Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2020, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 juillet 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour assortie de l'autorisation de travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à défaut d'aide juridictionnelle, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions du seul article L .761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :
- la motivation de cette décision révèle que des faits indispensables n'ont pas été pris en compte et l'absence d'examen sérieux de sa situation ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle va avoir sur sa situation personnelle ; elle réside en France depuis quatre ans avec sa mère et ses soeurs, a poursuivi ses études avec succès et serait contrainte de retourner en Algérie où elle serait sujette aux violences familiales de sa famille paternelle et contrainte à un mariage forcé ;
- cette décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale normale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle est fondée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne le pays de destination :
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle est fondée ;
- la motivation de l'arrêté révèle que des faits indispensables n'ont pas été pris en compte et révèle l'absence d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions combinées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 15 novembre 1999, est entrée en France le 15 septembre 2016, sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 6 avril 2016 au 1er octobre 2016 en compagnie de sa mère et de ses soeurs. Elle a déposé le 4 juin 2018 une demande d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Elle relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par décision du 29 octobre 2020, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Les conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont donc devenues sans objet.
Sur le refus de certificat de résidence :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 511-1, L. 513-1 à L. 513-4. L'arrêté précise ensuite les conditions de l'entrée et du séjour en France de la requérante, qu'elle est entrée en France le 15 septembre 2016, sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour en compagnie de sa mère et ses soeurs et qu'elles se sont maintenues illégalement sur le territoire national, que sa mère fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et ne dispose pas de son propre logement ni d'aucune perspective d'insertion professionnelle sur le territoire ou de ressources autonomes. Il mentionne enfin qu'elle est célibataire, sans charge de famille et n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle pourra poursuivre sa scolarité. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressée, a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 23 juillet 2019.
4. En deuxième lieu, malgré l'erreur de plume commise sur le nom de l'intéressée au 9e considérant de l'arrêté contesté, il ne ressort ni de la motivation de cette décision ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait omis de procéder à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressée.
5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Si Mme C... fait valoir qu'elle est bien intégrée en France où résident sa mère et ses soeurs et qu'elle poursuit des études supérieures, il est constant qu'elle est entrée récemment en France à l'âge de 17 ans et que le bon déroulement de sa scolarité et son inscription à l'université ne sauraient démontrer que le centre de sa vie privée et familiale se trouve en France alors que l'intéressée, qui est célibataire et sans charge de famille, a vécu la quasi-totalité de sa vie en Algérie où réside encore le reste de sa famille et où sa mère, qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et ses soeurs mineures ont vocation à retourner. Elle soutient également qu'elle a quitté l'Algérie pour échapper à l'emprise de son grand-père paternel, lequel l'aurait empêchée de faire des études et lui aurait imposé un mariage mais n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. De plus, si une ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse du 25 juin 2019 a confié à la mère de Mme C..., l'exercice exclusif de l'autorité parentale, l'intéressée était majeure à la date de la décision. Dans ces conditions, eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de Mme C..., la décision attaquée ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'est donc pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, pour les mêmes motifs, entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, la décision de refus de certificat de résidence n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement prise sur son fondement serait dépourvue de base légale doit être écarté.
8. En second lieu, pour les motifs retenus au point 6, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de la mère de Mme C... rende nécessaire la présence de cette dernière à ses côtés ou l'empêche de la suivre dans son pays d'origine ni que l'intéressée ne pourrait poursuivre ses études dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité que l'obligation de quitter le territoire français serait susceptible d'emporter sur sa situation, doivent être écartés.
Sur le pays de destination :
9. En premier lieu, aucun des moyens dirigés contre la mesure d'éloignement n'est fondé. Par suite, Mme C... ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester celle fixant le pays de renvoi.
10. En deuxième lieu, l'arrêté critiqué retient que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines· ou traitements personnels réels et actuels contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il vise l'article 3, en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressée, a suffisamment motivé en droit et en fait la décision fixant le pays de destination. Il ne ressort ni de la motivation de cette décision ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait omis de procéder à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressée.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Mme C..., qui n'a pas fait de demande au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, fait valoir que compte tenu de l'opposition de son grand-père paternel à ce qu'elle poursuive des études et au projet de mariage qu'il entend lui imposer, un retour dans son pays d'origine l'exposerait à une atteinte grave à sa liberté. Toutefois dès lors qu'elle avait atteint l'âge de la majorité à la date de la décision attaquée, qu'elle n'établit ni la réalité ni l'actualité des risques qu'elle allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera communiquée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme D... B..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. G... F..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
La présidente,
Evelyne B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02641