Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 17NT00127 le 12 janvier 2017, le 26 octobre 2017, le 19 février 2018 et le 15 mars 2018, la SCOP à l'Abord'Ages, représentée par MeB..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions implicites du président de la communauté de communes de Brocéliande rejetant leurs demandes tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ;
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3°) de condamner la communauté de communes de Brocéliande à verser les sommes de 1 720 416 euros HT à la SCOP et 974 180 euros HT à la SCI, assorties des intérêts moratoires au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de demander la communication des avenants au " contrat enfance jeunesse " (CEJ) ainsi que la réponse de la communauté de communes au courriel de la CAF daté du 24 août 2012 et une attestation à la banque Crédit Mutuel de Bretagne, justifiant qu'elle aurait accordé un prêt bancaire à la SCI Alaba Plélan si le projet avait continué et été concrétisé ;
5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Brocéliande une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité contractuelle de la communauté de communes de Brocéliande est engagée ; elle avait consenti à un accord contractuel avec la SCOP au terme duquel cette dernière s'engageait à la construction de deux établissements d'accueil de la petite enfance en considération de l'engagement de la communauté d'acheter dix places de crèche ; ce contrat a été mis en oeuvre ; des démarches ont été entreprises par la SCOP pour acquérir l'assiette foncière du projet ; à partir du mois de septembre 2012, la communauté de communes a adopté un comportement déloyal à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité extracontractuelle de la communauté de communes est engagée ; en revenant sur ses assurances et ses incitations fermes et répétées, la communauté de communes a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité ;
- sur le préjudice subi, elles font valoir des pertes d'exploitation et des gains manqués ; elles ont engagé des frais de préparation et de mise au point des projets, des frais de mise en oeuvre du projet, des frais de résiliation du contrat conclu avec la société Module Création, des frais liés à l'organisation financière et juridique de l'investissement ; elles subissent un préjudice commercial ; au total, le montant des préjudices s'élève à 1 720 416 euros HT pour la SCOP et 974 180 euros HT pour la SCI Alaba ; l'ensemble de ces préjudices présentent un lien de causalité avec les fautes commises par l'administration, qui ont entraîné un important déséquilibre budgétaire ; elle ont droit à la réparation de l'intégralité de leur préjudice.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2017 et le 20 février 2018, la communauté de communes de Brocéliande, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCOP à l'Abord'Ages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCOP à l'Abord'Ages ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 17NT00128 le 12 janvier 2017, le 26 octobre 2017, le 19 février 2018 et le 15 mars 2018, la SCI crèche de Tinténiac, représentée par MeB..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions implicites du président de la communauté de communes de Brocéliande rejetant leurs demandes tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ;
3°) de condamner la communauté de communes de Brocéliande à verser les sommes de 1 720 416 euros HT à la SCOP et 974 180 euros HT à la SCI, assorties des intérêts moratoires au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de demander la communication des avenants au CEJ ainsi que la réponse de la communauté de communes au courriel de la CAF daté du 24 août 2012 et une attestation à la banque Crédit Mutuel de Bretagne, justifiant qu'elle lui aurait accordé un prêt bancaire si le projet avait continué et été concrétisé ;
5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Brocéliande une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité contractuelle de la communauté de communes de Brocéliande est engagée ; elle avait consenti à un accord contractuel avec la SCOP au terme duquel cette dernière s'engageait à la construction de deux établissements d'accueil de la petite enfance en considération de l'engagement de la communauté d'acheter dix places de crèche ; ce contrat a été mis en oeuvre ; des démarches ont été entreprises par la SCOP pour acquérir l'assiette foncière du projet ; à partir du mois de septembre 2012, la communauté de communes a adopté un comportement déloyal à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité extracontractuelle de la communauté de communes est engagée ; en revenant sur ses assurances et ses incitations fermes et répétées, la communauté de communes a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité ;
- sur le préjudice subi, elles font valoir des pertes d'exploitation et des gains manqués ; elles ont engagé des frais de préparation et de mise au point des projets, des frais de mise en oeuvre du projet, des frais de résiliation du contrat conclu avec la société Module Création, des frais liés à l'organisation financière et juridique de l'investissement ; elles subissent un préjudice commercial ; au total, le montant des préjudices s'élève à 1 720 416 euros HT pour la SCOP et 974 180 euros HT pour la SCI Alaba ; l'ensemble de ces préjudices présentent un lien de causalité avec les fautes commises par l'administration, qui ont entraîné un important déséquilibre budgétaire ; elle ont droit à la réparation de l'intégralité de leur préjudice.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2017 et le 20 février 2018, la communauté de communes de Brocéliande, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI crèche de Tinteniac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI crèche de Tinteniac ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SCOP à l'Abord'Ages et la SCI crèche de Tinténiac, et de MeD..., représentant la communauté de communes de Brocéliande.
