Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2016, la SAS Garage Louis XVI, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2016 ;
2°) à titre principal d'annuler, le cas échéant avec effet différé, et à titre subsidiaire de résilier la convention signée le 21 novembre 2013 entre la ville de Nantes et la société EFFIA, portant délégation de service public relative à la fourrière municipale, ou à défaut d'en modifier les clauses ou d'imposer des mesures de régularisation ;
3°) de condamner la ville de Nantes à lui verser la somme de 3 115 000 euros, assortie des intérêts au taux légal au jour de la demande et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du contrat litigieux ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Nantes la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; il est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- le dossier de la consultation était insuffisant en raison de l'imprécision du périmètre du service délégué ;
- il a été porté atteinte à l'égalité des candidats ;
- les documents de la consultation ont été méconnus tant au stade de l'admission de la candidature de la société EFFIA qu'à l'occasion de la signature de la convention, aucun article du règlement de la consultation ne prévoyant la possibilité d'une sous-traitance de la part du délégataire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2016, la ville de Nantes, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Garage Louis XVI la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le jugement attaqué est suffisamment motivé et qu'aucun des moyens soulevés par la société Garage Louis XVI n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2016, la Société nantaise de fourrière automobile (SNFA), représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Garage Louis XVI la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure ;
- les conclusions, de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...pour la société Garage Louis XVI et de Me A...pour la commune de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. La ville de Nantes a publié, le 16 avril 2013, un avis d'appel public à la concurrence pour l'attribution de la délégation de service public relative à la fourrière automobile municipale. Cinq candidatures ont été déposées dont quatre seulement ont été retenues en vue de la négociation, parmi lesquelles celle de la société EFFIA et celle de la société Garage Louis XVI qui exploitait depuis 2005 ce service. A l'issue de la phase des négociations, le conseil municipal de Nantes a décidé, par une délibération du 11 octobre 2013, de retenir l'offre de la société EFFIA. La convention de délégation de service public a été conclue entre la ville de Nantes et la société EFFIA le 21 novembre 2013 et l'avis d'attribution est paru au bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) du 4 décembre suivant. La société nantaise de fourrière automobile (SNFA), créée pour la gestion de la fourrière municipale, s'est substituée à la société EFFIA pour l'exécution de la délégation en application de l'article 4 du contrat. La société Garage Louis XVI a adressé à la ville de Nantes, le 24 décembre 2013, une demande indemnitaire préalable, demeurée sans réponse, relative au préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière. Elle relève appel du jugement du 25 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, la résiliation ou la modification de la convention et à l'indemnisation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du contrat litigieux, à hauteur de 3 115 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Selon l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés.". Pour répondre au moyen tiré de l'imprécision du périmètre du service public délégué, le jugement attaqué reprend en son point 8 l'intégralité de l'argumentation de la société Garage Louis XVI puis indique que dans les documents de la consultation, éclairés de surcroit par un courrier du 21 mai 2013 adressé en réponse aux questions des candidats, " la ville a clairement indiqué que la fourrière municipale avait vocation à assurer l'enlèvement de tous les véhicules stationnant en infraction sur son territoire, quelle que soit l'autorité compétente pour en décider ". Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, la réponse du tribunal au moyen tiré de l'imprécision du périmètre du service public délégué est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante, notamment sur les critères de sélection des offres.
4. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que la commune a porté à la connaissance des candidats, au travers notamment des documents de la consultation et du courrier du 21 mai 2013, adressé aux candidats en réponse à leurs questions, les données chiffrées relatives au nombre global de véhicules mis en fourrière par le prestataire sortant ainsi que celles relatives à l'origine des réquisitions. D'autre part, dans le dossier de consultation, la pièce n° 3 " Caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire " prévoit en son article 3 que le délégataire " assurera " notamment " Sur réquisition des autorités de police compétentes : - Enlèvement des véhicules en infraction, - Enlèvement des épaves et des véhicules abandonnés, quelle que soit la configuration du terrain (...) et pour tous types de véhicules y compris les poids-lourds... ". Enfin, le code de la route prévoit explicitement que le service public de la fourrière peut être requis tant par la police municipale que par la police nationale dès lors que son article L. 325-1 dispose que l'immobilisation et la mise en fourrière des véhicules en infraction ou épaves peuvent être décidées " à la demande et sous la responsabilité du maire ou de l'officier de police judiciaire territorialement compétent... ". Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les documents de la consultation ne délimitaient pas de façon suffisamment précise le périmètre du service public délégué ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que " (...) Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes (...) La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. ". De même, l'article L. 1411-5 de ce code dispose notamment que l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre.
