Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés le 17 mars 2016, le 8 juin 2016 et le 23 février 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2015 en tant qu'il fait partiellement droit à la demande des épouxC... ;
2°) de rejeter la requête de M. et MmeC....
Il soutient que :
- la tardiveté de l'appel formé contre le jugement de première instance ne peut lui être opposée dès lors que le jugement attaqué ne lui a pas été notifié ;
- le moyen tiré de ce qu'il n'est pas le débiteur de l'indemnité mise à sa charge par les premiers juges, qui ne constitue pas une demande nouvelle, est recevable ;
- les premiers juges ont mis à tort à la charge de l'Etat l'indemnité de remembrement allouée aux épouxC... : en effet, les dispositions de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue du X de l'article 83 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 applicables à l'espèce, prévoient qu'il incombe au département de prendre en charge l'indemnisation des propriétaires ;
- pour les motifs exposés par le préfet devant le tribunal, les conclusions de M. et Mme C...tendant à l'annulation de la décision de la commission d'aménagement foncier leur allouant une indemnité de 334 euros ne pourront qu'être rejetées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mai 2016 et le 16 février 2018, M. et MmeC..., représentés par MeB..., concluent au rejet du recours du ministre, par la voie d'appel incident, à ce que l'indemnité qui leur a été allouée par les premiers juges soit confirmée, ou à titre subsidiaire qu'elle soit déterminée après expertise, que l'indemnité soit mise à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques ou solidairement à la charge de l'Etat et du département et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et du département des Pyrénées-Atlantiques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le recours du ministre est irrecevable dès lors qu'il est tardif ;
- les conclusions du ministre contestant sa qualité de débiteur de l'indemnité qui leur a été allouée par les premiers juges sont nouvelles en appel ;
- le recours est insuffisamment motivé et ne répond ainsi pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; l'Etat aurait dû mettre en oeuvre la procédure de rectification d'erreur matérielle ;
- la commission a fixé une indemnité insuffisante en se fondant sur des éléments erronés ; l'indemnité fixée par les premiers juges doit être confirmée ;
- la cour peut ordonner une expertise si elle ne s'estime pas suffisamment éclairée.
Par ordonnance du 19 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 1er mars 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Des opérations de remembrement liées à la réalisation de la déviation routière de Gurmençon-Asaps ont été ordonnées par arrêté préfectoral du 12 février 2005 sur le territoire de la commune d'Asasp-Arros (Pyrénées-Atlantiques). Le 13 avril 2007, la commission départementale d'aménagement foncier a statué sur les attributions de M. et MmeC.... Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Pau le 1er octobre 2009 au motif que la règle d'équivalence entre les apports et les attributions des intéressés avait été méconnue.
2. Le 15 novembre 2013, la commission départementale d'aménagement foncier a statué à nouveau sur la réclamation de M. et Mme C...et a alloué à ces derniers une indemnité de 334 euros après avoir estimé qu'il était impossible de rétablir l'équilibre de leur compte n° 440 par des apports de terres supplémentaires.
3. M. et Mme C...ont contesté cette nouvelle décision devant le tribunal administratif de Pau. Par un jugement du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. et Mme C...une indemnité d'un montant de 5 213,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007 et a rejeté le surplus de leurs demandes portant sur l'attribution de terrains supplémentaires et le versement d'une indemnité de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
4. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de ce jugement en tant qu'il a alloué à M. et Mme C...une indemnité de 5 213,50 euros et mis celle-ci à la charge de l'Etat. Ces derniers, par la voie de l'appel incident, demandent que l'indemnité qui leur a été allouée par les premiers juges soit confirmée et qu'elle soit mise à la charge du département.
Sur les fins de non-recevoir opposées par les épouxC... :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, comme le mentionne l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2015, si ledit jugement a été notifié au préfet des Pyrénées-Atlantiques, il ne l'a pas été au ministre. Par suite, le délai de recours n'a pas couru et l'appel du ministre enregistré au greffe de la cour administrative de Bordeaux le 17 mars 2016 n'est pas tardif.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".
5. Si une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement le texte du mémoire de première instance ou qui ne présente aucun moyen ne satisfait pas aux prescriptions de l'article précité et n'est donc pas recevable, il résulte de l'instruction que le ministre ne se borne pas à reproduire à l'identique son mémoire introductif de première instance mais soutient notamment dans son recours que l'indemnité à laquelle l'Etat a été condamné ne pouvait pas être mise à la charge de ce dernier.
6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeC..., les conclusions du ministre tendant à l'annulation du jugement et au rejet des demandes de ces derniers sont recevables en appel.
