Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2016, M.A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Cesso, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention du 31 juillet 1993 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo ;
- l'accord du 25 octobre 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité congolaise (République du Congo), relève appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 7 septembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-14 et du 7° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 susvisée : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ (...) / 2. D'un contrat de travail visé par le ministère du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. ". Aux termes de l'article 2.2.3 de l'accord franco-congolais du 25 octobre 2007 susvisé : " La carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire est délivrée sans que soit prise en compte la situation de l'emploi au ressortissant congolais titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente dans les métiers énumérés ci-après : (...) ". L'article 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique : " sous réserve des conventions internationales ".
4. Il résulte des dispositions précitées que la demande de titre de séjour mention " salarié " déposée par M. A...devait être examinée au regard des dispositions de l'article 2.2.3 de l'accord franco-congolais du 25 octobre 2007.
5. En s'abstenant de se référer aux stipulations de l'accord franco-congolais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement du 25 octobre 2007, le préfet de la Gironde a, à tout le moins, entaché son refus de séjour d'insuffisance de motivation.
6. En second lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. Ainsi qu'il a été rappelé, le préfet était saisi d'une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " et d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. S'il a effectivement motivé l'absence d'éléments permettant à M. A... de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour de ce dernier au titre de la vie privée et familiale, le préfet, en s'étant borné à relever que le contrat de travail présenté par M. A... ne suffisait pas à établir que sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels, ne peut pas être regardé comme ayant suffisamment motivé le rejet de la demande de régularisation au regard des exigences rappelées au point 6.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 7 septembre 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période d'instruction, M. A...sera muni d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cesso, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Cesso de la somme de 1 500 euros.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1600014 du 1er mars 2016 et l'arrêté du 7 septembre 2015 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce délai de réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Cesso une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
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N° 16BX02054