Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 13 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une autorisation de travail ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande d'autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande n'a pas fait l'objet d'une instruction sérieuse ;
- la décision contestée méconnaît l'article R. 5221-20 du code du travail ; la préfète de la Gironde a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son employeur ne justifiait pas de recherches pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ;
- cette décision méconnaît les articles R. 5221-3 et R. 5220-20 du code du travail ainsi que l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 mai 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... G..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1979, est entré sur le territoire français en novembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour et a obtenu une première carte de séjour temporaire en qualité de travailleur saisonnier valable du 29 août 2016 au 28 août 2017. Par décision du 2 mai 2018, la préfète de la Gironde a refusé l'autorisation de travail sollicitée par la société Jait Multiservices au bénéfice de M. B... et par arrêté du 20 août 2018, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à ce dernier un titre de séjour mention " salarié " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité. Par deux jugements du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mai 2018 et l'arrêté du 20 août 2018 et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa situation. Par une décision du 13 février 2019 la préfète de la Gironde a de nouveau refusé de lui délivrer une autorisation de travail. M. B... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 8 janvier 2019, la préfète de la Gironde a informé l'avocat de M. B... qu'elle procédait, en application de l'injonction prononcée à son égard par le jugement du 12 décembre 2018, à une nouvelle instruction de sa demande d'autorisation de travail et lui a demandé de lui faire parvenir sous quinzaine les documents permettant d'actualiser son dossier. Le délai de 15 jours ainsi accordé à l'étranger pour actualiser son dossier de demande est raisonnable. La circonstance que la préfète de la Gironde ait édicté la décision attaquée du 13 février 2019 le jour même où elle a accusé réception d'un courrier que lui a adressé l'avocat de M. B... dans lequel il transmet la nouvelle promesse d'embauche et le formulaire d'autorisation de travail nécessaire au réexamen de la demande de M. B... ne révèle pas qu'elle n'a pas procédé de façon régulière à une nouvelle instruction de son dossier alors d'ailleurs que la décision contestée fait état aussi d'une information portée à la connaissance de l'administration par la mutualité sociale agricole le 31 janvier 2019.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre.
4. Aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". L'article R. 5221-20 du même code dispose enfin que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale (...). ".
5. D'une part, l'autorisation de travail demandée au bénéfice de M. B... par la société " Jait Multiservices " qui intervient dans le domaine de la vinification portait sur un emploi d'ouvrier agricole, sous contrat à durée indéterminée. Pour refuser de délivrer l'autorisation de travail sollicitée, la préfète de la Gironde a relevé que cette société ne respectait pas la législation sur le travail car elle a employé M. B... à compter du 1er décembre 2017 alors qu'elle n'avait pas encore obtenu d'autorisation de travail, que l'entreprise ne justifiait pas des recherches accomplies auprès de pôle emploi pour pourvoir le poste offert à l'intéressé dès lors que l'offre d'emploi n'a été déposée que le 5 février 2018, qui plus est pour un contrat à durée déterminée, alors que le contrat proposé à M. B... est un contrat à durée indéterminée et enfin que l'employeur n'avait pas respecté la législation relative à la protection sociale faute d'être à jour de ses cotisations sociales pour l'année 2018 auprès de la mutualité sociale agricole. Contrairement, à ce que soutient le requérant, la préfète de la Gironde ne s'est pas fondée, pour édicter la décision attaquée sur le motif tiré de ce que M. B... n'aurait pas respecté son engagement de maintenir sa résidence habituelle hors de France.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la société " Jait Multiservices " ne justifie que de deux offres d'emploi infructueuses déposées le 4 juillet 2017 et le 5 février 2018 pour des contrats à durée déterminée, respectivement de 3 mois et de 4 mois, et que l'attestation de l'agence de pôle emploi de Libourne produite par M. B..., qui indique qu'une nouvelle offre déposée le 14 janvier 2019 par la société Jait Multiservices pour 5 ou 6 postes de tailleur de vigne n'a pas été pourvue, ne précise pas que le contrat proposé est à durée indéterminée. Il s'en suit que les offres de travail proposées par l'employeur de M. B... sur le marché de l'emploi ne portent que sur des contrats à durée déterminée, de nature différente du contrat à durée indéterminée proposé à M. B.... La préfète de la Gironde n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'employeur de M. B... ne justifiait pas des recherches accomplies pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail au poste offert au requérant. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas que la société Jait Multiservices n'était pas à jour, au 31 janvier 2019, des cotisations qu'elle devait à la mutualité sociale agricole.
7. Enfin, si la préfète de la Gironde ne pouvait sans commettre d'erreur de droit se fonder sur le motif tiré de ce que la société " Jait Multiservices " ne respecte pas la législation sur le travail car elle a employé M. B... à compter du 1er décembre 2017 alors qu'elle n'avait pas obtenu d'autorisation de travail de la DIRECCTE Gironde, dès lors que M. B... était titulaire, à cette date, d'un récépissé valable du 9 août 2017 au 27 février 2018 l'autorisant à travailler et que ce motif de refus a d'ailleurs été censuré par le jugement précité du tribunal administratif de Bordeaux du 12 décembre 2018, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que les deux autres motifs énoncés au point 6.
8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions des articles R. 5221-3 et R. 5220-20 du code du travail ainsi que l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la société Jait Multiservices l'avait employé dans des conditions irrégulières à compter du 15 décembre 2017 est inopérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation de travail. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... C..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. F... G... premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
La présidente,
Evelyne C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01295