La région Grand Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à titre principal, de condamner solidairement, à défaut in solidum, sinon conjointement la société Norba Menuiserie et Me B..., liquidateur judiciaire de la société Revêtements Lambda, à lui verser la somme de 151 923,32 euros en réparation des désordres ayant affecté le gymnase du lycée Couffignal de Strasbourg et de mettre à leur charge la somme de 7 735,46 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des frais d'expertise judiciaire.
Par un jugement n° 1804812 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, condamné Me B..., liquidateur judiciaire de la société Revêtements Lambda, à verser à la région Grand Est, la somme de 96 125,24 euros, d'autre part, mis à la charge de Me B..., liquidateur judiciaire de la société Revêtements Lambda, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme globale de 7 735,46 euros et enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête de la région Grand Est.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°18NC02191, les 3 août 2018 et 13 mai 2019, la région Grand-Est, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner, solidairement, à défaut in solidum, sinon conjointement la société Norba Menuiserie et Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda, à lui verser la somme de 151 923,32 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des désordres ayant affecté le gymnase du lycée Couffignal de Strasbourg, cette somme devant être assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge solidaire, à défaut in solidum, sinon conjointement de la société Norba Menuiserie et de Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda, les entiers frais et dépens, cette somme devant être assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la société Norba Menuiserie et de Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n'est pas signée, ce qui l'entache d'irrégularité ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs et sur la responsabilité décennale de la société Norba Menuiserie pourtant invoquées devant lui ;
- la réception des travaux de la société Norba Menuiserie a été prononcée sans réserve, ce qui est de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs ;
- les désordres ne peuvent être regardés comme ayant été apparents à la date de réception de l'ouvrage, dès lors que leur étendue et leurs conséquences n'ont été révélées que postérieurement aux opérations de réception, en particulier pour les travaux de la société Norba Menuiserie réceptionnés sans réserve ;
- les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- la responsabilité de la société Norba Menuiserie et de la société Revêtements Lambda, qui ont participé aux travaux à l'origine des désordres, est de nature à être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de ces sociétés est de nature à être engagée en raison de la mauvaise exécution des prestations mises à leur charge ;
- le lien entre l'orage du 14 juillet 2009 et les désordres est suffisamment établi ;
- les constructeurs doivent être condamnés in solidum, sinon conjointement, à réparer les dommages à hauteur de la somme de 144 187,86 euros TTC qui correspond au montant des travaux qu'elle a entrepris pour remédier aux désordres, outre la somme de 7 735,46 euros au titre des dépens.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2018, la société Norba Menuiserie, représentée par Me A..., conclut à titre principal, au rejet de la requête et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à ce que la somme mise à la charge des constructeurs ne puisse excéder 80 873,33 euros hors taxes (HT), majorée de la taxe sur la valeur ajoutée réellement acquittée et enfin, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la région Grand-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularités ;
- la demande de condamnation in solidum doit être rejetée, dès lors qu'elle est intervenue sur des ouvrages distincts de ceux réalisés par la société Revêtements Lambda ;
- ses travaux ont été réceptionnés sans réserve, sa responsabilité contractuelle ne pouvant plus être recherchée ;
- le lien entre les désordres et l'orage du 14 juillet 2009 n'est pas établi ;
- elle déposait les anciens châssis et posait les nouveaux dans la foulée et n'a pas laissé les ouvertures sans protection ;
- les désordres ont pour origine des défauts d'exécution des travaux de la société Revêtements Lambda et le dégât des eaux du 15 mars 2011 ;
- le montant de la somme demandée par la région Grand Est n'est pas justifié ;
- un tiers au moins de la somme destinée à remédier aux désordres doit être laissée à la charge de la région Grand Est, dès lors que les constructeurs ne sont pas responsables du dégât des eaux du 15 mars 2011 ;
- la condamnation ne saurait être acquittée toutes taxes comprises (TTC), dès lors que la région Grand Est récupère une partie de la taxe sur la valeur ajoutée.
