Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00740, le 11 mars 2019, la commune de Fraisnes en Saintois, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 décembre 2018 seulement en tant qu'il a annulé la délibération du 28 août 2017 en tant qu'elle décide d'attribuer par bail rural les parcelles cadastrées section ZB n° 21, n° 55, n° 57 et section ZC n° 40 et n° 45 ;
2°) de mettre à la charge de M. K... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement qui lui a été notifié ne comporte aucune signature ; il devra être considéré comme irrégulier si la minute ne comporte également pas les mentions requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas accueilli sa fin de non-recevoir soulevée en première instance tirée du défaut d'intérêt à agir de M. K... à contester la légalité de l'attribution de parcelles pour laquelle il ne s'était pas porté candidat et ont méconnu leur office en retenant son intérêt à agir résultant de sa qualité d'habitant et de contribuable de la commune qu'il n'avait pas invoqué ;
- les premiers juges ont annulé la délibération en retenant le moyen non soulevé par M. K... et tiré de la méconnaissance des règles de priorité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs car, d'une part, les premiers juges ont estimé que les règles de priorité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime imposaient que les parcelles soient attribuées à M. G... et, d'autre part, ont annulé la délibération en tant qu'elle attribue les parcelles communales cadastrées section ZB n° 21 et n° 57 et section ZC n° 40 et n° 45 alors même que ces parcelles ont été attribuées à M. G... ;
- l'annulation de la délibération litigieuse est infondée car la commune a respecté les règles de priorité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2019, M. G..., représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la commune a méconnu l'article L. 411-15 alinéa 4 du code rural et de la pêche maritime car la totalité des parcelles ne lui a pas été attribuée malgré sa qualité de " jeune agriculteur " ;
- en sa qualité de seul " exploitant réalisant une installation ", la règle supplétive de la localisation de l'exploitation devait être écartée et lui seul devait se voir attribuer les parcelles et non M. H... ;
- son exploitation était bien située sur la commune de Fraisnes en Saintois puisque le GAEC de l'Altiplano qu'il intégrait était propriétaire d'un ensemble de bâtiments sur cette commune ;
- il ne ressort pas de la délibération litigieuse que celle-ci aurait mal apprécié la demande de M. K... qui aurait porté également sur d'autres parcelles ;
- la décision de vendre sur pied l'herbe de la parcelle cadastrée section ZB n° 74 n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;
- M. K... ne pouvait invoquer la présomption de bail pour la vente d'herbe et l'existence de cette présomption ne lui était pas opposable ;
- le détournement de pouvoir n'est pas établi ;
- la non évocation du montant du fermage dans la délibération ne rend pas le maire incompétent pour contracter un bail ;
- l'injonction sollicitée par M. K... ne peut être accordée par le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2020, M. K..., représenté par Me C... conclut au rejet de la requête de la commune de Fraisnes en Saintois et à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il était fondé à contester la délibération litigieuse car la délibération lui était défavorable ;
- le conseil municipal ne s'est livré à aucune étude des éventuelles situations respectives des demandeurs au regard des dispositions de l'article L. 411-15 alinéa 4 du code rural et de la pêche maritime ;
- l'exploitation de M. G... n'a pas son siège dans la commune de Fraisnes en Saintois et il ne peut donc pas revendiquer la qualité de jeune agriculteur de la commune susceptible de bénéficier de la priorité de l'article L. 411-15 du code précité sur le territoire de la commune de Fraisnes en Saintois ;
- la délibération ne peut permettre de conclure un bail rural dès lors qu'elle ne porte pas sur le montant du fermage.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00741, le 11 mars 2019, M. H..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 décembre 2018 seulement en tant qu'il a annulé la délibération du 28 août 2017 en tant qu'elle décide d'attribuer par bail rural les parcelles cadastrées section ZB n° 21, n° 55, n° 57 et section ZC n° 40 et n° 45 ;
2°) de rejeter la demande de M. K... ;
3°) de mettre à la charge de M. K... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement qui lui a été notifié ne comporte aucune signature ; il devra être considéré comme irrégulier si la minute ne comporte également pas les mentions requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'intérêt à agir de M. K... en tant qu'habitant et contribuable de la commune s'agissant de la parcelle cadastrée section ZB n° 55 alors qu'il ne s'était pas porté candidat pour l'attribution de celle-ci et qu'il a saisi le tribunal administratif en sa qualité de demandeur évincé ;
- les premiers juges ont annulé la délibération en retenant le moyen non soulevé par M. K... et tiré de la méconnaissance des règles de priorité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs car, d'une part, il a estimé que les règles de priorité de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime imposaient que les parcelles soient attribuées à M. G... et, d'autre part, a annulé la délibération en tant qu'elle attribue les parcelles communales cadastrées section ZB n° 21 et n° 57 et section ZC n° 40 et n° 45 alors même que ces parcelles ont été attribuées à M. G... ;
- la commune de Fraisnes en Saintois n'a pas méconnu l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2020, M. K..., représenté par Me C... conclut à la jonction de la requête avec celle enregistrée sous le n° 19NC00740, au rejet de la requête de la commune de Fraisnes en Saintois et à ce que la commune de Fraisnes en Saintois soit condamnée à lui verser la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il était fondé à contester la délibération litigieuse car la délibération lui était défavorable ;
- le conseil municipal ne s'est livré à aucune étude des éventuelles situations respectives des demandeurs au regard des dispositions de l'article L. 411-15 alinéa 4 du code rural et de la pêche maritime ;
