Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juin 2019, M. G... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804791 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- il n'est pas établi que son signataire bénéficiait d'une délégation de signature notifiée ; les personnes précédant le signataire de l'acte n'étaient ni absentes ni empêchées ;
- il est insuffisamment motivé, ce qui révèle en outre une absence d'examen par le préfet de sa situation particulière ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de motivation au regard des exigences du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, présenté le 16 septembre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... B...,
- et les observations de Me C..., représentant M. G... F....
Considérant ce qui suit :
1. M. G... F..., ressortissant sri-lankais né en 1988, est entré irrégulièrement en France en 2010 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, instruite dans le cadre de la procédure prioritaire, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) les 26 août 2010 et 21 janvier 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 17 octobre 2011 et 27 mai 2015. Il a fait l'objet le 8 novembre 2011, le 30 avril 2013 et le 16 avril 2015 de mesures d'éloignement, les deux dernières étant assorties d'interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et à l'exécution desquelles il s'est soustrait. Le 23 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa situation personnelle et familiale sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 septembre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à l'encontre de M. F... une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. F... relève appel du jugement rendu le 23 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2018.
Sur la légalité externe de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, M. D..., secrétaire général de la préfecture de la Gironde, a signé l'arrêté du 7 septembre 2018 en vertu d'une délégation de signature que le préfet de la Gironde lui a octroyée par arrêté du 29 mai 2018, régulièrement publié le 30 mai 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cette délégation habilite M. D... à signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes, mémoires, correspondances et documents concernant les attributions de l'Etat dans le département de la Gironde, à l'exception de trois matières au nombre desquelles ne figurent pas les mesures relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. L'exercice de cette délégation n'est pas subordonné à l'absence ou à l'empêchement du préfet de la Gironde. Quant à l'entrée en vigueur de la délégation, qui est un acte règlementaire, elle n'est pas conditionnée par sa notification à son titulaire. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, la décision attaquée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8 ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également les éléments relatifs à la situation de M. F..., en particulier les conditions de son entrée en France, sa situation personnelle et professionnelle, le rejet de ses demandes d'asile par l'OFPRA puis par la CNDA, les mesures d'éloignement et les interdictions de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet. La décision précise encore que M. F... n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., célibataire sans enfant, entré en France selon ses déclarations en 2010, soit à l'âge de 22 ans, se maintient irrégulièrement sur le territoire français après s'être soustrait à deux obligations de quitter le territoire français prises à son encontre les 8 novembre 2011 et 30 avril 2013. L'emploi de commis dans un restaurant qu'il exerce depuis le mois de septembre 2018 ne suffit pas à révéler une particulière intégration ou de fortes attaches en France de M. F..., ce dernier ayant au contraire conservé des liens au Sri-Lanka où ses parents résident. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte excessive au regard des motifs du refus opposé. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés.
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Les dispositions précitées de l'article L. 313-14 laissent enfin à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
8. Pour demander son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, M. F... fait valoir qu'il est présent en France de façon ininterrompue depuis huit ans et se prévaut d'un contrat de travail conclu avec une entreprise de restauration pour un poste de " plongeur polyvalent ". Toutefois, ce contrat a été signé postérieurement à la décision attaquée, si bien que le requérant ne saurait s'en prévaloir à l'appui de son moyen. Au demeurant, alors que l'administration du travail a émis un avis défavorable à sa demande, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... disposerait, au regard de la nature de l'emploi qui lui a été proposé, d'un niveau de qualification et d'une expérience tels qu'il devrait être regardé comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été ci-dessus de la situation personnelle et familiale du requérant, la demande de titre de séjour ne peut être regardée comme relevant d'un motif humanitaire ou de circonstances exceptionnelles justifiant une admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 8 que le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. F... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
11. Eu égard aux circonstances exposées aux points 5 et 8, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
12. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
14. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
15. Après avoir rappelé en détail le parcours du requérant depuis son entrée en France, le préfet a indiqué que la situation de ce dernier a été examinée au regard du quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, sa décision se fonde sur le fait que M. F... se maintient irrégulièrement sur le territoire français bien qu'il ait fait l'objet de mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées mais aussi sur la circonstance que ce dernier dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. De tels motifs révèlent que le préfet a apprécié la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères légaux avant de prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
16. En troisième et dernier lieu, il résulte des considérations qui précèdent relatives aux conditions de séjour et à la situation de l'intéressé, qu'en fixant à deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2018 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. E... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric B...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX02563