La requête a été communiquée à Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 20NC00617 les 9 mars et 26 octobre 2020, la région Grand-Est, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité solidaire de la société Norba Menuiserie ;
2°) de condamner, solidairement, à défaut in solidum, sinon conjointement la société Norba Menuiserie et Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda, à lui verser la somme de 96 125,24 euros en réparation des désordres ayant affecté le gymnase du lycée Couffignal de Strasbourg, cette somme devant être assortie des intérêts légaux à compter du 3 août 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 3 août 2019 ;
3°) de condamner, solidairement, à défaut in solidum, sinon conjointement la société Norba Menuiserie et Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda aux entiers dépens, soit la somme de 7 735,46 euros ;
4°) de mettre à la charge de la société Norba Menuiserie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n'est pas signée, ce qui l'entache d'irrégularité ;
- le tribunal ne pouvait soulever d'office le moyen tiré du caractère définitif du décompte général notifié à la société Norba Menuiserie qui a trait aux relations contractuelles entre les parties ;
- il a commis un vice de procédure en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ;
- la responsabilité contractuelle de la société Norba Menuiserie est de nature à être engagée en l'absence de protection des ouvertures du gymnase qui a conduit à des infiltrations d'eau à l'intérieur du bâtiment et causé un dommage aux ouvrages réalisés par la société Revêtements Lambda, sans que le caractère définitif de son décompte général ne puisse être opposé ;
- elle ignorait que les désordres étaient imputables à la société Norba Menuiserie à la date d'établissement du décompte général et définitif de son marché et n'a donc pas été en mesure de l'assortir d'une réserve ;
- elle ne conteste pas le montant de l'indemnisation prononcée par le jugement attaqué, soit 96 124,25 euros, mais demande qu'il soit mis à la charge solidairement de la société Norba Menuiserie et de la société Revêtements Lambda, de même que les frais d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, la société Norba Menuiserie, représentée par Me A..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à ce que la somme mise à la charge des constructeurs ne puisse excéder 80 873,33 euros hors taxes (HT), majorée de la taxe sur la valeur ajoutée réellement acquittée et enfin, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la région Grand-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'absence de signature de la minute du jugement attaqué doit être écarté ;
- le décompte général et définitif de la société Norba Menuiserie a été produit et il appartenait à la région Grand Est d'adresser ses éventuelles observations sur ce point, sans que le tribunal n'ait méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;
- la demande de condamnation solidaire ou in solidum ou conjointe doit être rejetée, dès lors qu'elle est intervenue sur des ouvrages distincts de ceux réalisés par la société Revêtements Lambda ;
- elle doit être mise hors de cause, dès lors qu'elle n'est pas intervenue sur le parquet à l'origine des désordres ;
- ses travaux ont été réceptionnés sans réserve et le décompte général et définitif de son marché a été soldé, sa responsabilité contractuelle ne pouvant plus être recherchée ;
- le lien entre les désordres et l'orage du 14 juillet 2009 n'est pas établi ;
- elle déposait les anciens châssis et posait les nouveaux dans la foulée et n'a pas laissé les ouvertures sans protection ;
- les désordres ont pour origine des défauts d'exécution des travaux de la société Revêtements Lambda et le dégât des eaux du 15 mars 2011 ;
- le montant de la somme demandée par la région Grand Est n'est pas justifié ;
- un tiers au moins de la somme destinée à remédier aux désordres doit être laissée à la charge de la région Grand Est, dès lors que les constructeurs ne sont pas responsables du dégât des eaux du 15 mars 2011 ;
- la condamnation ne saurait être acquittée toutes taxes comprises (TTC), dès lors que la région Grand Est récupère une partie de la taxe sur la valeur ajoutée.
