Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, la préfète de Lot-et-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 juillet 2020.
Elle soutient que le tribunal aurait dû constater que la demande de M. B... avait perdu son objet dès lors qu'une attestation de demandeur d'asile avait été délivrée à l'intéressé par la préfecture du Puy-de-Dôme le 5 juin 2000 et qu'ainsi, la mesure d'éloignement avait été implicitement mais nécessairement abrogée ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'absence de caractère définitif de l'abrogation ne faisait pas obstacle à ce que soit constaté un non-lieu à statuer ; au surplus, la mesure contestée était devenue caduque.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de la décision de la préfète de Lot-et-Garonne du 20 mars 2020 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient la préfète, le caractère définitif de l'abrogation conditionne la constatation d'un non-lieu à statuer ; de plus, l'obligation de quitter le territoire français est toujours dans l'ordonnancement juridique et serait susceptible d'exécution ; la mesure contestée n'était pas non plus devenue caduque ;
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;
- il n'a pas été précédé d'un examen sérieux ;
- il méconnaît les articles L. 741-1 et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une décision du 17 septembre 2020, M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., de nationalité camerounaise, né le 19 mai 1980, est entré irrégulièrement en France en mars 2020 selon ses déclarations. Il a fait l'objet, le 20 mars 2020, à la suite de son interpellation par les services de gendarmerie, d'un arrêté de la préfète de LotetGaronne lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 22 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté préfectoral. La préfète de Lot-et-Garonne fait appel de ce jugement en soutenant que le premier juge aurait dû constater que la demande avait perdu son objet, une attestation de demande d'asile ayant été délivrée à l'intéressé en cours d'instance par le préfet du Puy-de-Dôme.
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente, et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. En revanche, dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance ne prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, qu'à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'attestation de demande d'asile délivrée le 5 juin 2020 vaut autorisation provisoire de séjour et a pour effet d'abroger implicitement mais nécessairement l'obligation de quitter le territoire français qui avait été prise à l'encontre de M. B..., laquelle n'a pas fait l'objet d'un commencement d'exécution. Mais ainsi que cela a également été relevé à bon droit par le premier juge, cette abrogation n'avait pas acquis un caractère définitif à la date du jugement. Par ailleurs, la délivrance d'une attestation de demande d'asile non encore définitive ne peut avoir pour effet de rendre caduque la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. B.... Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2020 n'avaient pas perdu leur objet à la date à laquelle il a statué. Ainsi, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne constatant pas un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B....
4. La préfète ne contestant par ailleurs pas les motifs d'annulation retenus par le tribunal, elle n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 22 juillet 2020.
5. M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me C..., avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros, ce versement entraînant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de Lot-et-Garonne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le président-rapporteur,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 20BX02399