Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2019, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
3°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
4°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois, l'ensemble sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-la compétence du signataire de cet arrêté n'est pas établie ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- cet arrêté est entaché d'erreur sur son pays d'origine et d'une insuffisance de motivation, qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- l'avis du collège des médecins de l'office français d'immigration et d'intégration n'est pas joint à cet arrêté ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale telle que protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la préfète des Deux-Sèvres demande à la cour de rejeter la requête de M. E....
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une décision du 23 janvier 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. E....
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant arménien né le 15 février 1974, déclare être entré irrégulièrement en France le 8 juillet 2006. Il a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé du 16 mai 2012 au 7 décembre 2017. Le 21 novembre 2017, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par arrêté du 3 avril 2019, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours à destination de son pays d'origine. M. E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a constaté le 23 janvier 2020 la caducité d'aide juridictionnelle de M. E.... Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ne peut qu'être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète des Deux-Sèvres a, par arrêté du 21 août 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 4 septembre 2018, donné délégation à M. Didier Doré, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Deux-Sèvres à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département, des mesures générales concernant la défense nationale et la défense opérationnelle du territoire, de la réquisition du comptable et des arrêtés de conflit. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des dispositions de droit dont il fait application ainsi que des circonstances de fait, notamment la situation familiale, personnelle et médicale de M. E..., au vu desquelles la décision a été prise. S'il indique par erreur, dans ses motifs, que le requérant serait originaire de Géorgie, la nationalité arménienne de l'intéressé est mentionnée à deux reprises. Par ailleurs, aucune disposition législative et réglementaire n'imposait au préfet de joindre à son arrêté l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont le contenu est, au demeurant, reproduit dans l'arrêté attaqué. La préfète a ainsi suffisamment, et de manière non stéréotypée, motivé la décision de refus de séjour.
5. En troisième lieu, l'ensemble des considérations de la décision montre que la préfète s'est livrée à un examen complet de la situation personnelle de M. E....
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".
7. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans un avis émis le 5 novembre 2018, a estimé que l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié. Si le requérant soutient que la pathologie dont il souffre nécessite un suivi médical, les documents produits ne sont pas suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII et de la préfète des Deux-Sèvres sur la disponibilité en Arménie des soins et traitements requis par son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il remplissait les conditions de délivrance du titre prévu au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, M. E... ne remplissant pas les conditions de délivrance du titre de séjour qu'il a demandé ainsi qu'il est dit au point précédent, la préfète des Deux-Sèvres n'était pas tenue de consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la préfète des Deux-Sèvres aurait méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'un vice de procédure.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. À l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, M. E... se prévaut d'une présence en France d'une durée de huit ans et de ses liens privés en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de 45 ans à la date de l'arrêté, est célibataire et sans enfant. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de liens dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait établi des liens forts et stables en France. Dans ces conditions, alors même qu'il justifie d'un suivi médical en France, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Cette décision n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de ses frais d'instance doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... G..., présidente-assesseure,
Mme C... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.
Le rapporteur,
Déborah B... Le président,
Dominique NAVES Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX03168 2