Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2015 et des mémoires, enregistrés le 25 avril 2016, le 4 mai 2016 et le 25 octobre 2016, l'Eurl Alex, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mars 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 novembre 2016 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Alex exploite une activité de conditionnement de peaux brutes de bovins, d'ovins et de caprins à Araujuzon (Pyrénées-Atlantiques) et Boulogne sur Gesse (Haute-Garonne) où elle dispose d'un abattoir. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 30 septembre 2010 à la suite d'une vérification de comptabilité.
Sur la régularité de la procédure :
2. Il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité, le gérant de l'EURL a remis des copies de documents commerciaux de la société Campelli faisant figurer la mention manuscrite " copies destinées à l'administration fiscale ". L'administration, qui n'a pas exercé le droit de communication pour les obtenir, était donc en droit de les emporter pour les contrôler afin de vérifier la nature et le montant des prestations fournies à la société Campelli, unique client de l'entreprise Alex. De plus, l'EURL ne démontre pas par les éléments qu'elle avance que l'administration aurait exploité irrégulièrement des documents de la société Campelli qu'elle ne lui aurait pas elle-même fournis.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le principe de l'imposition en France à la taxe à la valeur ajoutée et le taux de taxe :
3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) / IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services (...) ". En vertu de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2010, le même article dispose : " Le lieu des prestations de services est situé en France :1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France :a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ;b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis... " .
4. Aux termes de l'article 259 A du même code dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2010 : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 4° bis Travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels : a. lorsque ces prestations sont matériellement exécutées en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et si les biens sont expédiés ou transportés hors de France ".
5. En vertu de l'article 278 bis du même code applicable aux faits du litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 3° Produits d'origine agricole... ".
6. Il résulte de l'instruction que l'entreprise Alex exploite une activité de conditionnement de peaux brutes de veau, de mouton et d'agneau pour le compte de la société Campelli, établie en Italie. M. C...B..., gérant salarié de l'entreprise Alex, détient 55 % des parts de la société Campelli dirigée par son père. L'entreprise Alex procède à son établissement d'Araujuzon à la réception des peaux provenant des abattoirs, notamment de l'abattoir de Boulogne sur Gesse, puis au tri, au salage, et à l'emballage. Les peaux sont achetées par la société Campelli pour être revendues en France ou hors de France. Les transporteurs fournissent leurs prestations à la société Campelli qui les rémunère. Aussi bien, les documents relatifs à l'expédition et au transport des peaux tels que les bons de livraison, lettres de voiture, récapitulatifs, portent le timbre de la " SARL Campelli Araujuzon ".
7. Il résulte encore de l'instruction que la société Campelli est l'unique client de l'entreprise Alex. Pour les besoins de sa propre activité, la société Campelli opère à partir d'un local professionnel sur le même site que l'entreprise Alex à partir duquel elle procède à l'expédition des peaux qui sont sa propriété, au règlement de ses factures, à la réception et à l'envoi de courriers et aux contacts commerciaux dont s'occupe M.B....
8. Dans ces conditions, l'entreprise Alex doit être regardée comme ayant fourni à une société italienne qui dispose d'un établissement stable en France, des prestations de conditionnement de peaux.
9. L'entreprise Alex n'effectue elle-même aucune livraison de peaux dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou hors de l'Union européenne, ce dont se charge la société Campelli qui exploite une activité de commerce de peaux et qui est donc elle-même à ce titre assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte toutefois de la proposition de rectification que le vérificateur a admis que la société Campelli, pour la période antérieure au 1er janvier 2010, satisfait aux exigences prévues par les dispositions de l'article 259 A du code général des impôts.
10. Il en résulte que les prestations de conditionnement de peaux fournies par l'entreprise Alex au cours de la période contrôlée étaient imposables en France à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'exception des prestations de conditionnement de peaux expédiées ou transportées hors de France réalisées avant le 1er janvier 2010.