La requête a été communiquée à Me B..., mandataire liquidateur de la société Revêtements Lambda qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu :
- l'ordonnance du 4 avril 2013 par laquelle le tribunal administratif de Strasbourg a liquidé et taxé les frais de l'expertise de M. D... à la somme de 7 735,46 euros ;
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. La région Alsace, devenue région Grand Est, a entrepris la rénovation du gymnase du lycée Couffignal à Strasbourg. Elle a assuré la maîtrise d'oeuvre de cette opération. Par un acte d'engagement du 22 juin 2009, le lot B012 " menuiseries extérieures PVC " a été attribué à la société Norba Menuiserie, dont les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 30 novembre 2009, avec effet au 4 novembre précédent. Par un acte d'engagement du même jour, le lot B014 " sols souples et parquets bois " a été attribué à la société Revêtements Lambda. Le 15 octobre 2009, les travaux de la société Revêtements Lambda ont été réceptionnés avec une réserve avec effet au 21 août 2009. En mars 2011, l'éclatement d'une canalisation d'eau chaude a provoqué l'inondation d'une partie du sol du gymnase. Le plancher du gymnase étant devenu trop dangereux pour les usagers, la région Grand Est a décidé de le refaire entièrement. M. D..., expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, a déposé son rapport le 8 février 2013. La région Grand Est a demandé la condamnation de la société Norba Menuiserie et de la société Revêtements Lambda à lui verser la somme de 144 187,86 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des désordres affectant le plancher du gymnase du lycée et de 7 735,46 euros au titre des dépens. Par un jugement du 14 juin 2018, dont la région Grand Est relève appel sous le n° 18NC02191, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs. La région Grand Est a alors demandé la condamnation de ces mêmes sociétés à lui verser la même somme sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Par un jugement du 9 janvier 2020, dont la région Grand Est relève appel sous le n° 20NC00617 en ce qu'il a rejeté les conclusions qu'elle dirigeait contre la société Norba Menuiserie, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, condamné Me B..., liquidateur judiciaire de la société Revêtements Lambda, à verser à la région Grand Est la somme de 96 125,24 euros, d'autre part, mis à la charge de Me B..., liquidateur judiciaire de la société Revêtements Lambda, les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 7 735,46 euros et enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la région Grand Est. Il y a lieu de joindre les deux requêtes présentées par la région Grand Est pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
En ce qui concerne le jugement n°1502476 du 14 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
3. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes du jugement du 14 juin 2018, et en particulier de son point 3, que le tribunal administratif de Strasbourg s'est prononcé sur les conclusions dirigées contre la société Norba Menuiserie sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs.
4. En dernier lieu, il résulte des écritures de la région Grand Est devant le tribunal administratif de Strasbourg que, si elle mettait principalement en cause la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent leur garantie décennale, la région Grand Est se fondait également sur leur responsabilité contractuelle tant dans son mémoire introductif d'instance que dans son mémoire en réplique, enregistré le 22 janvier 2018. Or, le jugement du 14 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg rejette la demande de la région Grand Est sur le seul fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, sans se prononcer sur leur responsabilité contractuelle. Il est, par suite, entaché d'omission à statuer en ce qu'il n'a pas statué sur la responsabilité contractuelle des constructeurs mis en cause et doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la région Grand Est tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle des constructeurs et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par la région Grand Est dans l'instance sous le n° 18NC02191.
En ce qui concerne le jugement n°1804812 du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
7. En second lieu, pour rejeter les conclusions présentées par la région Grand Est dirigées contre la société Norba Menuiserie, les premiers juges ont relevé qu'il appartenait au juge de rechercher si le décompte général et définitif du marché avait été établi et précisé qu'il résultait d'une mesure d'instruction que tel était le cas, cette circonstance faisant obstacle à ce que la région Grand Est recherche la responsabilité de la société Norba Menuiserie.
8. Ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne pouvait être soulevé d'office par le juge. Par suite, les premiers juges, en soulevant d'office le moyen tiré du caractère définitif du décompte du marché de la société Norba Menuiserie, ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg doit être annulé en ce qu'il rejette les demandes de la région Grand Est contre la société Norba Menuiserie.
9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la région Grand Est dirigées contre la société Norba Menuiserie sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans l'instance sous le n° 20NC00617 et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur ses autres conclusions.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Revêtements Lambda et de la société Norba Menuiserie :
En ce qui concerne la responsabilité de la société Revêtements Lambda :
10. En premier lieu, par son jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Revêtements Lambda, dont Me B... n'est que liquidateur judiciaire, à verser à la région Grand Est, la somme de 96 125,24 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2018, jugé que les intérêts échus le 3 août 2019 seront comptabilisés pour porter eux-mêmes intérêt à compter de cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme globale de 7 735,46 euros. Ce jugement, dans cette mesure, n'a fait l'objet d'aucun appel et est par suite devenu définitif. L'autorité de la chose jugée s'y attachant s'oppose à ce qu'il soit à nouveau statué, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la région Grand Est, présentées dans l'instance en appel n° 18NC02191, tendant à la condamnation de cette société sur le fondement de la responsabilité contractuelle qui présentent une identité de parties, d'objet et de cause avec l'instance jugée par le tribunal administratif dans son jugement du 9 janvier 2020. En revanche, la région Grand Est est fondée à contester ce jugement en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur sa demande de condamnation solidaire des sociétés Revêtements Lambda et Norba Menuiserie.
