Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 sous le n°20BX02945, M. H..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 de la préfète de la Gironde en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes raisons.
M. H... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2020/001072 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 avril 2020.
II. Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 sous le n°20BX02946,
Mme I..., représentée par Me B..., conclut, pour ce qui la concerne, aux mêmes fins que la requête n°20BX02945 en reprenant les mêmes moyens.
Mme I... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2020/001073 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 avril 2020.
Par ordonnance du 18 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2021 à 12 heures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. H... et Mme I... ne sont pas fondés et notamment qu'ils n'apportent pas d'éléments personnels et précis démontrant qu'ils seraient exposés à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... A..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... H... et Mme C... I..., ressortissants géorgiens, sont entrés sur le territoire français le 30 mars 2019. Ils ont déposé des demandes d'asile rejetées par deux décisions du 27 juin 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure accélérée prévue au 1° de l'article L. 723-2-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces rejets ont été confirmés par deux ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile du 21 octobre 2019. Par deux arrêtés du 22 août 2019, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. H... et Mme I... ont sollicité, à titre principal, l'annulation de ces arrêtés du 22 août 2019 et, à titre subsidiaire, la suspension des mesures d'éloignement. Par deux jugements du 25 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Par deux requêtes enregistrées le 1er septembre 2020, M. H... et Mme I... relèvent appel du jugement du 25 octobre 2019 en tant que le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 22 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°20BX02945 et 20BX02946 concernent les membres d'une même famille et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
3. La décision portant obligation de quitter le territoire français ne fixant par elle-même aucun pays de destination, M. H... et Mme I... ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen doit par suite être écarté comme étant inopérant.
4. Il en va de même pour la décision accordant à M. H... et Mme I... un délai de trente jours pour quitter le territoire français. Cette décision ne fixant par elle-même aucun pays de destination, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à son encontre, et doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
6. A l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant la Géorgie comme pays de destination, M. H... et Mme I... font valoir qu'ils encourent des risques de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, dès lors qu'ils y seraient exposés aux représailles de l'assassin du frère de M. H... et du père de celui-ci, haut-fonctionnaire très influent en Géorgie. Ils produisent au soutien de leurs allégations plusieurs extraits d'articles de journaux locaux et d'émissions de télévision traduits en français qui témoignent des circonstances du meurtre et des troubles qu'il a engendrés dans le village dont la famille de M. H... est originaire. Ils versent également au dossier des attestations émanant du père de M. H... resté en Géorgie et de plusieurs habitants de leur village, qui font état des menaces que leur faisaient subir le meurtrier du frère de M. H... et son père lorsqu'ils se trouvaient encore dans leur pays d'origine, ainsi que de la remise en liberté récente de l'assassin. Toutefois, ces dernières allégations, qui ne sont corroborées par aucun document émanant des autorités locales, ne peuvent être regardées comme suffisamment probantes pour établir la réalité et l'actualité des risques auxquels seraient exposés M. H... et Mme I... en cas de retour en Géorgie. En outre, les appelants n'allèguent pas être dans l'impossibilité de se réclamer de la protection des autorités géorgiennes, lesquelles sont intervenues pour poursuivre et condamner l'assassin du frère de M. H.... Au demeurant, leurs demandes d'asile ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin et le 21 octobre 2019. Dans ces conditions, M. H... et Mme I... ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... et Mme I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Les conclusions qu'ils présentent à fin d'injonction et au titre des frais liés à l'instance doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. H... et Mme I... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H... et Mme C... I... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. E... A..., président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme G... D..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le président-rapporteur,
Didier A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 20BX02944, 20BX02646 2