Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la Vienne a décidé son transfert aux autorités suédoises ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence dans le département de la Vienne ;
4°) d'enjoindre audit préfet, dans un délai de 48 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé de demande d'asile, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ou, si la demande d'aide juridictionnelle est rejetée, de lui verser la même somme par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les deux arrêtés litigieux émanent d'un auteur incompétent, la délégation de signature dont il bénéficie ne lui permettant pas de signer un arrêté de transfert ;
- ce dernier arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'article 5.5 du règlement 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été méconnu, en l'absence d'indication du prénom et du nom de l'agent qui a réalisé l'entretien ;
- cet entretien n'a pas eu le jour même du rendez-vous au guichet unique, en contradiction avec la circulaire du 13 juillet 2015 ;
- en tout état de cause, il n'a pas été réalisé en temps utile, en méconnaissance de l'article 5.3 du règlement précité ;
- l'arrêté relatif au transfert est insuffisamment motivé et entaché de plusieurs erreurs de fait, notamment s'agissant de sa date de naissance, de celle à laquelle il a demandé l'asile en Suède et de celle à laquelle il a déposé une demande de même nature en France, de telle sorte que l'on peut en déduire que le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et approfondi de sa situation ;
- l'article 4.1 du règlement n° 604/2013 a été méconnu en ce que l'information qui devait lui être délivrée ne l'a été que près de deux mois après le dépôt de sa demande d'asile ;
- enfin, cet arrêté a aussi méconnu les dispositions de l'article 17 dudit règlement et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence, il est privé de base légale de part l'illégalité de l'arrêté de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2018, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité de l'arrêté portant remis aux autorités suédoises :
1. En premier lieu, M. A...reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté par lequel le préfet a décidé de le remettre aux autorités suédoises et. Cependant, il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
2. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement des articles L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 à R. 742-4 dudit code concernant les décisions de transfert d'un étranger aux autorités d'un État membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son éloignement du territoire français. Dès lors, les dispositions des articles L. 121-1, L. 122-1 et, en tout état de cause, L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui reprennent les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de transfert aux autorités de l'État responsable de la demande d'asile.
3. En troisième lieu, l'appelant soutient devant la cour comme en première instance que l'article 5.5 du règlement 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été méconnu, en l'absence d'indication du prénom et du nom de l'agent qui a réalisé l'entretien. Toutefois, il ne prévaut pas en appel d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
4. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à supposer même que M. A...puisse être regardé comme ayant déposé sa demande d'asile politique en France dès le 31 août 2017, il a été reçu en entretien individuel à la préfecture de la Vienne le 27 octobre suivant, soit avant la demande de reprise en charge effectuée le 30 octobre 2017 auprès des autorités suédoises et, par construction, antérieurement à l'arrêté le remettant à ces autorités, intervenu le 5 décembre 2017. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 3 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté. Par ailleurs et comme l'a relevé le premier juge, l'appelant ne saurait utilement invoquer, en tout état de cause, les termes de la circulaire du 13 juillet 2015 du ministre de l'intérieur.
6. En cinquième lieu et comme l'a estimé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, l'arrêté du 5 décembre 2017 portant remise de l'intéressé aux autorités suédoises comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a ainsi, de manière intelligible, fait connaître à M. A...qu'il avait été identifié comme ayant déposé une première demande d'asile en Suède et que les autorités de ce pays, saisies le 30 octobre 2017, avaient accepté de le reprendre en charge sur le fondement du d) du 1. de 1'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par conséquent, cet arrêté a satisfait aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 561-2 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors même qu'il présente quelques erreurs matérielles s'agissant de la mention de certaines dates. De même et comme relevé par le premier juge, l'existence de ces seules erreurs ne permet pas, en l'occurrence, d'en déduire que la situation personnelle de l'appelant n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier.
7. En sixième lieu et aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, précité : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile. Cependant il ne ressort d'aucune disposition du règlement, ni d'aucun principe, que cette information doive être délivrée préalablement à l'entretien individuel organisé en préfecture.
9. Il est constant en appel que M. A...a reçu l'information prévue par les dispositions précitées de l'article 4 le 27 octobre 2017, lors de l'entretien qui a eu lieu à la préfecture de la Vienne. Par conséquent et à supposer même qu'il puisse être regardé comme ayant déposé une demande d'asile dès le 31 août 2017, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.
10. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. ".
11. M. A...soutient que la clause discrétionnaire prévue par le 1. de 1'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 aurait dû être mise en oeuvre, dès lors que sa demande d'asile en Suède a été rejetée et qu'il est ainsi exposé à être éloigné par les autorités suédoises vers le pays dont il possède la nationalité, en dépit du conflit armé que connaît ce dernier. Néanmoins, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine, et il n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques qu'il encourrait personnellement et actuellement en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par les dispositions citées au point précédent, le préfet de la Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :
12. En premier lieu, par un arrêté du 2 novembre 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Vienne a donné délégation à M. Émile Soumbo, secrétaire général, signataire de l'arrêté assignant à résidence M.A..., à 1'effet de signer tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exception d'actes parmi lesquels ne figure pas les décisions portant assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions litigieuses ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 1 à 11 que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté portant remise aux autorités suédoises doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés pris à son encontre le 5 décembre 2017 par le préfet de la Vienne. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ou L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C.... Copie en sera transmise au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 avril 2018
Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le président
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00089