Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif E... du 24 juin 2020 ;
2°) de mettre à la charge de M. G... se disant M. B... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses services ont été saisis d'une demande de titre de séjour par une personne disant être M. B..., fils d'un ressortissant français ; la consultation du fichier Visabio a permis de constater qu'il s'agissait en réalité de M. G..., ayant antérieurement obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiant mais s'étant maintenu irrégulièrement en France, sans demander le renouvellement de son titre de séjour ;
- afin de justifier de son identité, il a produit divers documents, dont un acte de notification de jugement supplétif et une copie intégrale d'acte de naissance ; après consultation de la cellule fraude document de la police aux frontières, il s'est avéré que ces documents n'étaient pas légalisés et étaient donc irrecevables ; l'administration n'était pas tenue de solliciter les autorités congolaises ;
- il est possible de refuser la délivrance d'un titre de séjour au motif de l'insuffisance des indications relatives à l'état-civil lorsque les éléments présentés ne permettent pas de lever les doutes sur l'identité du demandeur ou ne mettent pas l'administration en mesure d'examiner le bien-fondé de la demande ;
- M. G... est le neveu et non le fils de la personne qu'il a présentée comme étant son père ; il ne peut donc se prévaloir de la qualité d'enfant F... pour l'obtention d'un titre de séjour ;
- il a sollicité et obtenu un visa délivré par les autorités françaises à Kinshasa au nom de M. G... et a fourni à cette occasion des éléments prouvant cette identité sous laquelle il a séjourné plusieurs mois à Tours ;
- une enquête a été initiée le 24 août 2017 pour tentative d'obtention indue d'un titre de séjour et usage d'une fausse identité ;
- la demande étant entachée de fraude, elle était donc irrecevable ;
- le refus n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'intéressé est célibataire et sans charge de famille ; il a usurpé l'identité du fils de son oncle qui vit au Congo ; il n'est pas enfant F... ; il n'est arrivé en France qu'en 2015 et s'est maintenu en France après l'expiration, le 28 août 2016, de son titre de séjour en qualité d'étudiant ; sa mère a résidé irrégulièrement en France et serait désormais au Congo où résident également le père de l'intimé ainsi que ses frères et soeurs ; le fait qu'il soit hébergé en France par son oncle ne lui confère aucun droit au séjour ; il ne justifie ni de ressources propres ni d'un domicile stable ; son inscription en 1ère professionnelle " logistique " ne lui confère pas davantage droit au séjour d'autant que ses bulletins relèvent de nombreuses absences et un défaut d'investissement ; pour ces raisons, le refus de séjour n'est pas non plus entaché d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'a été délivré une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé que pour l'exécution du jugement.
Par ordonnance du 13 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 mars 2017, la préfète de la Gironde a été saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une personne disant être M. B..., né le 4 juin 1999 à Kinshasa en République démocratique du Congo, fils de M. B... H..., ayant acquis la nationalité française par mariage en 2015. Estimant que cette personne avait usurpé l'identité de M. B... et était en réalité M. G..., né le 19 mai 1992, neveu de M. B... H..., la préfète a considéré que la demande était frauduleuse et, constatant que l'intéressé était célibataire et sans charge de famille, qu'il ne justifiait pas en France de liens personnels, sociaux et familiaux intenses et anciens et qu'il n'était pas isolé dans son pays d'origine, a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit à l'intéressé de retourner sur le territoire français pendant deux ans, par un arrêté du 27 décembre 2019.
2. Par jugement du 24 juin 2020, le tribunal administratif E... a considéré que la personne qui avait présenté la demande de titre de séjour du 17 mars 2017 était bien M. B.... Il a prononcé en conséquence l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 décembre 2019, estimant, d'une part, que l'arrêté reposait sur le motif erroné tiré de l'absence de lien de filiation entre le demandeur et M. B... H..., de nationalité française, et, d'autre part, que le refus de délivrance du titre de séjour sollicité portait une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.
4. Pour affirmer l'existence d'une usurpation d'identité, la préfète de la Gironde s'est notamment fondée sur la consultation du fichier Visabio qui a fait apparaître que la personne qui l'avait saisie d'une demande de titre de séjour le 17 mars 2017, se présentant comme M. B..., était la même personne que celle qui avait demandé et obtenu un visa en qualité d'étudiant le 28 août 2015 sous l'identité de M. G.... Il ressort toutefois des pièces du dossier que la personne ayant demandé et obtenu ce visa sous le nom de M. G..., a été identifiée comme étant M. B... et a été pénalement condamnée, par jugement du tribunal pour enfants E... du 9 avril 2019, pour avoir usurpé l'identité de son cousin et pour s'être fait délivrer indûment et frauduleusement un visa sous l'identité de celui-ci. Ce jugement dont l'intéressé s'est prévalu en première instance étant revêtu de l'autorité de la chose jugée dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il ne serait pas devenu définitif, il doit être tenu pour exact que la personne ayant demandé la délivrance d'un titre de séjour le 17 mars 2017 est M. B..., fils de M. B... H..., alors même qu'il a présenté à l'appui de sa demande un jugement supplétif et un acte de naissance non légalisés par l'ambassade de la République démocratique du Congo, que l'ambassade de ce pays a fait savoir qu'elle demandait aux autorités françaises de ne pas accepter un document congolais non légalisé par elle et que l'acte de naissance produit comportait une mention erronée quant à la nationalité du père de M. B....
5. Il résulte de ce qui précède qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, l'arrêté contesté repose sur un motif erroné quant à l'identité du demandeur. Par ailleurs, et dès lors que M. B... est le fils d'un ressortissant français chez qui il vit, le refus de séjour qui lui a été opposé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'a jugé le tribunal par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter.
6. Ainsi, la préfète n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif E... a annulé l'arrêté du 27 décembre 2019. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le président-rapporteur,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02276