1. Considérant que les requêtes enregistrées sous les nos 17NT00127 et 17NT00128 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, par une délibération du 26 avril 2011, la communauté de communes de Brocéliande a créé un service d'intérêt économique général consistant en un service public local d'accueil collectif de l'enfance pour les parents les plus éloignés d'un emploi stable et durable ; que, par une délibération du 20 juin 2011, le conseil communautaire a décidé, dans ce cadre, de donner un accord de principe pour la construction par la SCOP à l'Abord'Ages de deux structures de petite enfance sur le territoire de la commune de Bréal-sous-Montfort et celui de la commune de Plélan-le-Grand, respectivement dans les parcs d'activités " Le Hindré 3 " et " les Grands Chênes " ; qu'un compromis de vente a été signé le 13 juillet 2012 entre la communauté de communes de Brocéliande et la SCI Alaba Plélan, dénommée aujourd'hui SCI crèche de Tinténiac, société porteuse du projet immobilier, portant sur un terrain à bâtir sur le territoire de la commune de Plélan-le-Grand en vue de la construction d'un bâtiment destiné à accueillir une crèche ; que cependant par une délibération du 8 octobre 2012, la communauté de communes de Brocéliande a décidé de cesser tout partenariat avec ces deux sociétés ; qu'estimant que cette rupture était injustifiée, les deux sociétés ont demandé à la communauté de communes de Brocéliande une indemnisation de leurs préjudices financiers et moraux ; que la SCOP à l'Abord'Ages et la SCI crèche de Tinténiac relèvent appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté de communes de Brocéliande à leur verser respectivement les sommes de 1 720 416 euros HT et 974 180 euros HT, assorties des intérêts moratoires au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
Sur la responsabilité contractuelle :
3. Considérant que si, par sa délibération du 20 juin 2011, la communauté de communes de Brocéliande a donné son accord de principe à la création par la SCOP à l'Abordages de deux crèches dans le cadre de la mise en oeuvre de son service d'intérêt économique général de la petite enfance, en s'engageant à réserver annuellement dix places réparties sur les deux structures, il résulte de l'instruction que les deux parties n'ont jamais trouvé d'accord sur la convention de mandatement devant accompagner ce projet, la dernière proposition adressée par la communauté de communes de Brocéliande à la SCOP le 28 août 2012 n'ayant jamais été signée par cette dernière ; que les différents courriers invoqués par les requérantes mentionnent en outre que l'engagement de la communauté de communes de Brocéliande était conditionné par la disposition effective des places dès le mois de septembre 2012 ; que les deux sociétés requérantes n'ont pas apporté de garanties, malgré les demandes répétées en ce sens de la communauté de communes de Brocéliande, sur le montage économique et financier du projet ; que le compromis de vente entre la communauté de communes de Brocéliande et la SCI crèche de Tinténiac signé le 12 juillet 2012 ne peut fonder l'action en responsabilité contractuelle des sociétés requérantes dès lors qu'il porte sur la cession d'un bien appartenant au domaine privé de la collectivité et que le dossier de demande de permis de construire déposé le 27 août 2012 avait fait l'objet le 18 septembre 2012 d'un avis défavorable de l'architecte paysagiste du lotissement d'activité, ce qui empêchait la réalisation à la date prévue du 30 septembre 2012 de la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire assorti d'un avis favorable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cet avis résulterait de manoeuvres de l'administration destinées à faire échec au projet, ; qu'enfin, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, l'attribution le 27 septembre 2011 d'une subvention d'investissement de 448 000 euros par