Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2016, la société Covi, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016 ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée dont elle s'est spontanément acquittée au titre des années 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 1 000 euros au titre de la première instance.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable et ne comporte aucune question prioritaire de constitutionnalité ;
- les modalités de recouvrement de l'imposition ne sont pas fixées par l'article 1600 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution, ce que le Conseil constitutionnel a constaté dans sa décision du 28 mars 2013 société Majestic Champagne ;
- de plus l'absence de détermination des modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée dans l'article 1600 du code général des impôts affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elle était donc en droit d'espérer le remboursement de cette imposition ;
- si le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 21 juin 2013 société assistance sécurité et gardiennage, que le législateur a pu intervenir, par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour l'année 2012, pour éviter un effet d'aubaine et valider la disposition contestée à compter du 11 juillet 2012, cet article 39 n'en méconnaît pas moins le droit européen ;
- cet article viole ainsi les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en la privant d'un droit de recours effectif ;
- cet article viole également les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en instaurant une distinction entre les contribuables qui ont contesté leur imposition avant la date du 11 juillet 2012 et ceux qui l'auraient fait ensuite ;
- cet article méconnaît, de plus, le droit au procès équitable protégé par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet article porte atteinte, enfin, à son droit au respect de ses biens garanti par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts ;
- la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;
- la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012 ;
- la décision n° 2012-298 QPC du Conseil Constitutionnel du 28 mars 2013 ;
- la décision n° 2013-327 QPC du Conseil Constitutionnel du 21 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par réclamations préalables du 21 juin 2013, la société COVI a demandé la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qu'elle avait spontanément acquittée au titre des années 2011 et 2012. Ses réclamations ayant été rejetées, le 23 septembre 2013, elle a saisi de ce litige le tribunal administratif de Poitiers. Elle demande l'annulation du jugement du 28 avril 2016 dudit tribunal qui rejette sa demande.
2. La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de 1'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010. Le I de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un paragraphe l bis précisant les modalités de recouvrement de cette imposition. En outre, le paragraphe II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ".
3. Par ailleurs et par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Après avoir visé les dispositions, précitées, de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, il a décidé, en application de l'article 62 de la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et que le moyen d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012. Puis, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012.
4. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. À défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.
5. Comme il a été dit ci-dessus, le Conseil constitutionnel a, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, déclaré contraire aux droits et libertés que la constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du III de l'article 1600 du code général des impôts dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011 au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises.
6. Toutefois, à la date à laquelle la société appelante a introduit sa réclamation, le 19 juin 2013, l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative était entré en vigueur. Les dispositions du I de cet article définissent explicitement les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle. Les dispositions de son II, lesquelles ont été, au demeurant, jugées conformes à la Constitution, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, prévoient une application rétroactive aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, en vue de prévenir les contestations à compter du 11 juillet 2012. Par suite, la société ne pouvait se prévaloir, à cette date, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre des années 2011 et 2012. Dès lors, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Dès lors que les faits invoqués par la requérante n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales elle ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 14 de cette convention combinées avec celles de cet article.
8. En outre et aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".
9. Le présent litige, qui tend à la décharge d'une imposition primitive et ne porte sur aucune pénalité, n'est relatif ni à une contestation de caractère civil ni à une accusation en matière pénale au sens des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 porteraient atteinte au droit à un procès équitable garanti par ces stipulations est inopérant et doit, pour ce motif et en tout état de cause, être écarté.
10. Il découle de plus de ce qui a été exposé et dans la mesure où l'appelante n'invoque aucune autre méconnaissance des droits et libertés reconnus par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que doit être écarté le moyen tiré de la violation du droit au recours effectif proclamé par l'article 13 de cette convention.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Covi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Covi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Covi et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018
Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le président
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01870