Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 19 août 2016 sous le n° 16BX02854, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
-la Constitution et la décision n° 2015-527 QPC rendue le 22 décembre 2015 par le Conseil constitutionnel ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 5 ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 9 décembre 2015 astreignant M. A...à résider sur le territoire de la commune de Bordeaux avec obligation de se présenter trois fois par jour à des horaires déterminés, au commissariat de police de Bordeaux tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, et lui imposant de demeurer, tous les jours de 20 heures à 6 heures, dans les locaux où il réside.
2. En application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain. Cet état a été prorogé pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015. Aux termes de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 : " Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. (...) / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. (...) / L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés (...) ". Il résulte de l'article 1er du décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015, modifié par le décret n° 2015-1478 du même jour, que les mesures d'assignation à résidence sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain à compter du 15 novembre à minuit.
3. Il ressort des motifs de l'arrêté du 9 décembre 2015, qui reprennent les éléments mentionnés dans une " note blanche " des services de renseignement, que le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ce que M.A..., connu des services de police pour plusieurs faits délictueux, est converti à l'islam radical et appartient à la mouvance salafiste depuis 2012, qu'il héberge fréquemment à son domicile des membres de cette sphère musulmane rigoriste, dont des djihadistes ayant quitté par la suite le territoire, qu'il est en relation avec un militant actif et prosélyte avec lequel il pratique les arts martiaux et entraîne de jeunes convertis, qu'il est suspecté de se livrer à un prosélytisme important afin de mener des actions violentes à caractère terroriste sur le territoire national et de recruter des candidats au jihad en Syrie et qu'il a fait part de sa volonté de partir en Syrie pour rejoindre Daech ou l'organisation terroriste Jahbat Al Nosra.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a été condamné pour des délits de droit commun isolés et qui ne conteste pas appartenir à la mouvance salafiste depuis 2012, fréquente à Bordeaux une mosquée qui est une mosquée affiliée à la Grande mosquée de Paris, et qui prône un islam respectant les valeurs de la République française. Si M. A...reconnaît fréquenter essentiellement des personnes appartenant à la mouvance salafiste et admet avoir rencontré un homme qui a quitté le territoire français en 2012, a été interpellé en Afghanistan, mis en examen en 2014 pour des faits en lien avec le terrorisme et a été condamné à une peine de prison ferme pour avoir tenté de s'évader de la prison dans laquelle il était incarcéré, les éléments produits par le ministre n'étayent pas le fait qu'il entretienne des relations avec cet homme depuis son départ pour l'Afghanistan ou avec d'autres personnes suspectées de radicalisme. Si M. A...confirme avoir fondé en 2008 une association ayant pour objet l'initiation de la jeunesse et des autres générations à la boxe thaïlandaise et avoir eu un projet professionnel d'exercer en tant qu'instructeur fédéral en boxe thaï dans le cadre d'un contrat d'engagement avec le centre communal d'action sociale de Bordeaux, cette association n'a jamais eu d'activité effective et aucun élément n'établit que M. A...se serait livré à une activité d'entraînement de jeunes aux arts martiaux. L'existence d'une menace présentée par l'intéressé du fait de l'entraînement de jeunes convertis dans la pratique des arts martiaux n'est de ce fait nullement avérée. Enfin, M. A... reconnaît avoir émis le souhait de quitter la France, mais pour rejoindre l'Arabie Saoudite et non pour partir en Syrie.
5. Ainsi, comme les premiers juges l'ont estimé à bon droit, les motifs mis en avant par l'arrêté contesté du 9 décembre 2015, qui ne sont pas corroborés par les éléments du dossier, ne permettent pas d'établir qu'à la date à laquelle il a été pris, il existait des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A...constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que son arrêté du 9 décembre 2015 était entaché d'une erreur d'appréciation et l'a annulé pour ce motif.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
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N° 16BX02854