Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2020, Mme E..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence de 1 an portant la mention vie privée et familiale ou à défaut réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'eu égard à la gravité de son état de santé, l'absence d'une prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier en Algérie, son pays d'origine, d'un traitement approprié en raison de l'indisponibilité de médicaments qui lui sont prescrits et des défaillances des services hospitaliers dans la prise en charge des patients ;
- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 novembre 2020, le préfet de la région Occitanie conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse E..., ressortissante algérienne née le 2 mai 1952, est entrée en France, le 18 février 2016, sous couvert d'un visa valable du 10 décembre 2015 au 6 juin 2016. Elle a sollicité, le 4 août 2016, son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Elle relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par décision du 9 avril 2020, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Les conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur le refus de certificat de résidence :
3. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...). / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) ; / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...). ".
4. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...). ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration(OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Le collège de médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 24 novembre 2017 que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme E... peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. S'il est constant que Mme E... est atteinte d'un cancer du sein ayant nécessité, au cours de l'année 2016, une intervention chirurgicale suivi d'une chimiothérapie adjuvante et que son état de santé actuel nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les certificats médicaux établis les 30 mars et 17 juin 2016, les 13 et 19 septembre 2017 et ceux établis les 9 janvier et 5 mars 2020, qui sont postérieurs à la décision contestée, ne comportent aucun élément sur l'impossibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Au surplus, le document relatif au tableau des offres de soins en Algérie indique qu'en 2006 le traitement par hormonothérapie dont elle a besoin était déjà disponible dans toutes les grandes villes de ce pays. Aucune des pièces du dossier ne permet de remettre en cause les conclusions de l'avis émis le 24 novembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celui tiré de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du point 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme D... C..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. G... F..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
La présidente,
Evelyne C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01774