11. Enfin, l'entreprise Alex ne se livre à aucun travail à façon, imposable au taux réduit de TVA, dès lors que les peaux ne subissent aucune transformation aboutissant à la création d'un produit nouveau mais sont seulement conditionnées en vue de leur utilisation ultérieure pour la maroquinerie. Par suite, les prestations de conditionnement imposables en France ont été régulièrement taxées au taux normal.
En ce qui concerne le tarif et le nombre des prestations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée :
12. L'entreprise Alex soutient que le vérificateur a surestimé le nombre de peaux qu'elle a conditionnées en 2008 et en 2009, et que l'assiette de la taxe pour le conditionnement des peaux d'agneau aurait dû être fixée sur la base de 0,60 euro et non de 1,20 euro par peau.
13. S'agissant du tarif des prestations, l'entreprise Alex n'assortit le moyen d'aucun justificatif permettant d'en établir le bien-fondé, alors que l'administration relève sans être contredite que le tarif de 0,60 euro ne figure sur aucune facture. Dès lors, il n'y a pas lieu de remettre en cause le tarif unique retenu par le vérificateur quel que soit le type de peau (veau, agneau ou mouton) conditionné par l'entreprise Alex.
14. S'agissant du nombre des prestations, le vérificateur a constaté que toutes les peaux expédiées avaient nécessairement subi un conditionnement préalable. Cette méthode n'est pas sérieusement contestée par la requérante. Le vérificateur a donc pu évaluer le nombre de peaux traitées par l'entreprise Alex en fonction du nombre de peaux livrées à partir de l'établissement commun à cette société et à la société Campilli. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, avant le 1er janvier 2010, seules pouvaient être imposées les prestations de conditionnement réalisées sur des peaux qui n'avaient pas été expédiées ou transportées hors de France.
15. L'entreprise Alex soutient que le nombre de peaux conditionnées en 2008 et 2009 et expédiées en France en a été surestimé par le vérificateur. Elle fait valoir qu'elle n'a traité que 30 846 peaux en 2008 et non 34 481 et 35 960 en 2009, et non 41 772 ainsi que le font apparaître deux tableaux récapitulatifs figurant dans la proposition de rectification.
16. Toutefois, s'agissant du nombre de peaux retenu en 2008, le récapitulatif des livraisons de peaux en France indique une livraison de 2 000 peaux de veau effectuée par l'entreprise de transport Archer aux Tanneries du Puy le 30 avril 2008. La circonstance que le récapitulatif ne mentionne pas de CMR, dans la colonne prévue à cet effet ne prouve pas que la livraison physique de ces 2 000 peaux n'y a pas été effectuée. S'agissant encore des 1635 peaux dont l'entreprise prétend qu'elles étaient destinées à une société hollandaise, il résulte de la proposition de rectification qu'elles ont été livrées par les transports Archer le 21 novembre 2008 aux Tanneries du Puy en France et l'entreprise ne fournit aucun justificatif infirmant cette constatation.
17. S'agissant du nombre de peaux conditionnées en 2009, l'entreprise soutient sans non plus le justifier que 200 peaux auraient été destinées à une société anglaise alors que le vérificateur a constaté au vu des documents de transports qu'elles étaient livrées aux Tanneries d'Annonay.
18. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le nombre de peaux conditionnées en 2008 et en 2009 qui n'ont pas quitté le territoire national et dont l'administration a ainsi estimé pouvoir taxer le conditionnement est surévalué et que l'imposition en litige est par suite excessive.
Sur les pénalités :
19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
20. Pour justifier la majoration contestée appliquée au rappel sur la taxe collectée, l'administration a suffisamment motivé la pénalité en ayant fait valoir que l'entreprise Alex ne pouvait ignorer qu'une partie des peaux traitées ne quittait pas le territoire puisque ces peaux étaient livrées à des tanneries françaises et que les opérations réalisées sur ces peaux étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Et elle le justifie suffisamment en affirmant que l'entreprise ne pouvait ignorer que ces prestations fournies en France devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle établit ainsi la minoration délibérée de l'imposition en litige et le bien-fondé de la pénalité.
21. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Alex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Alex est rejetée.
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N° 15BX01566