Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a été édictée en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant puisqu'elle entraînera la séparation des enfants de leur père ;
- la décision d'assignation à résidence est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement ; le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation personnelle avant de prendre cette décision ; le préfet a pris une mesure disproportionnée, en méconnaissance de la directive 2008/115/CE, dès lors qu'il réside depuis dix ans en France où vivent ses deux enfants ainsi que son épouse et qu'il dispose d'une adresse connue ; le détournement de pouvoir est avéré.
Par ordonnance du 9 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2017 à 12h00.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2017, soit après la clôture de l'instruction, le préfet du Tarn a conclu au rejet de la requête de M.B....
Par une décision du 12 janvier 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 14 décembre 2016 par M.B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sylvie Cherrier, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité marocaine, né le 1er septembre 1977, est entré régulièrement en France le 27 octobre 2006 sous le couvert d'un visa de long séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable jusqu'au 10 mars 2007. A la suite de son mariage avec une ressortissante française, il a présenté, le 28 mars 2010, une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français qui a été rejetée, faute pour l'intéressé d'avoir justifié d'une communauté de vie de six mois. Le 21 août 2014, après un remariage avec une ressortissante française, il a sollicité de nouveau la délivrance d'un titre de séjour, qui a été également rejetée. Le 15 janvier 2016, il a formulé une demande de titre de séjour en tant que parent d'enfant français. Le préfet du Tarn a pris à son encontre, le 14 juin 2016, un arrêté portant refus de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Il a, par ailleurs, ordonné l'assignation à résidence de l'intéressé par un arrêté du 11 octobre 2016. M. B...relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 14 juin 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec fixation du pays de renvoi, et de la décision du 11 octobre 2016 l'assignant à résidence.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour :
2. En se bornant à renvoyer à ses moyens de première instance pour invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement, M. B...ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs commises par le tribunal administratif en rejetant ses conclusions sur ce point. Il y a lieu par suite de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l'appui de la demande d'annulation de la mesure d'éloignement :
3. La décision en litige, qui n'avait pas à relater tous les éléments caractérisant la situation personnelle de M.B..., énonce de manière suffisamment précise les motifs de fait et de droit qui la fondent, en particulier la situation administrative et familiale de l'intéressé. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
4. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. B....
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2006, qu'il a de fortes attaches familiales sur le territoire national, en particulier son épouse, de nationalité française, et leurs deux enfants ainsi que son père et son frère. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas de sa présence habituelle sur le territoire national depuis dix ans. Le caractère irrégulier de son séjour est, en outre, constant à partir du mois de mars 2007. Par ailleurs, la vie de couple, dont le caractère stable n'est pas démontré, présentait une ancienneté inférieure à un an à la date de la décision attaquée, à laquelle doit s'apprécier la situation du requérant. De plus, les pièces versées au dossier sont insuffisantes pour justifier de la reprise de sa vie maritale. Il n'apporte pas la preuve, par les documents qu'il produit en appel, s'agissant notamment des attestations établies par des connaissances ou son épouse, toutes postérieures à la mesure d'éloignement, qu'à la date de celle-ci il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille alors que sa femme avait soutenu le contraire dans des documents précédents. S'il affirme avoir eu, le 25 septembre 2016, un fils, la naissance de cet enfant est postérieure à l'édiction de l'arrêté attaqué et ne peut donc être prise en compte pour apprécier la légalité de cet arrêté. Le requérant ne démontre par ailleurs pas avoir tissé d'autres liens personnels d'une intensité particulière depuis son arrivée en France et ne conteste pas n'y avoir exercé aucune activité professionnelle en dehors de l'emploi qu'il a occupé en 2006, pendant une durée de deux mois, en qualité de travailleur saisonnier. Enfin, il ne prétend pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent à tout le moins ses deux soeurs et où il a lui-même séjourné jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux but en vue desquels elle a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, la mesure d'éloignement en litige ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur du premier enfant que M. B...a eu avec son épouse, ni en tout état de cause à celui du deuxième enfant qui n'était pas encore né à la date de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit par suite être écarté.
Sur l'assignation à résidence :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposés par le préfet du Tarn.
10. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué que la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre n'aurait pas été précédée d'un examen circonstancié de sa situation personnelle.
11. Il est constant que M. B...n'a pas exécuté dans le délai prescrit la mesure d'éloignement édictée à son encontre le 14 juin 2016 et a clairement manifesté son intention de se maintenir en France, en particulier au cours de son audition du 11 octobre 2016 par les services de gendarmerie. Par suite, la mesure d'assignation à résidence en litige était nécessaire à la préparation de son retour et ne présente pas un caractère disproportionné au regard de sa situation personnelle et familiale, telle qu'elle a été décrite au point 6.
12. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le détournement de pouvoir allégué par le requérant n'est pas établi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi que comporte l'arrêté du 14 juin 2016 et de l'arrêté du 11 octobre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'il a présentées ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIER
Le président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03377