Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2016, Mme D...épouseB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle tendant à savoir si l'application des dispositions de l'article 29 du règlement 603/2013 implique que l'Etat membre qui prend une décision de transfert s'assure que l'Etat membre ayant donné son accord pour traiter la demande d'asile du requérant a bien délivré l'information prévue à cet article lors de la prise et de l'insertion des empreintes digitales de l'intéressé dans le système Eurodac ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 septembre 2016 ;
3°) d'annuler l'arrêté contesté ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...épouseB..., de nationalité albanaise, est entrée régulièrement en France le 8 mai 2016, accompagnée de son époux. Le 19 mai 2016, elle a sollicité auprès du préfet des Hautes-Pyrénées son admission au séjour au titre de l'asile. Informé par le système Eurodac de ce que ses empreintes digitales avaient été relevées en Allemagne en 2015, le préfet des Hautes-Pyrénées a adressé aux autorités allemandes, le 20 juin 2016, une demande de reprise en charge de l'intéressée, laquelle a été acceptée le 27 juin 2016. Par un arrêté du 8 août 2016, le préfet a décidé de remettre aux autorités allemandes la requérante. Mme B...relève appel du jugement du 2 septembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Contrairement à ce que soutient MmeB..., la circonstance que l'arrêté attaqué ne vise pas le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 n'est pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé en droit, dès lors qu'il vise en revanche le règlement susvisé (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, dont la décision de remise aux autorités allemandes fait directement application, et dont le considérant 29 fait référence au dispositif de création d'Eurodac et de comparaison des empreintes digitales.
3. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé dispose que : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ".
4. Mme B...n'est pas fondée à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure suivie au regard des dispositions de l'article 5 du règlement précité dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que l'entretien individuel prévu par ces dispositions se serait déroulé en présence de son époux et, d'autre part, que l'intéressée ne se prévaut en tout état de cause d'aucun élément qui, en pareille circonstance, l'aurait empêché d'évoquer librement sa situation et l'aurait en conséquence privé d'une garantie.
5. L'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux autorités compétentes des Etats membres d'informer le demandeur d'asile sur l'application du règlement, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend, en utilisant la brochure commune rédigée par la Commission européenne.
7. Le préfet a produit en première instance une attestation, signée en particulier par MmeB..., de remise à l'intéressée le 19 mai 2016, avant son entretien en préfecture fixé au 7 juin 2016, du guide du demandeur d'asile, ainsi que des brochures d'information " Les empreintes digitales et Eurodac ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " et figurant en annexe au règlement (UE) du 30 janvier 2014, en langue albanaise. Par suite, le tribunal administratif, a pu, à bon droit, écarter le moyen invoqué par Mme B...tiré du défaut d'information.
8. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la requérante s'est vu remettre, le 19 mai 2016, par les services de la préfecture, le guide relatif aux données traitées par Eurodac établi par la Commission comportant les informations mentionnées aux dispositions précitées, dans sa version en langue albanaise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
10. Le guide du demandeur d'asile en France remis à Mme B...comprend tous les droits des demandeurs d'asile, en particulier en matière de logement, d'allocation pour demandeur d'asile qui a remplacé l'allocation temporaire d'attente, d'accès aux soins et au marché du travail. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. Enfin, et sans qu'il soit besoin de poser à cet égard une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, aucun texte communautaire ou de droit interne n'exigeait des autorités françaises qu'elles procèdent auprès des autorités allemandes à une vérification de l'application de l'obligation d'information telle que prévue par l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que les droits fondamentaux de Mme B... n'ont pas été garantis dès lors que le préfet n'a pas contrôlé si l'Allemagne avait délivré à l'intéressée l'information exigée par le règlement communautaire précité doit être écarté.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
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N° 16BX03263