Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 6 mars 2020, la SARL Fernando et compagnie, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 mai 2019 ;
2°) d'annuler la délibération de la commune de Roques-sur-Garonne du 2 novembre 2016 portant approbation de la 4ème révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, en tant qu'elle classe en zone Nce les parcelles cadastrées section AT n° 148 et section AS n°284, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de procéder à un nouveau classement des parcelles susvisées dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Roques-sur-Garonne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération contestée en ce qu'elle a classé en zone Nce la parcelle cadastrée section AT n° 148 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; ce classement est incohérent en raison de la vocation économique de la parcelle et au regard des droits que la société appelante a acquis pour aménager cette parcelle ; ce classement est en contradiction avec la volonté de la commune, dans une perspective de développement économique et de loisirs, de spécialiser chaque zone " en fonction des activités aujourd'hui existantes " ; l'objectif de préservation de la richesse écologique de la parcelle qui est comprise dans une zone Natura 2000 et qui a été classée en zone naturelle d'intérêts écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) est parfaitement conciliable avec sa valorisation à travers des activités de loisirs compatibles et cette valorisation implique que la parcelle litigieuse soit classée dans le secteur (élargi) Nla de la zone naturelle destiné à l'accueil de constructions et installations liées à la promotion d'un lac, de la pêche et de l'environnement ;
- la délibération contestée en ce qu'elle a classé en zone Nce la parcelle cadastrée section AS n° 284 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette parcelle ne bénéficie pas d'une protection spécifique telle que zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ou Natura 2000 ; elle ne peut pas être regardée comme assurant une continuité aquatique au niveau des cours d'eau et de leur ripisylve ; enfin, son classement en zone Nce ne s'appuie pas sur la volonté de protéger une partie de la zone des Lacs en cohérence avec les prescriptions du Scot ; ce classement est incohérent, dès lors que cette parcelle est contigüe sur deux côtés à des zones urbaines avec lesquelles elle forme un ensemble homogène, qu'elle est desservie par les mêmes voies publiques et qu'elle est raccordée aux réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement ; à ce titre elle est incluse dans un secteur potentiel de densification urbaine et a vocation à être classée en zone AU ;
- le principe d'égalité de traitement a été méconnu en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AS n° 284.
Par mémoires en défense enregistrés le 20 novembre 2019 et le 13 mars 2020, la commune de Roques-sur-Garonne, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Fernando et compagnie une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... C...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la SARL Fernando et compagnie.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 28 novembre 2012, le conseil municipal de la commune de Roques-sur-Garonne a prescrit la 4ème révision de son plan local d'urbanisme (PLU). Après l'enquête publique qui s'est déroulée du 30 mai 2016 au 1er juillet 2016, et à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable sans réserve ni recommandation, le conseil municipal par délibération du 2 novembre 2016 a approuvé la 4ème révision de son PLU. Par un courrier du 23 décembre 2016, la SARL Fernando et compagnie a formé un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération en tant qu'elle classe en zone Nce la parcelle cadastrée section AT n° 148, dont elle est locataire, et la parcelle cadastrée section AS n° 284, dont elle est propriétaire. Ce recours gracieux a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La SARL Fernando et compagnie relève appel du jugement n° 1701850 du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération de la commune de Roques-sur-Garonne en date du 2 novembre 2016 portant approbation de la 4ème révision du PLU de la commune, en tant qu'elle classe en zone Nce les parcelles cadastrées section AT n° 148 et section AS n° 284, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Les auteurs du plan peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir.
4. En l'espèce, il résulte du préambule aux dispositions applicables à la zone N du règlement du PLU que la commune de Roques-sur-Garonne a décidé de distinguer des secteurs au sein de la zone N, notamment un secteur Nce, correspondant " aux secteurs à protéger en raison de leur rôle de continuités écologiques ", et un secteur Nla " de taille et de capacité d'accueil limité, destiné à l'accueil de constructions et installations liées à la promotion du Lac de Lamartine, de la pêche et de l'environnement ". Par ailleurs, selon l'article N-2 du règlement, le classement en secteur Nce est un secteur de protection stricte qui n'autorise que " les ouvrages et installations techniques nécessaires au fonctionnement des services publics et réseaux existants ".
5. En premier lieu, la SARL Fernando et compagnie, qui est locataire de la parcelle n° AT 148, située dans la zone appelée la " zone des lacs " ou " des anciennes gravières ", laquelle comprend d'ailleurs un plan d'eau, conteste le classement de cette parcelle en zone Nce. Elle soutient que ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard, tout d'abord, aux droits qu'elle aurait acquis du fait de la délivrance en 2005 d'une autorisation tacite d'installation et de travaux divers sur cette parcelle afin de réaménager une ancienne gravière et notamment de remblayer une partie en eau pour aménager une zone de pêche. Elle estime ensuite que ce classement serait en contradiction avec la volonté de la commune exprimée dans le rapport de présentation de la révision du plan local d'urbanisme de novembre 2016, en ce qu'il préconise de spécialiser chaque zone en fonction des activités aujourd'hui existantes. A cet égard, la société appelante considère que l'objectif de préservation de la richesse écologique de la parcelle, qui est comprise dans une zone Natura 2000 et qui a été classée en zone naturelle d'intérêts écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), est parfaitement conciliable avec la valorisation de sa parcelle à travers des activités de loisirs compatibles ce qui implique, selon elle, le classement de la parcelle litigieuse non en secteur Nce mais en secteur Nla de la zone naturelle, destiné à l'accueil de constructions et installations liées à la promotion d'un lac, de la pêche et de l'environnement.
