Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er février 2018, le préfet de la Charente demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : la requête ne lui a pas été communiquée dès lors que le greffe a utilisé le mauvais canal de communication par Télérecours.
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il n'est pas entaché d'incompétence;
- la procédure n'est pas entachée d'irrégularité : le requérant a été reçu en entretien le 9 mai 2017 au cours duquel les brochures expliquant la mise en oeuvre de la procédure " Dublin " lui ont été remises ; M. C...a été mis en mesure de présenter ses observations ; en outre, le droit à l'information du requérant n'a pas été méconnu ;
- cet arrêté est suffisamment motivé ;
- la grossesse de la compagne de M. C...n'est pas un élément de nature exceptionnelle ou humanitaire susceptible de remettre en cause la décision de transfert ;
- la situation de l'intéressé n'exige pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 ; à cet égard, il n'était pas en situation de compétence liée ; en outre, il n'est pas établi que son transfert en Italie l'exposerait à des risque d'une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile ;
En ce qui concerne l'arrête d'assignation à résidence :
- M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté de transfert pour contester la légalité de cet arrêté ;
- cet arrêté n'est pas entaché d'incompétence ;
- il est suffisamment motivé ;
- la situation du requérant a fait l'objet d'un examen approfondi ;
- l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, M. C...représenté par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- si les brochures contenant les informations sur la procédure de demande d'asile lui ont effectivement été remises, en revanche les informations sur les délais de recours mentionnées à l'article 26 du règlement (UE) n° 504/2013 ne lui ont pas été fournies ;
- le préfet ne justifie pas qu'il a bénéficié d'un interprète comme l'exige l'article 5 du même règlement ;
- il maintient les moyens de la demande introductive d'instance et ajoute que :
- l'accord implicite des autorités italiennes est intervenu le 27 août 2017 et non le 30 novembre 2017 ; cette erreur entache l'arrêté d'irrégularité ;
- l'arrêté ne mentionne pas la grossesse de son épouse et ceci révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- la grossesse de son épouse justifiait que sa demande d'asile fût examinée par les autorités françaises à titre dérogatoire.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Philippe Pouzoulet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant érythréen né le 25 janvier 1991, déclare être entré irrégulièrement en France où il a sollicité l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées en Italie, le préfet de la Charente a adressé aux autorités italiennes une demande de prise en charge le 27 juin 2017. Les autorités italiennes n'ayant émis aucune réponse, le préfet de la Charente a, par deux arrêtés du 27 décembre 2017, ordonné le transfert de M. C... aux autorités italiennes et a prononcé son assignation à résidence. Le préfet de la Charente relève appel du jugement du 2 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C...dans le délai d'un mois.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le greffe du tribunal administratif de Poitiers a adressé au préfet de la Charente un courrier portant communication de la requête de M. C...et avis d'audience le 29 décembre 2017 au moyen de l'application Télérecours. L'accusé de mise à disposition d'un courrier du greffe émis par cette application mentionne que ce courrier, accompagné de l'intégralité de la requête, a été mis à la disposition du préfet de la Charente le 29 décembre 2017 à 13 heures 37 minutes. Il suit de là que préfet de la Charente n'est pas fondé à soutenir que la requête de première instance ne lui a pas été régulièrement communiquée.
Au fond :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue une garantie pour le demandeur d'asile.
5. Pour annuler la décision de transfert de M. C...aux autorités italiennes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a relevé que le préfet n'ayant pas produit d'observations en défense, il n'était pas établi que l'intéressé se soit vu remettre les brochures contenant les informations exigées par l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 précité dans une langue qu'il comprend ni aucune autre forme d'information écrite essentielle relative à la compréhension de sa situation et à l'exercice de ses droits. Toutefois, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet, et notamment du compte rendu d'entretien individuel du 9 mai 2017, que M. C... s'est vu remettre à cette occasion le guide du demandeur d'asile, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ", la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ainsi que la brochure " Les empreintes digitales et Eurodac ", lesquels lui ont tous été fournis en tigrigna, langue qu'il a lui-même déclaré comprendre. Il suit de là que, contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, l'arrêté de transfert attaqué n'est pas entaché d'illégalité sur ce point.
6. De plus, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de transfert ne mentionne pas les informations relatives aux voies et délais de recours ainsi que le prévoit l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui transpose l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.
7. Dès lors, le préfet de la Charente est fondé à soutenir que le moyen retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers n'était pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté litigieux portant transfert de M. C...vers l'Italie ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté prononçant son assignation à résidence.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers :
S'agissant de la compétence de l'auteur des arrêtés en litige :
9. En premier lieu, l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. ". Aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...). Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. ". Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 20 octobre 2015, pris en application des dispositions précitées : " I. - L'annexe au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour enregistrer la demande d'asile d'un étranger se trouvant sur le territoire métropolitain et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Elle précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent. II. - Le préfet compétent reçoit de l'étranger sollicitant l'enregistrement de sa demande les pièces prévues par l'article R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'étranger remplit les conditions pour l'obtenir, le préfet lui délivre l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 741-1 du même code. Le renouvellement de cette attestation est sollicité auprès du préfet du département dans lequel son détenteur réside ou est domicilié. ". Cette attribution de compétence, qui concerne l'instruction de la demande et, le cas échéant, la réquisition de l'Etat membre considéré comme étant responsable de ladite demande, ne vise pas la décision de transfert prise en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle reste de la compétence du préfet du département.
