Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif I... en tant qu'il annule l'arrêté du 27 décembre 2019 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé, dans cette mesure, l'arrêté du 27 décembre 2019 en estimant qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que, si M. B... a introduit une action en contestation de paternité pour établir qu'il est le père d'une enfant française, il n'apporte toutefois pas de preuve de liens particulièrement intenses avec cette jeune enfant qui a été placée par le tribunal des enfants I... auprès du Conseil Général, et pour laquelle il ne dispose d'aucun droit de visite et d'hébergement.
Par ordonnance du 18 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2021 à 12 heures.
Un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été produit pour M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de nationalité nigériane né le 10 janvier 1987, déclare être entré en France le 3 mars 2010. Plusieurs titres de séjour lui ont été délivrés en raison de son état de santé, sur le fondement de 1'article L. 313-11-11° du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le dernier était valable jusqu'au 3 janvier 2017. Par arrêté du 3 août 2017, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 14 décembre 2017, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 27 décembre 2019, la préfète de la Gironde a de nouveau rejeté la demande de titre de séjour de M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par un jugement du 20 juillet 2020, le tribunal administratif I... a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination. Le préfet de la Gironde relève appel de ce jugement.
2. Pour annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 du préfet de la Gironde en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination, le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
3. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément d'une déclaration en reconnaissance de paternité en date 20 octobre 2014 et d'un acte de naissance rédigé le 23 juin 2015 par un officier d'état civil de la mairie I... qu'un lien de filiation a été établi entre M. C..., de nationalité française, et la jeune D... née le 27 février 2015. M. B..., qui n'a pas, compte tenu de cette situation, pu procéder, comme il le souhaitait, à une reconnaissance de paternité de l'enfant le 07 avril 2015, soit deux mois seulement après la naissance de l'enfant, a introduit, le 10 février 2016, une action en contestation de paternité devant le tribunal de grande instance I... afin d'établir qu'il est le véritable père de l'enfant. L'instruction de sa demande a conduit à la réalisation d'un test génétique révélant avec un degré de certitude de 99,999 % que M. B... est effectivement le père génétique de l'enfant. Dans cette même instance, le ministère public estime que M. B... doit être regardé comme le père biologique de l'enfant. En outre, alors même qu'il existe ce faisant un degré de vraisemblance très important que M. B... soit le père de cette enfant, il n'a jamais été mis en mesure de pouvoir contribuer à l'entretien et l'éducation de celle-ci en l'absence d'établissement d'un lien de filiation transcrit dans les registres de l'état civil et du comportement de la mère de l'enfant qui s'est opposée à sa démarche. Un jugement du 25 avril 2019 du tribunal des enfants I... qui maintient le placement de l'enfant auprès du président du conseil général de la Gironde prononcé par un jugement antérieur du 6 mars 2018 refuse d'ailleurs à M. B..., tout droit de visite de l'enfant au seul motif que le lien de filiation n'est pas établi. Ce même jugement fait aussi état des carences de la mère de l'enfant (prostitution, incarcération) qui ont justifié, dès le 6 mars 2018, une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert dans le cadre d'une prise en charge mère-enfant en centre maternel puis à compter du 25 avril 2019, compte de la fuite de la mère de ce centre maternel, un placement de l'enfant avec droit de visite de la mère en présence d'un tiers. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'intérêt supérieur de cette enfant implique que son père puisse demeurer sur le territoire français dans l'attente de l'aboutissement de son action judiciaire devant le tribunal de grande instance I... et la décision du juge des enfants quant aux droits pouvant être reconnus à M. B... à son égard.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif I... a annulé, pour le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'arrêté du 27 décembre 2019 en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme F... E..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. G... H..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
La présidente,
Evelyne E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02461