Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juillet 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...épouseC..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2016 du préfet de la Creuse portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixant l'Albanie comme pays de renvoi.
2. En premier lieu, d'une part, en réponse au moyen de légalité externe tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, les premiers juges, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point, ont retenu que " M. Recio, secrétaire général de la préfecture de la Creuse, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Creuse par un arrêté n° 2015159-01 en date du 8 juin 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial A-06 n° 3 du 8 juin 2015, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figure pas l'arrêté en litige ". D'autre part, s'il incombe à l'autorité administrative, dans le cas où comme en l'espèce, elle prononce une obligation de quitter le territoire français à la suite d'un refus implicite de séjour, de motiver sa décision en indiquant les circonstances de fait et les considérations de droit qui la justifient, sans qu'elle puisse se borner à se référer à l'existence d'un refus implicite de titre de séjour, il y a lieu, également d'adopter le motif suivant, retenu en réponse au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté : " la décision attaquée énonce les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration qui reprennent celles invoquées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, abrogées depuis le 1er janvier 2016 ".
3. En deuxième lieu, le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse peut être obligé de quitter le territoire français lorsque, notamment, en vertu du 3° : " (...) la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ". L'article R. 311-12 du même code dans sa version en vigueur jusqu'au 1er novembre 2016 prévoit la naissance d'une décision implicite de rejet " du silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour ". L'autorité administrative peut ainsi prononcer, sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français lorsque le silence gardé pendant quatre mois sur une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour a fait naître une décision implicite de rejet, sans qu'il lui soit impératif d'opposer au préalable un refus explicite de titre de séjour.
4. Si le préfet a mentionné dans son arrêté les refus de séjour opposés " tant par le préfet de la Vienne que par le préfet de la Creuse ", en se référant aux refus de séjour expressément opposés, il a retenu principalement le refus implicite qu'il a estimé avoir opposé le 16 juin 2016 en application des dispositions précitées de l'article R. 311-12. Il est constant que Mme B...a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, par un courrier du 12 février 2016, reçu le 16 février suivant. Au regard notamment des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, le courrier du 13 avril 2016 accusant réception de pièces n'est pas de nature à interrompre le délai de quatre mois alors applicable courant à compter du 16 février 2016 pour la naissance d'un refus implicite de séjour le 16 juin 2016, comme l'a estimé le préfet. Dans ces conditions, en prononçant, le 7 juillet suivant, une mesure d'éloignement sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas privé sa décision de base légale. Les moyens tirés, sans autre précision, de ce que la mesure d'éloignement serait entachée " d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation " doivent dès lors être écartés.
5. En troisième lieu, les risques allégués en cas de retour en Albanie ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement, qui n'a pas par elle-même pour effet de renvoyer Mme B...dans ce pays. En tout état de cause, en admettant que les épouxC..., l'un musulman, l'autre catholique, auraient été menacés par leurs familles respectives opposées à leur union, le caractère actuel des risques dont la requérante fait état n'est pas établi par son récit peu circonstancié et les attestations de proches mentionnant pour les besoins de la cause qu'ils sont soumis de la part des familles à des menaces et des " pressions " pour les localiser. Il n'est en particulier pas établi ni même allégué par la requérante, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 mai 2014, confirmée le 19 février 2015 par la Cour nationale du droit d'asile, que les autorités albanaises ne seraient pas en mesure de parer à ce risque. MmeB..., entrée en France le 17 décembre 2013, y vit avec son époux, qui a également fait l'objet le 7 juillet 2016 d'une mesure d'éloignement, et leurs deux jeunes enfants. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France, notamment en Albanie. Si la requérante se prévaut en outre de ses efforts d'insertion et de sa connaissance de la langue française, au demeurant non contestés, de la promesse d'embauche de son époux et de son investissement dans le milieu associatif local, dans les circonstances de l'affaire, compte tenu notamment de la durée de son séjour en France et de la possibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée. Compte tenu de la possibilité de poursuivre la vie familiale hors de France, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur, garanti par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des deux jeunes enfants de MmeB..., qui peuvent repartir avec leurs parents.
6. En quatrième lieu, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à " des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ". Ni les efforts d'insertion de la requérante, ni aucun des éléments invoqués, notamment les risques allégués en cas de retour en Albanie, au demeurant non établis ainsi qu'il a été dit au point 5, ne constituent, par eux-mêmes ou dans leur ensemble, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité. Le préfet ne s'est donc pas livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement de ces dispositions.
7. En cinquième lieu, en se bornant à faire valoir que son état de santé justifie sa prise en charge médicale en France compte tenu de l'impossibilité de retour dans son pays d'origine, pas plus en première instance qu'en appel, la requérante n'apporte d'éléments de nature à infirmer l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé confirmant le 12 mai 2016 son avis du 11 juin 2015 selon lequel le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. En lui refusant un titre de séjour, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit, la requérante ne peut utilement invoquer à l'encontre de la mesure d'éloignement les risques allégués en cas de retour en Albanie et par voie de conséquence les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le même unique moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant l'Albanie comme pays de renvoi ne peut, en l'absence de justification de la réalité des risques allégués, qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er: La requête de Mme B...est rejetée.
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N° 16BX04152