10. En l'espèce, la circonstance que l'arrêté du 20 octobre 2015 a habilité le préfet de la Vienne à déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile des étrangers résidant dans le département de la Charente est sans incidence sur la compétence territoriale du préfet de la Charente pour décider de la mesure de transfert en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la Charente doit être écarté.
11. De plus, M. Czerwinski, secrétaire général de la préfecture de la Charente, a reçu, par un arrêté du préfet du 21 novembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, délégation à l'effet de signer tous actes et décisions à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été confiée à un chef de service de l'Etat dans le département, des arrêtés de conflit et de la réquisition du comptable. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés doit être écarté.
S'agissant de l'arrêté portant remise du requérant aux autorités italiennes :
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".
13. La décision vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du même jour et l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne notamment les conditions d'entrée en France de l'intéressé et la date à laquelle il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, précise que le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait sollicité l'asile en Italie et que les autorités italiennes avaient implicitement accepté la prise en charge de sa demande d'asile. Il est également fait état de sa situation familiale et indiqué qu'aucun élément ne permet de faire application de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013. La décision est ainsi suffisamment motivée, conformément aux dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même si elle ne mentionne pas que l'épouse de M. C...était enceinte.
14. Dès lors que le requérant ne justifie pas qu'il avait informé le préfet sur l'état de grossesse de son épouse dont il n'a d'ailleurs pas fait état au cours de l'entretien individuel du 9 mai 2017, il ressort de cette motivation que, même si elle ne mentionne pas ce fait, le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir sur le fondement de cet article qu'il n'a pas été informé préalablement qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de transfert.
16. Il résulte des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement des articles L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 à R. 742-4 dudit code concernant les décisions de transfert d'un étranger aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son éloignement du territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de ce code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. C...a été reçu en entretien le 9 mai 2017 à l'occasion du dépôt de sa demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. Et le procès-verbal de l'entretien mentionne expressément que celui-ci a été réalisé avec le concours d'un interprète par téléphone mais opérant avec des garanties de confidentialité. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 603/2013 doit ainsi être écarté même si le préfet a produit par erreur une attestation d'interprétariat en tigrigna ne se rapportant pas à l'entretien dont a bénéficié l'intéressé.
17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. ".
18. M. C...soutient qu'il ne peut pas être transféré vers l'Italie dès lors que sa compagne, enceinte de sept mois, ne peut elle-même faire l'objet d'un transfert vers cet Etat en raison de sa grossesse difficile. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces probantes du dossier telles qu'une attestation médicale circonstanciée que l'épouse du requérant ne pourrait pas voyager vers l'Italie et y recevoir les soins nécessités par sa grossesse. Dans ces conditions, en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par les dispositions citées au point précédent, le préfet de la Charente n'a pas méconnu l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
19. Enfin, M. C...ne produit aucune justification à l'appui de l'affirmation selon laquelle le traitement des demandes d'asile en Italie serait affecté de défaillances systémiques au sens de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013.
S'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes à l'encontre de celui prononçant son assignation à résidence.
21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / (...). / 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 ; (...) / La décision d'assignation à résidence est motivée. (...). ".
22. L'arrêté prononçant l'assignation à résidence de M. C...vise notamment les articles L. 561-2 et L. 742-3 à L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise les éléments de fait sur lesquels il se fonde. Il mentionne en outre que M. C... a fait l'objet d'un arrêté en date du 27 décembre 2017 ordonnant son transfert aux autorités italiennes, qu'il dispose de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'arrêté précité dès lors qu'il est accompagné par l'association " COS " et que son transfert demeure une perspective raisonnable. L'arrêté attaqué est ainsi suffisamment motivé. Par suite, il ressort de cette motivation que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. C....
23. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...). / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".
24. L'objet de la mesure d'assignation à résidence en litige, prise en application de l'article L. 561-2, est de permettre la mise à exécution de la décision de transfert dont M. C... a fait l'objet. Ce dernier ne justifie pas que son transfert, auquel les autorités italiennes doivent être regardées comme ayant donné leur accord le 27 août 2017, ne peut être concrètement organisé dans le délai de six mois fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 et que ce transfert ne constitue pas une perspective raisonnable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Et l'erreur entachant la date à laquelle les autorités italiennes ont donné leur accord, indiqué comme étant le 30 novembre 2017, est ainsi sans incidence sur la légalité des décisions attaquées.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a annulé ses arrêtés du 27 décembre 2017.
En ce qui concerne les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte :
26. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. C...ne peuvent être accueillies.
En ce qui concerne les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
27. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. C...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1702952 du 2 janvier 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers et les conclusions de ce dernier présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. A...C...et au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 mai 2018.
Le président-assesseur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX00445
N°18BX00445