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Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 avril 2015 et le 14 mars 2016, la commune de Tonneins, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en condamnant solidairement l'Eurl Dumas Architecture, l'entreprise Antoine Moreira et le bureau Veritas à lui verser, en complément des sommes allouées par le tribunal administratif, la somme de 73 775,27 euros TTC, actualisée en fonction de l'indice du coût de la construction, au titre des travaux de remise en état des désordres constatés sur les parkings souterrains et aérien de l'îlot Notre-Dame et sur le parvis de l'église Notre-Dame, la somme de 10 500 euros au titre de ses autres préjudices, et la somme de 325,04 euros au titre des frais exposés par la commune, ces sommes portant intérêts, avec capitalisation ;
2°) subsidiairement, de condamner les constructeurs susmentionnés sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
3°) de mettre à la charge de l'Eurl Dumas Architecture, de l'entreprise Antoine Moreira et du bureau Veritas la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Tonneins, de Me A..., représentant l'Eurl Dumas Architecture, de Me B...représentant l'entreprise A. Moreira et de Me C...représentant le Bureau Veritas.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Tonneins a fait réaliser dans l'îlot Notre-Dame un parc de stationnement aérien et souterrain intégré dans l'aménagement du parvis de l'église Notre-Dame. Un marché de maîtrise d'oeuvre a été conclu le 18 septembre 2001 avec l'Eurl Dumas Architecture ayant fusionné avec l'autre attributaire, la société Matière et Site. Le lot n° 2 de gros oeuvre a été attribué à l'entreprise Antoine José Moreira et la société Bureau Veritas a été chargée d'une mission de contrôle technique. La réception des travaux avec réserves est intervenue le 2 avril 2003. Ces réserves ont été levées le 18 avril suivant. A la suite d'infiltrations d'eau et de coulures sur les murs et plafonds et luminaires apparues dans le parking, la commune a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise, puis a recherché la responsabilité décennale des constructeurs, et à titre subsidiaire la responsabilité contractuelle de ces derniers devant le juge administratif.
2. Le tribunal administratif de Bordeaux n'a fait que partiellement droit à la demande d'indemnisation de la commune après avoir estimé que seuls les désordres affectant le local technique souterrain étaient imputables aux constructeurs et entraient dans le champ de la garantie décennale. Il a ainsi condamné l'Eurl Dumas Architecture, l'entreprise Antoine José Moreira et la SA bureau Veritas à verser à la commune la somme de 9 280,07 euros TTC, mis à la charge des mêmes entreprises les frais de l'expertise et fixé la part de responsabilité des constructeurs dans les désordres à 30 % pour l'Eurl Dumas Architecture, à 60 % pour l'entreprise Antoine José Moreira et à 10 % pour la SA Bureau Veritas.
3. La commune de Tonneins relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner les constructeurs à l'indemniser du coût des travaux de reprise de la totalité des désordres. L'Eurl Dumas architecture conclut au rejet de la requête et présente des conclusions tendant à ce que l'entreprise Moreira et le bureau Veritas soient condamnés à la garantir de l'intégralité des conclusions prononcées à leur encontre. L'entreprise Antoine José Moreira demande à la cour de limiter sa charge à 30 % des dommages. La société Bureau Veritas demande sa mise hors de cause.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la garantie décennale :
4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
5. Ainsi que les premiers juges l'ont estimé à juste titre, les désordres dus aux infiltrations qui affectent le local technique souterrain où se trouve la centrale électrique du parking rendent celui-ci impropre à sa destination car ils affectent le fonctionnement et la sécurité de l'ouvrage.
6. La commune de Tonneins soutient toutefois que c'est à tort que les premiers juges ont ainsi limité le champ de la garantie décennale.
7. Il résulte du rapport d'expertise que l'ouvrage en litige comporte quatre zones : un parking aérien sur terrasse (zone 1), un parking sur terre-plein (zone 2), un parking souterrain avec local technique (zone 3) et le parvis de l'église (zone 4).