6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que des négociations ont été entreprises avec quatre candidats puis se sont poursuivies avec deux sociétés seulement, EFFIA Stationnement et Garage Louis XVI. Des réunions de négociation se sont tenues avec ces deux dernières candidates les 17 juillet et 9 septembre 2013, aux termes desquelles celles-ci ont proposé des adaptations à leur offre initiale. Après analyse des offres, sur la base des critères annoncés dans l'avis d'appel public à la concurrence, l'offre de la société EFFIA Stationnement a été retenue et ce choix a été validé par la délibération du conseil municipal de Nantes du 11 octobre 2013. Afin de répondre aux demandes de précisions formulées par la société Garage Louis XVI, la ville de Nantes a exposé les motifs de son choix dans un courrier du 28 octobre 2013. Il en résulte que les offres des sociétés EFFIA Stationnement et Garage Louis XVI au regard du critère n°1 " qualité de la présentation de l'offre et cohérence avec les objectifs de la collectivité " ont été jugées équivalentes, que s'agissant du critère n° 2, " valeur technique ", les deux offres ont été considérées comme proches avec toutefois un léger avantage à l'offre de la société EFFIA qui prévoit une affectation exclusive de ses moyens techniques à l'activité de la fourrière, alors que la société Garage Louis XVI exerce également des activités de dépannage et de réparation automobile, et que s'agissant du critère n° 3, " conditions et transparence économiques et financières de l'offre ", l'offre de la société EFFIA Stationnement est apparue comme présentant un " léger avantage sur le plan financier " sur celle de la société requérante, avec un solde net de la redevance par rapport au coût des véhicules non récupérés par leurs propriétaires plus favorable. Par ailleurs, la ville de Nantes a également tenu compte, pour comparer les offres des deux candidates au regard du critère n° 3, du fait que la société EFFIA Stationnement propose une redevance annuelle fixe forfaitaire de 30 000 euros, quels que soient le résultat et le chiffre d'affaires réalisés et une redevance variable égale à 25 % du chiffres d'affaires HT sur la tranche comprise entre 800 000 et 1 000 000 euros et de 50 % au-delà d'un chiffre d'affaires HT de 1 000 000 euros, à la différence de la société Garage Louis XVI qui ne proposait qu'une redevance variable. En outre, sur le plan de la transparence financière, la société EFFIA Stationnement a proposé la création, sans surcoût, d'une société dédiée exclusivement à l'activité de la délégation de service public, tandis que la requérante a seulement proposé de mettre en oeuvre une comptabilité analytique entre ses différentes activités, certifiée par un commissaire aux comptes. Il ne résulte ainsi aucunement de l'instruction que le choix de la ville de Nantes serait intervenu aux termes de négociations " déloyales ". En particulier, il n'est pas établi que la collectivité délégante aurait favorisé la société EFFIA en l'incitant à modifier radicalement son offre dès lors que le courrier adressé à la société Garage Louis XVI avant la tenue de la réunion de négociation du 9 septembre 2013 insistait sur les divers aspects, notamment financiers, de l'offre que la requérante était susceptible d'améliorer si elle l'avait souhaité et lui demandait explicitement si elle entendait faire évoluer sa proposition. Le moyen tiré de la prétendue irrégularité de la procédure de négociation doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, selon l'article 5-1 du règlement de la consultation " La ville de Nantes préconise la constitution d'une société ad hoc dédiée à la délégation. (...) / S'il ne retient pas l'option de la création d'une société dédiée, le candidat devra faire toute proposition propre à garantir à la ville de Nantes un niveau de transparence et d'information équivalent ". Si l'option retenue par la société Garage Louis XVI de mettre en place une comptabilité analytique certifiée par un commissaire aux comptes pouvait constituer une proposition alternative entrant dans le champ des stipulations de l'article 5-1 précité, il n'était pas interdit à la collectivité délégante d'exprimer sa préférence pour la constitution d'une société ad hoc, préconisée à titre principal. De plus, compte tenu des activités de dépannage et de garage également pratiquées par la requérante, la ville de Nantes a pu sans erreur manifeste estimer que la proposition de celle-ci ne constituait pas une garantie équivalente de transparence. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'autorité délégante aurait méconnu le règlement de la consultation n'est pas fondé.
8. En quatrième lieu, l'article 10 du règlement de la consultation intitulé " cession de la convention " prévoit que le délégataire est tenu d'exécuter personnellement la mission qui lui est confiée et interdit toute cession de la convention à moins d'un accord préalable exprès de l'autorité délégante. Toutefois cet article ne porte que sur l'interdiction pour le délégataire de céder la convention et non sur les conditions de recours à la sous-traitance. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en autorisant la sous-traitance, d'ailleurs seulement partielle, la convention conclue avec la société Effia aurait méconnu l'exigence d'exécution personnelle de la mission de service public prévue par ce règlement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Garage Louis XVI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Garage Louis XVI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Garage Louis XVI le versement d'une part à la ville de Nantes de la somme de 1 500 euros et d'autre part à la SNFA de la même somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Garage Louis XVI est rejetée.
Article 2 : La société Garage Louis XVI versera à la ville de Nantes et à la société nantaise de fourrière automobile (SNFA) la somme de 1 500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garage Louis XVI, à la ville de Nantes et à la société nantaise de fourrière automobile.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
La rapporteure,
N. TIGER- WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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16NT02452