Sur le recours du ministre :
7. Aux termes de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue des dispositions du X de l'article 83 de la loi n°2005-157 du 23 février 2005 : " Lorsque la commission départementale, saisie à nouveau à la suite d'une annulation par le juge administratif, constate que la modification du parcellaire nécessaire pour assurer par des attributions en nature le rétablissement dans leurs droits des propriétaires intéressés aurait des conséquences excessives sur la situation d'autres exploitations, elle peut, par décision motivée, prévoir que ce rétablissement sera assuré par une indemnité à la charge du département, dont elle détermine le montant ". Il appartient à la juridiction administrative de connaître des recours contre les décisions par lesquelles les commissions départementales d'aménagement foncier font application de ces dispositions, que la contestation porte sur le principe de l'octroi d'une indemnité ou sur le montant de celle-ci. La juridiction compétente dispose du pouvoir de modifier le montant de l'indemnité mise à la charge du département.
8. Aux termes de l'article 95 de la même loi : " I. - Les dispositions du présent chapitre entrent en vigueur au 1er janvier 2006 sous réserve de l'entrée en vigueur des dispositions, relevant de la loi de finances, prévoyant la compensation des charges assumées par le département du fait du transfert de compétences prévu par le présent chapitre, ainsi que des dispositions suivantes : / 1° L'article 78 et le X de l'article 83 entrent en vigueur à la date de publication de la présente loi (...) / 2° Les procédures d'aménagement foncier pour lesquelles l'arrêté préfectoral ordonnant les opérations et fixant le périmètre correspondant sera intervenu à la date d'entrée en vigueur du présent chapitre restent régies par les dispositions en vigueur à la date de l'adoption dudit arrêté, y compris les procédures résultant des arrêtés modificatifs de cet arrêté (...) ". L'article 42 de la loi n°2006-11 du 5 janvier 2006 publiée au JORF n°5 du 6 janvier 2006, dispose : " I. - Le I de l'article 95 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux est ainsi modifié : 1° Dans le quatrième alinéa (2°), les mots : " en vigueur à la date de l'adoption dudit arrêté " sont remplacés par les mots : " antérieures à cette date " (...) ; ".
9. Il résulte des dispositions précitées au point 8 que si les dispositions précitées de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime, en vertu desquelles les commissions départementales d'aménagement foncier peuvent décider le versement d'une indemnité, mise à la charge du département, aux propriétaires qu'elles entendent rétablir dans leurs droits, sont d'application immédiate, les décisions qu'elles prennent, lorsqu'elles sont saisies de contestations portant sur des remembrements décidés avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005, sont prises au nom de l'Etat.
10. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à la charge de l'Etat le versement d'une indemnité de 5 213,50 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime.
11. Le ministre conteste également les motifs retenus par les premiers juges pour décider d'allouer une indemnité de 5 213,50 euros à M. et MmeC....
12. Dans le jugement du 1er octobre 2009, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier portant sur le compte de propriété n° 440 de M. et Mme C...au motif que la règle d'équivalence avait été méconnue, le compte accusant une perte de 130 points constituant un déficit de 7,5 %.
13. Contrairement à ce que fait valoir le ministre en se référant aux écritures de l'administration présentées devant le tribunal, la commission départementale d'aménagement foncier n'a pas fondé l'indemnisation des intimés sur un déséquilibre de " 130 points " mais en fonction d'une " surface à indemniser de 130 m² ". Les premiers juges ont en revanche déterminé l'indemnisation en retenant un déficit en superficie constaté de 1 950 m2, huit années de perte de productivité et fixé celle-ci à 5 213,50 euros. Le ministre ne soutient pas ni a fortiori ne justifie que ce montant serait excessif eu égard à la perte de valeur en productivité réelle des attributions fixée à 130 points.
14. Enfin, la décision en litige de la commission départementale a été prise au nom de l'Etat. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur la condamnation au paiement des frais de procès prononcée à l'article 2 du jugement attaqué.
15. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme C...demandent que l'indemnité fixée par les premiers juges soit confirmée et mise à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques. Eu égard à ce qui a été dit au point 9, il y a lieu de faire droit à leur demande.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a mis à la charge de l'Etat et non du département, l'indemnité allouée à M. et MmeC....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le département des Pyrénées-Atlantiques à verser à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions précitées.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1400326 du tribunal administratif de Pau du 19 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera à M. et Mme C...une indemnité de 5 213,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2007.
Article 3 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus du recours du ministre de l'agriculture de l'alimentation est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au département des Pyrénées-Atlantiques et à M. et Mme A...C....
Délibéré après l'audience du 16 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00958