En ce qui concerne la responsabilité de la société Norba Menuiserie :
11. Il résulte de l'instruction que le lot " menuiseries extérieures PVC ", dont la société Norba Menuiserie avait la charge, a été réceptionné sans réserve, le 30 novembre 2009 avec effet au 4 novembre précédent, ce qui a mis un terme aux relations contractuelles entre cette société et la région Grand Est. La responsabilité contractuelle de la société Norba Menuiserie ne peut par suite plus être recherchée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la région Grand Est fondées sur la responsabilité contractuelle de la société Revêtements Lambda et de la société Norba Menuiserie doivent, par la voie de l'évocation dans l'instance d'appel n° 18NC02191 et en ce qui concerne la société Norba Menuiserie dans l'instance d'appel n° 20NC00617, être rejetées.
Sur la responsabilité décennale de la société Revêtements Lambda et de la société Norba Menuiserie :
En ce qui concerne la responsabilité de la société Revêtements Lambda :
13. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. La poursuite des relations contractuelles fait obstacle à ce que la responsabilité du constructeur soit recherchée sur le fondement des principes qui régissent la responsabilité décennale.
14. Il résulte de l'instruction que le lot B014 " sols souples et parquets bois " dont la société Revêtements Lambda avait la charge a été réceptionné le 15 octobre 2009 avec effet au 21 août 2009 " sous réserve du suivi de l'évolution du soulèvement du parquet existant observée depuis la mise en oeuvre du revêtement pvc par l'entreprise ", qui n'a pas été levée. Les relations contractuelles entre la région et cette société n'ont, à cet égard, pas pris fin. La région Grand Est n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1502476 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs dirigées contre cette société.
En ce qui concerne la responsabilité de la société Norba Menuiserie :
S'agissant du principe de responsabilité :
15. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que les désordres affectant le sol du gymnase résultent d'une part, de l'inondation du sol du gymnase par des pluies d'orage survenues le 14 juillet 2009 qui ont abîmé les parquets du sol du gymnase sur lesquels a ensuite été posé un revêtement en pvc par la société Revêtements Lambda et d'autre part, d'une inondation qui s'est produite le 15 mars 2011 à la suite de l'éclatement d'un tuyau d'un chauffe-eau situé dans un local matériel se trouvant dans les vestiaires. Il est constant que les dommages résultant de cette seconde inondation sont dépourvus de tout lien avec les travaux des menuiseries extérieures réalisés par la société Norba Menuiserie et ne sont pas de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs.
17. Il résulte en revanche de ce même rapport d'expertise que les pluies d'orage survenues le 14 juillet 2009 ont inondé le sol du gymnase, dès lors que la société Norba Menuiserie, titulaire du lot " menuiseries extérieures PVC ", n'a pas obstrué les ouvertures lors du remplacement des châssis extérieurs auquel elle était en train de procéder à la fin de la journée. Dès le 23 septembre 2009, la société Revêtements Lambda relevait que le gonflement du parquet sous le revêtement en pvc du sol du gymnase résultait de l'absence de protection, par la société Norba Menuiserie, des ouvertures lors du remplacement des menuiseries extérieures. Il résulte de ce qui précède que les désordres affectant le parquet résultant de la première arrivée d'eau en juillet 2009 sont imputables à la société Norba Menuiserie. La région Grand Est est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1502476 du 14 juin 2018, la responsabilité de la société Norba Menuiserie n'a pas été reconnue.
