nuit, une indemnité de 125 euros pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 et, en application de l'arrêté du 12 juillet 2010, une indemnité de 132,31 euros à partir du 1er juillet 2010, soit une somme totale de 67 255,87 euros ; à titre subsidiaire, si l'arrêté du 13 décembre 2012 trouvait à s'appliquer, elle demande la condamnation du CHU de La Réunion à lui verser la somme de 59 317,27 euros au titre des sujétions de nuit effectuées du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 ;
- le CHU de La Réunion n'a ni sollicité ni obtenu son accord pour sa mise à disposition auprès du GIP CYROI et il ne peut donc s'en prévaloir ; cette mise à disposition n'était prévue ni par la convention de collaboration " personnels " signée entre le CHU de La Réunion et le GIP CYROI le 27 avril 2007 ni par son avenant du 13 octobre 2014 et elle ne repose que sur une décision unilatérale du CHU, qui ne lui avait pas été notifiée ; par ailleurs, les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 48 de la loi du 9 janvier 1986 ne font pas obstacle au principe posé par le premier alinéa du même article, selon lequel le fonctionnaire mis à disposition continue de percevoir la rémunération correspondant à son corps d'origine.
Par ordonnance du 6 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- l'arrêté du 12 juillet 2010 relatif à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.D...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., praticien hospitalier (pharmacie polyvalente et pharmacie hospitalière), a été nommée, le 30 décembre 2008, au centre hospitalier universitaire de La Réunion (CHU), site de l'hôpital Félix Guyon. Elle exerce depuis lors ses fonctions de pharmacien auprès du groupement d'intérêt public Cyclotron Réunion Océan Indien (GIP CYROI), structure en charge du fonctionnement du Cyclotron, où elle est chargée de la préparation du médicament radio pharmaceutique 18-FDG. Elle a demandé, le 1er mars 2013, à bénéficier des indemnités de sujétion pour travail de nuit, en invoquant le fait qu'elle est amenée à prendre son service tous les jours de production de ce médicament à 5h30. Cette demande a été implicitement rejetée par le directeur du CHU. Par jugement du 3 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a condamné le CHU à verser à Mme B... la somme de 68 271,96 euros au titre de l'indemnité de sujétion pour travail de nuit. Le CHU de La Réunion demande à la cour, à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B... et, à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il le condamne à verser à Mme B... une indemnité de sujétion pour travail de nuit calculée de manière forfaitaire et en tant qu'il le condamne à verser à Mme B... une indemnité de sujétion pour travail de nuit calculée sur la base d'un montant de 132,31 euros pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010. Par la voie de l'appel incident Mme B...demande que la somme au paiement de laquelle le CHU a été condamné soit ramenée à la somme de 67 255,87 euros.
2. Aux termes de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique : " Les praticiens perçoivent, après service fait (...) : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés. (...) ; / 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret ". Aux termes de l'article D. 6152-23-1 du même code : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-23 sont : / 1° Des indemnités de participation à la permanence des soins (...) : / a) Des indemnités de sujétion correspondant au temps de travail effectué, dans le cadre des obligations de service hebdomadaires, la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé : " (...) La continuité des soins et la permanence pharmaceutique est dénommée " permanence des soins " dans le présent arrêté./ L'organisation des activités médicales, pharmaceutiques et odontologiques comprend un service quotidien de jour et un service relatif à la permanence des soins , pour la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés, sous forme de permanence sur place ou par astreinte à domicile./ Elle détermine la durée des deux périodes, sur 24 heures, correspondant au jour et à la nuit qui ne peuvent en aucun cas avoir une amplitude supérieure à 14 heures ". Selon l'article 13 du même arrêté, l'indemnité de sujétion correspondant au temps de travail effectué dans le cadre des obligations de service hebdomadaire la nuit, est fixée à 125 euros pour chaque demi-nuit et selon l'article 1er de l'arrêté du 12 juillet 2010 relatif à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé applicable à compter du 1er juillet 2010, cette indemnité de sujétion est fixée à 132,31 euros pour chaque demi-nuit.
3. Le CHU soutient que MmeB... en tant que pharmacienne chargée de la production du médicament 18-FDG ne participe pas à la permanence des soins, son activité n'entrant pas dans le périmètre de la permanence des soins en établissement de santé, défini par l'arrêté du 13 décembre 2012 de l'agence de santé Océan Indien portant adoption de l'avenant au volet particulier applicable à La Réunion du schéma d'organisation des soins, qui ne concerne que l'accueil et la prise en charge de nouveaux patients non programmés au sein des services de médecine, de chirurgie et d'obstétrique et ne prend pas en compte la continuité des soins. Toutefois, le CHU n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions, alors que l'article 1er de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé prévoit que la continuité des soins et la permanence pharmaceutique font partie de la permanence des soins.
4. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient le CHU, en application de l'article 13 du même arrêté du 30 avril 2003 et de l'article 1er de l'arrêté du 12 juillet 2010 relatif à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé, l'indemnité de sujétion correspondant au temps de travail effectué dans le cadre des obligations de service hebdomadaire la nuit présente un caractère forfaitaire.
5. En outre, la circonstance que MmeB... a été mise à disposition du GIP CYROI est sans incidence sur son droit à obtenir du CHU le paiement de l'indemnité en cause.
6. Enfin, Le CHU ne conteste pas que MmeB... a assuré, depuis le 1er janvier 2009, 516 jours de production du médicament 18-FDG sur le site du GIP CYROI, pour lesquels elle a pris son service la nuit, à 5h30 du matin. Dès lors, MmeB... est fondée à se prévaloir d'un droit à l'indemnité de sujétion prévue à l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique. En application de l'article 13 de l'arrêté du 30 avril 2003, l'indemnité de sujétion, d'un montant forfaitaire de 125 euros pour chaque demi-nuit effectuée du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010, s'élève pour cette période à 17 375 euros et, en application de l'article 1er de l'arrêté du 12 juillet 2010, l'indemnité de sujétion, d'un montant forfaitaire de 132,31 euros pour chaque demi-nuit effectuée du 1er juillet 2010 au 29 mai 2013, s'élève pour cette période à 49 880,87 euros.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de La Réunion est seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à MmeB... par le tribunal administratif au titre des indemnités de sujétion pour la période du 1er janvier 2009 au 29 mai 2013 soit ramenée à 67 255,87 euros, soit le montant correspondant à celui sollicité par l'intimée en appel.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHU demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par B...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le CHU de La Réunion est condamné à verser à MmeB... au titre de l'indemnité de sujétion pour travail de nuit est ramenée de 68 271,96 euros à 67 255,87 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 mars 2016 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du CHU de La Réunion est rejeté.
Article 4 : Le CHU de La Réunion versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018
Le président assesseur,
Didier Salvi Le président-rapporteur,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16BX01628