Par une requête enregistrée le 2 janvier 2017, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n°1602583 du 4 novembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2015 du préfet de la Haute-Garonne ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire " étudiant " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le jugement :
- le jugement du tribunal administratif de Toulouse est irrégulier dès lors que son mémoire en réplique produit le 7 octobre 2016 n'a été ni visé ni pris en compte par les premiers juges alors même qu'il contenait des pièces dont la prise en compte aurait eu pour effet de modifier le sens du jugement ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en fait et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant qu'elle n'apportait la preuve ni d'une progression dans ses études, ni du sérieux et du caractère effectif de celles-ci ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est dépourvue de base légale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle entraine sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L.313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il réitère ses observations de première instance et soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 1er décembre 2016.
Par une ordonnance du 23 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante gabonaise, née le 31 mai 1984, est entrée en France le 24 septembre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour au titre des études. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant régulièrement renouvelée entre le 1er octobre 2013 et le 30 septembre 2015. Par un arrêté en date du 24 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 4 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Préalablement à l'enregistrement de sa requête le 2 janvier 2017, Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 1er décembre 2016. Par suite, sa demande tendant à être admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle est irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". L'article R. 613-1 du même code, auquel renvoie l'article R. 776-11, prévoit que : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...). ". L'article R. 613-3 de ce code ajoute que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".
4. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.
5. Postérieurement à la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif, fixée au 9 septembre 2016, Mme A...a produit un mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal le 7 octobre 2016. Les visas du jugement ne font pas mention de ce mémoire. Le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité.
6. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, la décision portant refus de séjour relève que la requérante s'est inscrite au titre de l'année universitaire 2013-2014 en master 2 " chimie des polymères et surfaces " à l'université de Rouen, sans succès, que par la suite elle s'est inscrite trois fois en master 2 " chimie fondamentale appliquée " à l'université de Toulouse dont seul un semestre a été validé, qu'elle n'établit pas le caractère réel et sérieux de ses études et qu'elle perçoit une somme de 479,57 euros au titre du revenu de solidarité active. Le préfet ajoute qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou des traitements personnels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale. Dans ces conditions, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressée, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention susvisée conclue le 2 décembre 1992 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants gabonais doivent posséder un titre de séjour. (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. " ; qu'aux termes de l'article 12 de ladite convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France ".
10. Il ressort des pièces du dossier que MmeA..., titulaire d'une maîtrise validée au Gabon, s'est inscrite au titre de l'année universitaire 2012-2013 en master 2 " chimie des polymères de surface " à l'université de Rouen, qu'elle n'a pas obtenu, qu'elle s'est inscrite à la rentrée universitaire de 2013 en master 2 " chimie fondamentale appliquée " à l'université de Toulouse dont elle a n'a validé que le premier semestre et qu'elle s'est inscrite dans le même master au titre des deux années universitaires suivantes sans obtenir de résultat. Dans ces conditions, en l'absence de progression de Mme A...dans son parcours universitaire à la date de la décision contestée, et en dépit de la production, postérieure à l'arrêté attaqué, d'un relevé de notes du 21 juillet 2016 indiquant de la validation du master 2 au terme de l'année universitaire 2015-2016, le préfet de la Haute-Garonne a pu décider, sans méconnaître les dispositions précitées et entacher sa décision d'erreur d'appréciation, de ne pas renouveler le titre de séjour " étudiant " de l'intéressée qui ne démontre pas le caractère réel et sérieux de ses études.
11. En quatrième lieu, Mme A...ne peut pas utilement se prévaloir de la circulaire du 7 octobre 2008 relative à l'appréciation du caractère sérieux des études des étudiants étrangers, qui n'a pas de caractère règlementaire.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour, ne peut être qu'écarté.
13. Mme A...soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, si MmeA..., qui ne peut se prévaloir de la durée de son séjour sur le territoire national dès lors qu'elle n'a été autorisée à y séjourner que dans le seul but d'y poursuivre ses études, vit en France avec son enfant et son compagnon, également de nationalité gabonaise, ce dernier est lui-même en situation irrégulière depuis le 3 mai 2015. De plus, Mme A...ne justifie pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine où vivent ses parents. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit au point 9, Mme A...ne justifie pas du caractère réel et sérieux de ses études en France. Dès lors, ces moyens doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi. Et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX00005