S'agissant du préjudice :
18. Il résulte de l'instruction que la région Grand Est a entrepris des travaux pour remédier aux désordres affectant le sol du gymnase, devenu inutilisable, à hauteur de 144 187,86 euros TTC, incluant un marché de maîtrise d'oeuvre, une convention de contrôle technique et une convention de coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé. Toutefois, comme il a été dit au point 16, les désordres affectant le sol du gymnase ont deux causes dont une seule peut être imputée à la société Norba Menuiserie. Il sera fait une juste évaluation du montant des travaux dû par cette société en réparation des désordres qui lui sont imputables en le fixant à la somme de 96 125,24 euros qui correspond à la somme due par la société Lambda Revêtement en application du jugement du 9 janvier 2020 pour la réparation des mêmes désordres, non contestée par la société Grand Est dans le cadre de la présente instance.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) :
19. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations. Il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement des collectivités territoriales à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable.
20. La société Norba Menuiserie, qui demande que le montant de la réparation des travaux destinés à la reprise des dommages du gymnase prenne en compte la taxe sur la valeur ajoutée " réellement acquittée " par la région Grand Est, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement de la collectivité, alors que celle-ci établit avoir acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% sur les travaux de reprise des désordres. Sa demande doit, par suite, être rejetée.
S'agissant des intérêts et les intérêts des intérêts :
21. La région Grand Est a droit aux intérêts de la somme de 96 125,24 euros TTC à compter du 12 mai 2015, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif.
22. La capitalisation des intérêts a été demandée le 3 août 2018. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la région Grand Est est fondée à demander la condamnation de la société Norba Menuiserie à lui verser la somme de 96 125,24 euros TTC, assortie des intérêts et capitalisation.
S'agissant de la condamnation solidaire :
24. Il résulte de l'instruction que la société Norba Menuiserie et la société Revêtement Lambda ont concouru ensemble à la réalisation du même désordre. Il y a ainsi lieu de condamner la société Norba Menuiserie, in solidum avec la société Revêtement Lambda condamnée par le jugement n° 1804812 du 9 janvier 2020 devenu définitif en ce qu'il prononce cette condamnation, à verser à la région Grand Est la somme de 96 125,24 euros TTC assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts. Les articles 1ers des jugements n°1502476 du 14 juin 2018, s'agissant de la condamnation solidaire de la société Norba menuiserie, et n° 1804812 du 9 janvier 2020, s'agissant de la condamnation solidaire de la société Revêtement Lambda, sont réformés dans cette mesure.
Sur les dépens :
25. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
26. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 24 du présent arrêt, il y a lieu de mettre les dépens à la charge de la société Norba Menuiserie, in solidum avec la société Revêtement Lambda, à la charge de laquelle les dépens ont été mis par le jugement n° 1804812 du 9 janvier 2020 devenu définitif sur ce point, et de réformer l'article 2 du jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg dans cette mesure.
Sur les frais liés à l'instance :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Revêtements Lambda, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la région Grand Est au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
28. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme que demande la société Norba Menuiserie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Norba Menuiserie le versement à la région Grand Est de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1502476 du 14 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il omet de statuer sur la responsabilité contractuelle des sociétés Lambda Revêtement et Norba Menuiserie et le jugement n° 1804812 du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en ce qu'il rejette les conclusions de la région Grand Est dirigées contre la société Norba Menuiserie sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Les conclusions de la région Grand Est sur ce fondement sont rejetées.
Article 2 : La société Norba Menuiserie est condamnée, in solidum avec la société Revêtement Lambda, condamnée par le jugement n°1804812 du 9 janvier 2020 devenu définitif sur ce point, à verser à la région Grand Est la somme de 96 125,24 euros TTC. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015. Les intérêts échus à la date du 3 août 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme globale de 7 735,46 euros par l'ordonnance du 4 avril 2013 de la présidente du tribunal de Strasbourg sont mis à la charge de la société Norba Menuiserie, in solidum avec la société Revêtement Lambda, à la charge de laquelle les dépens ont été mis par le jugement n° 1804812 du 9 janvier 2020 devenu définitif sur ce point.
Article 4 : Les jugements n°1502476 du 14 juin 2018 et n° 1804812 du 9 janvier 2020 sont réformés en ce qu'ils sont contraires au présent arrêt.
Article 5 : La société Norba Menuiserie versera à la région Grand Est une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la région Grand Est est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la région Grand Est, à la société Norba Menuiserie et à Me B..., mandataire, liquidateur de la société Revêtements Lambda.
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N°s 18NC02191, 20NC00617