Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistrés le 28 juin 2019 et le 27 septembre 2019, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet des Landes du 27 mai 2019 ;
3°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le juge des référés est incompétent pour statuer sur le présent litige ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'article 1er de l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur matérielle dès lors qu'il fixe le Maroc comme pays de renvoi alors qu'il est de nationalité centrafricaine ;
- il est insuffisamment motivé en droit faute de viser la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en fait à défaut de mention des éléments qu'il produit relatifs à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est le père d'un enfant français et a continué à voir son épouse en prison et que sa mère et ses demi frères et soeurs résident régulièrement en France ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des articles 3-1 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est le père d'une fille de nationalité française née en 2016 ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistrés le 9 septembre 2019 et le 30 septembre 2019, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le jugement du tribunal n'est pas irrégulier et qu'aucun des moyens de fond de la requête n'est fondé.
Par lettre du 26 septembre 2019, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du juge des référés du tribunal administratif de Pau pour statuer sur la demande de première instance présentée par M. B....
Par décision du 26 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 12 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant centrafricain né le 8 mai 1993 à Bangui (Centrafrique), est entré en France en février 2007 à l'âge de 13 ans. Par un arrêté du 27 mai 2019 le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de trois ans. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire et fixe le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que les parties en ont été informées par courrier du 26 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau, qui n'a d'ailleurs pas analysé les conclusions de M. B... comme une demande de référé, n'était pas compétent pour statuer sur les conclusions au fond présentées par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Landes du 27 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.
3. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué pour ce motif, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation des décisions contestées.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, s'il résulte des termes de l'arrêté contesté qu'il indique à tort à l'article 1er que M. B... doit quitter le territoire français à destination du Maroc, " pays dont il a la nationalité " alors que le requérant est de nationalité centrafricaine, dans la mesure où l'arrêté rappelle par ailleurs à plusieurs reprises dans ses motifs que M. B... est de nationalité centrafricaine, et où l'article 2 de l'arrêté décide que M. B... sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, la Centrafrique, cette mention de l'article 1er, pour regrettable qu'elle soit, constitue une simple erreur de plume qui n'est pas en l'espèce de nature à entacher l'arrêté contesté d'illégalité.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I /. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
6. L'arrêté du 27 mai 2019 litigieux vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 1° de l'article L. 511-1 I, et précise que l'intéressé a fait l'objet d'une décision de refus de séjour et qu'il s'est maintenu sur le territoire à l'expiration de son dernier récépissé et n'a pas produit de passeport en cours de validité. De plus, le préfet des Landes mentionne que l'intéressé, entré en France par le biais du regroupement familial alors qu'il était mineur, a produit de faux documents d'identité en vue d'obtenir un changement de nom, qu'il fait valoir être le père d'un enfant français sans produire aucun document pour l'établir et qu'il a été condamné à multiples reprises pour différents délits en tant que mineur et depuis sa majorité, qu'il est actuellement incarcéré et qu'en 12 ans de présence sur le territoire il a été condamné à 8 ans d'emprisonnement, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qu'ainsi il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, et alors que le préfet n'est pas tenu de décrire de façon exhaustive la situation du requérant, et malgré l'absence de visa de la convention internationale des droits de l'enfant, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis l'âge de 13 ans, que sa mère et ses demi frères et soeurs sont français et qu'il est le père d'un enfant français né en juillet 2016 dont il contribue à l'entretien et l'éducation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, sans profession, a été condamné à plusieurs reprises notamment à une peine d'emprisonnement de 5 ans dont un avec sursis pour des faits de vol avec arme et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime et qu'il est incarcéré depuis mai 2018 pour des faits, entre autres, de vente de stupéfiants en récidive. En outre, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il serait le père de Maïssa, née en juillet 2016, qu'il n'a pas reconnue. Il ne produit pas davantage d'éléments permettant d'attester qu'il entretiendrait des liens affectifs avec les membres de sa famille de nationalité française. Dans ces conditions, eu égard à la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, quand bien même il soutient ne plus avoir d'attache en Centrafrique et être dans une relation de concubinage avec une personne de nationalité française qui lui rendrait visite en prison, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
10. M. B... n'établissant pas être le père d'un enfant français, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention précitée.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) ".
12. M. B... ne peut se prévaloir de ces dispositions, dès lors qu'il est entré en France âgé de 13 ans et 10 mois et que, s'il réside en France depuis plus de 12 ans, il a été en situation irrégulière pendant plus de 5 ans et les années passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent être prise en compte dans le calcul de la durée de résidence en France prévue par les dispositions précitées.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ", laquelle stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
14. En reprenant les éléments à caractère général sur la situation de guerre existant en Centrafrique, M. B... ne démontre pas la réalité et l'actualité des risques personnels de traitements inhumains et dégradants auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait méconnu les dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Caroline C...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02443