la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine pour la création des deux espaces multi-accueils n'était conditionnée ni par la conclusion d'un contrat avec la communauté de communes de Brocéliande, ni par une participation financière de cette collectivité au projet ; que, dans ces conditions, en l'absence d'accord de volontés sur les conditions financières du projet d'implantation des accueils collectifs pour la petite enfance, la SCOP à l'Abord'Ages et la SCI crèche de Tinténiac ne sont pas fondées à demander à être indemnisées des préjudices qu'elles estiment avoir subis sur le terrain de la responsabilité contractuelle ;
Sur la responsabilité quasi-délictuelle :
4. Considérant que si la rupture unilatérale, par la personne publique, pour un motif d'intérêt général, des négociations préalables à la passation d'un contrat n'est pas de nature à engager sa responsabilité pour faute, cette responsabilité peut, toutefois, être mise en cause lorsque la personne publique, au cours des négociations, a incité son partenaire à engager des dépenses en lui donnant, à tort, l'assurance qu'un tel contrat serait signé, sous réserve que ce dernier n'ait pu légitimement ignorer le risque auquel il s'exposait ; qu'en revanche, alors même qu'une telle assurance aurait été donnée, elle ne peut créer aucun droit à la conclusion du contrat ; que la perte du bénéfice que le partenaire pressenti escomptait de l'opération ne saurait, dans cette hypothèse, constituer un préjudice indemnisable ;
5. Considérant que les sociétés requérantes font valoir à titre subsidiaire qu'en revenant sur ses assurances et ses incitations fermes et répétées, la communauté de communes de Brocéliande aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors que c'est exclusivement au vu de l'assurance donnée par l'administration sur l'achat de dix places de crèche et suivant les exigences posées par elle que la SCOP et la SCI se sont lancées dans le projet de création de deux crèches et ont engagé les démarches à cet effet ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la communauté de communes de Brocéliande a décidé de mettre fin aux négociations en raison de l'absence de garanties financières présentées par les deux sociétés requérantes, malgré de nombreuses relances en ce sens, tant sur l'acquisition du terrain située sur la commune de Plélan-le-Grand que sur la viabilité économique des structures d'accueil ; que les engagements réitérés de la communauté de communes de Brocéliande de financer l'équivalent de dix places de crèches réparties sur ces deux structures étaient liés précisément à un calendrier et à des exigences en matière de service public qui n'ont pas été tenus par les deux sociétés requérantes ; que, dans ces conditions, la rupture des relations à l'initiative de la communauté de communes de Brocéliande ne constitue pas une faute de nature à engager sa responsabilité ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder aux mesures d'instructions demandées, que la société SCOP à l'Abord'Ages et la SCI crèche de Tinténiac ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de Brocéliande, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement des sommes demandées par la SCOP à l'Abord'Ages et par la SCI crèche de Tinténiac au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SCOP à l'Abord'Ages et de la SCI crèche de Tinténiac le versement de la somme de 750 euros chacune à la communauté de communes de Brocéliande sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de la SCOP à l'Abord'Ages et de la SCI crèche de Tinténiac sont rejetées.
Article 2 : La SCOP à l'Abord'Ages et la SCI crèche de Tinténiac verseront chacune une somme de 750 euros à la communauté de communes de Brocéliande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCOP à l'Abord'Ages, à la SCI crèche de Tinténiac et à la communauté de communes de Brocéliande.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00127 et 17NT00128