6. Cependant, le propriétaire ou le locataire d'un terrain ne bénéficie d'aucun droit acquis au maintien d'un classement antérieur. Dès lors, la SARL Fernando et compagnie ne saurait se prévaloir d'une autorisation d'aménagement antérieurement délivrée pour contester le classement de la parcelle en litige. Par ailleurs, si la société appelante fait valoir que le classement de la parcelle n° AT 148 serait contradictoire avec le rapport de présentation du PLU qui préconise de tenir compte " des activités existantes ", il est constant qu'elle n'a pas mis en oeuvre l'autorisation délivrée plus de 10 ans auparavant et qu'elle n'exerce aucune activité qui pourrait lui permettre de revendiquer le classement en zone Nla. Il n'est enfin pas contesté et ressort des pièces du dossier que la parcelle, couverte partiellement par un plan d'eau, est en zone Natura 2000 et en ZNIEFF et qu'elle assure une continuité entre deux secteurs naturels plus vastes à l'est et à l'ouest même si elle est contigüe de l'autoroute A 64 et d'une zone urbanisée respectivement au sud et au nord. Dès lors, la SARL Fernando et compagnie n'est pas fondée à soutenir que le classement de la parcelle n° AT148 en secteur Nce au sein de la zone naturelle serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. C'est par suite, à juste titre que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a écarté ce moyen.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". La requérante soutient que le classement de la parcelle AT 148 est contraire avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) indiquant que l'objectif à long terme de la commune est de maintenir la dynamique économique du territoire en valorisant la zone des lacs " à travers des usages diversifiés dont notamment des activités de loisirs compatibles avec la richesse naturelle du site ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du PADD, que cette parcelle et celles qui sont contigües sont identifiées comme un noyau de biodiversité à préserver et valoriser et que la possibilité d'exercer des activités de loisirs compatibles avec les zones naturelles dans la zone des Lacs ne concerne pas l'ensemble de cette zone, où des usages diversifiés sont préconisés, mais le site de Lamartine. Par suite, et alors qu'il n'est pas démontré que ce choix serait insuffisant au regard des objectifs du PADD, le moyen doit être écarté.
8. En troisième lieu, la SARL Fernando et compagnie conteste également le classement en zone Nce de la parcelle n° AS 284, dont elle est propriétaire. Elle soutient que ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où celle-ci ne correspondrait à aucun des motifs avancés dans le rapport de présentation pour justifier ce classement. Elle estime, en effet, que cette parcelle qui ne bénéficie pas d'une protection spécifique telle que l'inscription en ZNIEFF ou Natura 2000 ne peut également pas être regardée comme assurant une continuité aquatique au niveau des cours d'eau et de leur ripisylve. En outre, la société appelante fait valoir que le classement en Nce de cette parcelle est incohérent, dès lors qu'elle est contigüe sur deux côtés à des zones urbaines avec lesquelles elle forme un ensemble homogène, qu'elle est desservie par les mêmes voies publiques et raccordée aux réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement. En conséquence, la société estime qu'elle est incluse dans un secteur potentiel de densification urbaine et a vocation à être classée en zone AU.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle litigieuse ne dispose d'aucune construction et demeure ainsi à l'état naturel. De forme triangulaire, cette parcelle de faible superificie n'est contigüe à une zone urbanisée classée en zone UC, laquelle est limitée à l'habitat existant sans extension, que sur sa partie Nord. Au demeurant la parcelle en litige n'est pas identifiée par les documents graphiques du PADD comme secteur de densification de l'urbanisation. De plus, il ressort des pièces du dossier que le lac situé sur le terrain voisin, classé en zone Natura 2000, est encerclé par l'urbanisation et par la RD64 et qu'ainsi, il apparait justifié, au regard des orientations du PADD ainsi que du rapport de présentation, d'en assurer sa préservation par le maintien de la parcelle AS n° 284 en zone naturelle Nce, alors même qu'elle serait desservie par les différents réseaux publics. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le classement de cette parcelle doit être écarté.
10. Enfin, la SARL Fernando et compagnie invoque la violation du principe d'égalité de traitement résultant du classement de la parcelle cadastrée section AS n° 284 en faisant valoir que certaines parcelles non bâties, ne bénéficiant d'aucune protection spécifique et incluses dans le secteur potentiel de densification, ont été classées en zone AU. Toutefois, le classement de cette parcelle n'étant entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, une telle circonstance n'est pas de nature à démontrer la rupture d'égalité alléguée, alors au demeurant que ces parcelles ne présentent pas les mêmes caractéristiques que la parcelle en cause.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Fernando et compagnie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la délibération de la commune de Roques-sur-Garonne en date du 2 novembre 2016 portant approbation de la 4ème révision du PLU de la commune, en tant qu'elle classe en zone Nce les parcelles cadastrées section AT n° 148 et section AS n° 284, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Roques-sur-Garonne, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la SARL Fernando et compagnie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Roques-sur-Garonne sur le fondement des mêmes dispositions du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Fernando et compagnie est rejetée.
Article 2 : La SARL Fernando et compagnie versera à la commune de Roques-sur-Garonne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Fernando et compagnie et à la commune de Roques-sur-Garonne.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente,
M. E... C..., président-assesseur,
M. Gueguein, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
La présidente,
Evelyne A...
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03237