- l'exploitation de M. G... n'a pas son siège dans la commune de Fraisnes en Saintois et il ne peut donc pas revendiquer la qualité de jeune agriculteur de la commune susceptible de bénéficier de la priorité de l'article L. 411-15 du code précité sur le territoire de Fraisnes en Saintois ;
- la délibération ne peut permettre de conclure un bail rural des lors qu'elle ne porte pas sur le montant du fermage.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la commune de Fraisnes en Saintois ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 août 2017, le conseil municipal de la commune de Fraisnes en Saintois a décidé de donner à bail des terrains communaux à M. G... (parcelles cadastrées section ZB n° 21 parties D et F, section ZB n° 27 (et non 57 comme indiqué par erreur) parties H et I, section ZC n° 40 et section ZC n° 45), à M. H... (parcelles cadastrées section ZB n° 55 parties A, B et C ) et de mettre en vente sur pied d'autres terrains communaux (parcelle cadastrée section ZB n° 74 parties M, A... et O), lesquels étaient auparavant exploités par un agriculteur faisant valoir ses droits à la retraite. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 19NC00740 et 19NC00741, la commune de Fraisnes en Saintois et M. H... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 décembre 2018 en tant qu'il a annulé la délibération du 28 août 2017 attribuant par bail rural les parcelles cadastrées section ZB n° 21, n° 55 et n° 27 (au lieu de 57) et section ZC n° 40 et n° 45. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par la rapporteure, par le président et par le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement que la délibération a été annulée non au motif de la méconnaissance de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime mais au motif du défaut d'examen, par le conseil municipal, des règles de priorité qu'il énonce avant que ne soit adoptée la délibération litigieuse. Or ce moyen était soulevé en page 2 de la demande de M. K.... Le tribunal n'a ainsi pas entaché son jugement d'irrégularité en retenant un moyen qui n'était pas soulevé devant lui.
4. En troisième lieu, les requérants font valoir d'une part, que le jugement est entaché d'une contradiction de motifs et que d'autre part, les premiers juges ont méconnu leur office en retenant un intérêt à agir de M. K... dont il ne se prévalait pas. Toutefois, de tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais sont seulement susceptibles d'en affecter le bien-fondé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fraisnes en Saintois et M. H... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement du 28 décembre 2018 du tribunal administratif de Nancy serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de M. K... tendant à l'annulation de la délibération du 28 août 2017 en tant qu'elle donne à bail les parcelles cadastrées section ZB n° 21, n° 55 et section ZC n° 40 et n° 45 :
6. Il ressort de la demande de M. K... que celui-ci ne s'est prévalu pour contester la délibération en litige que de sa seule qualité d'agriculteur évincé. A ce titre, alors qu'il n'appartient pas au juge de lui en substituer un autre, M. K... ne dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la délibération attribuant des parcelles communales qu'en tant qu'elle porte sur celles pour lesquelles il s'est porté candidat. Par suite, M. K..., en sa qualité d'agriculteur évincé, ne justifiait d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la délibération donnant à bail les parcelles cadastrées section ZB n° 21 et n° 55 et section ZC n° 40 et n° 45.
7. Ainsi, la commune de Fraisnes en Saintois et M. H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu la qualité à agir de M. K... pour annuler, dans l'article 1er du jugement attaqué, la délibération en tant qu'elle décide d'attribuer par bail rural les parcelles cadastrées section ZB n° 21 et n° 55 et section ZC n° 40 et n° 45. Dans cette mesure, le jugement est annulé et la demande de M. K... rejetée.
En ce qui concerne la légalité de la délibération du 28 août 2017 en tant qu'elle décide d'attribuer par bail rural la parcelle cadastrée section ZB n° 27 :
8. Aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication. Lorsque le bail est conclu à l'amiable, le prix du fermage doit être compris entre les maxima et les minima prévus à l'article L. 411-11 du présent code. (...) Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L. 331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements. ( ...) ". En application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie de plusieurs candidatures tendant à la conclusion d'un bail sur des terres lui appartenant, de vérifier si une demande doit être considérée comme prioritaire par rapport aux autres.
9. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de la motivation de la délibération en litige que le conseil municipal a décidé de donner à bail les parcelles dont celle cadastrée section ZB n° 27, et non 57 comme indiqué par erreur la délibération et le jugement en litige, sans procéder à l'examen des candidatures au regard des règles de priorité. C'est ce motif qui a conduit le tribunal à retenir le moyen du défaut d'examen. En soutenant que le conseil municipal n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, les requérants ne critiquent pas utilement le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Nancy.
10. Il résulte de ce qui précède, que la commune de Fraisnes en Saintois et M. H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 28 août 2017 en tant qu'elle décide d'attribuer par bail rural la parcelle cadastrée section ZB n° 27.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 28 décembre 2018 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a annulé la délibération du 28 août 2017 qui attribue par bail rural les parcelles cadastrées section ZB n° 21 et n° 55 et section ZC n° 40 et n° 45. La demande de M. K... tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle concerne les parcelles cadastrées section ZB n° 21 et n° 55 et section ZC n° 40 et n° 45 est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la commune de Fraisnes en Saintois et de M. H... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. K... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fraisnes en Saintois, à M. F... K..., à M. B... H... et à M. I... G....
2
N° 19NC00740 et 19NC00741