Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui octroyer les conditions matérielles d'accueil, conformément aux dispositions des articles L. 744-8 et D. 744-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut de l'enjoindre à réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée méconnaît l'article D. 744-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie s'être absenté de son lieu d'hébergement uniquement pour se rendre à la convocation de l'OFPRA et pour récupérer ses affaires personnelles ;
- elle méconnaît l'article L.744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de sa grande vulnérabilité et des pathologies rares qu'il a contractés du fait qu'il est sans domicile fixe ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît le deuxième paragraphe de l'article 13 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 juillet 2019 et le 31 mars 2021, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.
Il soutient, dans le dernier état de ses écrits, que la requête de M. B... est devenue sans objet car l'Office français de l'immigration et de l'intégration a procédé au rétablissement rétroactif du bénéfice des conditions matérielles d'accueil de M. B....
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant somalien, né le 14 février 1992, est entré, selon ses déclarations, sur le territoire français le 1er avril 2018. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et une attestation lui a été délivrée le 4 avril 2018. Il a par la suite accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 11 avril 2018 et a ainsi bénéficié d'une place en hébergement à compter du 16 avril 2018. Par une décision du 10 juillet 2018, l'OFII a suspendu les conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait. M. B... relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions d'annulation
En ce qui concerne l'exception de non-lieu :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Il ressort des termes mêmes du mémoire en défense de l'OFII que le rétablissement des conditions matérielles d'accueil de M. B... résulte de l'exécution du jugement n° 1912422, 1908328 du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a, d'une part, annulé la décision du 2 septembre 2019 de l'OFII refusant de le rétablir dans ses droits et, d'autre part, lui a enjoint de le faire à compter de la date à laquelle il en a été effectivement privé et pour la période au cours de laquelle il en a été effectivement privé, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement. Une telle exécution ne saurait en tout état de cause valoir abrogation de la décision en litige du 10 juillet 2018. La présente requête garde en conséquence son objet. Il y a lieu d'y statuer.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 10 juillet 2018 :
4. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...) La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / (...) Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Aux termes de l'article R. 744-9 du même code : " I. Les modalités de refus ou de réouverture des conditions matérielles d'accueil sont précisées par l'office lors de l'offre de prise en charge dans une langue que le demandeur d'asile comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. II.- Pour l'application du 1° de l'article L. 744-8, un demandeur d'asile est considéré comme ayant abandonné son lieu d'hébergement s'il s'en absente plus d'une semaine sans justification valable. Dès qu'une absence pouvant être considérée comme un abandon du lieu d'hébergement en application de l'alinéa précédent est constatée par le gestionnaire dudit lieu, ce dernier en informe sans délai, en application de l'article L. 744-4, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui statue sur la suspension de ses conditions matérielles d'accueil. ". Aux termes de l'article D. 744-35 du même code : " Le versement de l'allocation peut être suspendu lorsqu'un bénéficiaire : 1° A refusé une proposition d'hébergement dans un lieu mentionné à l'article L. 744-3 ; 2° Sans motif légitime, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; 3° Sans motif légitime, a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 ou s'est absenté du lieu d'hébergement sans justification valable pendant plus de cinq jours ; (...)".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'OFII a notifié à M. B... son intention de suspendre ses conditions matérielles d'accueil par un courrier en date du 6 juin 2018 qui mentionnait que l'intéressé avait abandonné son lieu d'hébergement depuis le 29 mai 2018. M. B..., par un courrier du 9 juin 2018, a précisé qu'il n'avait quitté son hébergement que le 5 juin 2018 pour se rendre à Paris afin de se présenter à son entretien devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et qu'à cette occasion, il était allé récupérer ses affaires personnelles chez un compatriote. M. B... produit à l'appui de ses allégations la copie de sa convocation devant l'OFPRA le 6 juin 2018 à 14H00 à Fontenay-sous-Bois. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant opposé une justification valable à son absence au sein de la structure d'hébergement de Saint-Dizier jusqu'au 7 juin 2018. Dès lors, l'OFII ne pouvait pas se fonder sur l'abandon du lieu d'hébergement pour suspendre les conditions matérielles d'accueil de M. B....
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Comme il a été dit au point 3 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que M. B... a été rétroactivement rétabli dans ses droits. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'OFII d'y procéder ont par suite perdu leur objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 décembre 2018 et la décision du 10 juillet 2018 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont annulés.
Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera la somme de 1 200 euros à Me A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
2
N° 19NC00562