8. En ce qui concerne le parking souterrain dans son ensemble, principalement affecté par les désordres susmentionnés, il résulte du CCTP du lot n° 2 que celui-ci ne prévoyait expressément un dispositif d'étanchéité qu'en ce qui concerne la terrasse jardin située au-dessus du local technique (point 1.4.1.5). Aussi bien la commune ne le conteste-t-elle pas puisqu'elle met en cause la responsabilité de l'architecte qui, selon elle, aurait dû prévoir un dispositif d'étanchéité pour la totalité du parking souterrain. Il n'en demeure pas moins qu'à l'exception des désordres affectant le local technique, les infiltrations dans le parking souterrain, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait dû être interdit au public pour ce motif, ne rendent pas celui-ci impropre à sa destination ni ne compromettent sa solidité même si ces infiltrations sont susceptibles d'entraîner des désagréments pour les usagers.
9. En outre, le parking sur terre-plein ne présente aucun désordre. Si le parking aérien sur terrasse et le parvis de l'église nécessitent des réfections, notamment la reprise de l'écoulement des eaux de pluie, les désordres affectant ces deux zones ne sont pas d'une telle ampleur qu'ils devraient être regardés comme rendant le parking impropre à sa destination en ce qui concerne le stationnement en surface notamment par temps de pluie.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tonneins n'est pas fondée à demander une extension de la garantie décennale au-delà des limites fixées par les premiers juges, quand bien même la commune entendrait faire valoir qu'un parking souterrain réalisé dans les règles de l'art doit présenter une garantie d'étanchéité : outre que cette garantie ne résulte nullement des stipulations du lot de gros-oeuvre en litige, le coût des travaux nécessaires pour réaliser ainsi l'ouvrage demeurerait alors à la charge du maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de l'architecte et de la société Bureau Veritas :
11. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause expresse contraire, la condamnation de ceux-ci soit ultérieurement recherchée au titre de leur responsabilité contractuelle par le maître d'ouvrage, alors même que les désordres qu'il invoque n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de leur part.
12. Il est constant que la réception des travaux a été prononcée le 18 avril 2003. Il ne résulte pas de l'instruction que les désordres susmentionnés auraient été apparents ou connus à cette date. Les conclusions de la commune de Tonneins tendant à rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre et du bureau de contrôle technique pour erreur de conception de l'ouvrage, défaut de conseil et défaut de réserves sont dès lors irrecevables.
En ce qui concerne le montant du préjudice :
13. La commune de Tonneins n'apporte en appel aucun élément pour contester utilement le montant du préjudice fixé par le tribunal à la somme globale de 9 280,07 euros TTC correspondant aux travaux nécessaires pour remédier aux problèmes d'étanchéité du local technique souterrain. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise, les conclusions de la commune tendant à ce que lui soit alloué un supplément d'indemnisation doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'appel incident de la socité Bureau Véritas :
14. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ". Aux termes de l'article L. 111-24 du même code : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission qui lui est confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 (...) du code civil (...) ". Aux termes de l'article L. 111-25 du même code : " L'activité de contrôle technique prévue à la présente section est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage (...) ".
15. La société Bureau Veritas était liée à la commune de Tonneins par un marché de contrôle technique passé le 17 avril 2002 lui confiant notamment la mission LP relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et de détection des aléas découlant de défaut dans l'application des textes techniques susceptibles de compromettre la construction. Il en résulte qu'elle avait ainsi la qualité de constructeur. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement des principes rappelés au point 4.
16. Et dès lors que les désordres résultant des infiltrations retenus au titre de la garantie décennale affectaient la sécurité du local technique contenant la centrale électrique du parking, ceux-ci étaient également imputables à la société Bureau Veritas.
17. Les conclusions incidentes du Bureau Véritas tendant à sa mise hors de cause doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions d'appel provoqué des constructeurs :
18. La situation de la société Bureau Veritas, de l'Eurl Dumas architecture et de l'entreprise Antoine José Moreira n'est pas aggravée par suite du rejet de l'appel principal de la commune de Tonneins : leurs conclusions d'appel provoqué sont par suite irrecevables.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application de ces dispositions.
DECIDE
Article 1er : La requête de la commune de Tonneins et les conclusions de l'Eurl Dumas architecture, de la société Bureau Veritas et de l'entreprise Antoine José Moreira sont rejetées.
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N° 15BX01343