Par une requête, enregistrée le 7 février 2018, des pièces complémentaires, enregistrées les 9 et 15 février 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 mai 2019, Mme H... E... épouse I..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Champniers du 20 juillet 2015 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Champniers une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier de demande ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, notamment par rapport à sa propre habitation, ne précise pas suffisamment l'état initial du terrain et de ses abords, l'aménagement retenu, les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou à créer, les constructions existantes maintenues, en méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ; le dossier ne comprend pas non plus les documents exigés par les alinéas c) et d) de l'article R. 431-10 du même code ;
- le choix de matériaux pour la toiture et les murs ne répond pas aux exigences posées par l'article 11.3 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols et les matériaux choisis ne relèvent pas de la catégorie de matériaux bénéficiant de la dérogation prévue par les articles L. 111-6-2 et R. 111-50 du code de l'urbanisme ;
- la toiture à un seul pan et dont la pente n'est que de 12 % méconnaît les exigences de l'article 11.1.2 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols ;
- l'implantation du plancher par rapport au terrain naturel ne respecte pas les prescriptions de l'article 11.1.1 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols ;
- l'aspect contemporain du projet porte atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, en méconnaissance de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, la commune de Champniers, représentée par la SCP Brossier-B...-Joly, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application de 1'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que soit mise à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2019 à 12 heures.
Par un courrier du 20 septembre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant Mme I..., et de Me B..., représentant la commune de Champniers.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 juillet 2015, le maire de la commune de Champniers (Charente) a délivré à M. C... et Mme F... un permis de construire une maison individuelle. Mme I... relève appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du permis de construire du 20 juillet 2015 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
4. D'une part, la notice jointe au dossier de demande précise que le terrain d'assiette du projet se situe à l'extrême nord-est du hameau de Villeneuve. Les photographies et le document graphique permettent d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Ces mêmes documents permettent de constater l'état initial du terrain. Le pavillon appartenant à la requérante, implanté sur une des parcelles voisines du terrain d'assiette du projet, apparaît sur le plan de situation et sur le plan de masse.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'aucune plantation existante n'est supprimée et que le terrain d'assiette ne comporte aucune construction existante. La notice, complétée par le document graphique et le plan de coupe sud-est, précise les travaux extérieurs à la construction, en particulier le terrassement prévu. Le plan de coupe sud-est permet également de constater que le projet inclut la réalisation d'un enrochement végétalisé.
6. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, le dossier de demande comporte les documents exigés par les alinéas c) et d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Il inclut un document graphique accompagnant la notice descriptive permettant d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages. Il comprend aussi deux photographies du terrain, permettant au service instructeur de le situer dans son environnement proche et lointain, depuis deux angles de vue différents reportés sur le plan de masse. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 6, et compte tenu de la modestie du projet en litige, que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande doit être écarté dans toutes ses branches.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11.1.1 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols, relatif à l'adaptation au sol des habitations : " pour toute habitation le plancher du premier niveau habitable sera situé à : 70 cm maximum au-dessus du terrain naturel pour un terrain horizontal, 20 cm maximum au-dessus du terrain naturel à l'aplomb de la partie la plus élevée pour un terrain en pente (...) ".
9. Il ressort du plan de coupe sud-est joint au dossier de demande que la construction projetée est implantée sur un terrain en pente et que le plancher du premier niveau habitable se situe, en raison du terrassement prévu, 20 cm en-dessous du terrain naturel à l'aplomb de la partie la plus élevée du terrain. La circonstance que la construction n'aurait pas été, sur ce point, réalisée conformément au permis est sans incidence sur la légalité de ce dernier. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11.1.1 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 11.1.2 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols, relatif aux toitures des habitations : " pour les habitations constituées par un seul volume la toiture sera de préférence à deux pans, les pentes seront d'inclinaison identique variant de 25 à 35 %. Les toitures à plus de deux pans sont en règle générale, réservées aux constructions comportant plusieurs volumes (...) ".
11. Compte tenu des termes employés par les auteurs du plan d'occupation des sols dans la rédaction de ces dispositions, la circonstance que la toiture de la construction projetée comporte un seul pan et une pente à 12 % ne permet pas à elle seule de considérer qu'en accordant le permis en litige le maire a méconnu l'article 11.1.2 du règlement de la zone NB.
12. En quatrième lieu, aux termes du point 11.3 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols, relatif aux matériaux et couleurs des habitations : " La toiture sera réalisée en tuiles rondes, de préférence de teintes différentes, et de couleur ocre dominant. Le parement extérieur des murs sera soit de pierres du pays, soit enduit de couleur approchante (...) ".
13. Aux termes de l'article L. 111-6-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Nonobstant les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions des plans locaux d'urbanisme, des plans d'occupation des sols, des plans d'aménagement de zone et des règlements des lotissements, le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernés. La liste des dispositifs, procédés de construction et matériaux concernés est fixée par voie réglementaire. Le présent alinéa ne fait pas obstacle à ce que le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable comporte des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant (...) ". Aux termes de l'article R. 111-50 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application de l'article L. 111-6-2, les dispositifs, matériaux ou procédés sont : 1° Les bois, végétaux et matériaux biosourcés utilisés en façade ou en toiture / 2° Les systèmes de production d'énergie à partir de sources renouvelables, lorsqu'ils correspondent aux besoins de la consommation domestique des occupants de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernée (...) ".
14. En application des dispositions citées au point précédent, le règlement du plan d'occupation des sols ne saurait faire obstacle à l'apposition en l'espèce d'un bardage bois en façade.
15. En revanche, le projet en litige prévoit également une toiture en bac acier destinée, selon la notice, à recevoir des panneaux photovoltaïques. Toutefois, le projet tel qu'autorisé n'inclut pas la pose de tels panneaux. Dans ces conditions, la commune ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-6-2 du code de l'urbanisme pour écarter l'application de celles de l'article 11.3 du règlement de la zone NB du plan d'occupation des sols qui impose la réalisation de toitures en tuiles rondes.
16. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.
17. Le projet litigieux, qui consiste en l'édification d'une maison individuelle de 118 m², se situe dans une zone pavillonnaire qui ne présente pas d'intérêt particulier. Ainsi, et alors même que la construction projetée est de conception contemporaine, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des photographies produites par la requérante, que cette construction porterait atteinte aux caractères de ce quartier. Dans ces conditions, l'appréciation à laquelle s'est livré le maire pour estimer que la construction n'était pas de nature à porter atteinte aux paysages naturels ou à l'intérêt et au caractère des lieux avoisinants n'est pas manifestement erronée.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
18. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
19. L'illégalité relevée au point 15 apparaît susceptible d'être régularisée. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête et d'impartir à M. C... et Mme F... un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d'obtenir la régularisation du permis en litige sur ce point.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du maire de Champniers du 20 juillet 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à M. C... et Mme F... de notifier à la cour une mesure de régularisation du vice mentionné au point 15.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... E... épouse I..., à la commune de Champniers, à M. D... C... et Mme A... F....
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00541