Par un jugement n° 1900718 du 21 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, M. E... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Dordogne du 13 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien et, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les articles 6-5 et 4 de l'accord franco-algérien : en effet, il doit être admis au séjour en application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est marié depuis 2015 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans et mère d'un enfant français et qu'il ne peut bénéficier du regroupement familial compte tenu du caractère insuffisant des ressources de son épouse ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les articles 3-1 et 16 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par décision du 28 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 12 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles
- la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., ressortissant algérien né le 25 septembre 1994, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
3. Etant conjoint d'une ressortissante algérienne séjournant régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence algérien valable 10 ans, M. B... entre dans une catégorie qui ouvre droit au regroupement familial en application de l'article 4 de l'accord franco-algérien. Ainsi, quand bien même une demande de regroupement familial pourrait être rejetée en raison de sa présence en France et du niveau de ressources de son épouse, il ne peut, par suite, utilement se prévaloir des stipulations du 5 de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien et n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en considérant, pour l'obliger à quitter le territoire français, qu'il n'entrait pas dans la catégorie des algériens pouvant obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien au motif qu'il pouvait bénéficier d'un regroupement familial.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2015 et qu'il s'est marié le 8 octobre 2015 avec Mme A..., compatriote titulaire d'une carte de résidence d'algérien valable dix ans, avec laquelle il a eu un enfant né le 29 juin 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, sans profession, a purgé une peine de 10 mois de prison à partir de juillet 2016 pour de multiples faits de vol, qu'il a ensuite quitté le territoire national le 19 mai 2017 pour ne revenir que fin 2017 et qu'il est incarcéré depuis le 1er février 2018 pour des faits de vol et recel. Si la détention ne peut, comme il le soutient, faire par elle-même obstacle au maintien d'une vie commune entre époux, M. B... ne produit aucun élément concernant la réalité des liens qu'il aurait entretenus avec son épouse durant sa détention et durant la période qu'il a passée hors de France. En se bornant à faire valoir qu'il a suivi en prison une formation en installation thermique et sanitaire, il ne produit pas d'éléments suffisants attestant d'une contribution de sa part à l'entretien et l'éducation de son enfant ni de liens affectifs avec celui-ci. Dans ces conditions, et malgré son mariage un peu plus de trois ans avant la décision contestée et la naissance de son enfant en 2016, il ne peut être regardé comme justifiant d'une relation familiale suffisamment ancienne et stable à laquelle l'arrêté contesté porterait une atteinte disproportionnée. Il n'est par ailleurs pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu l'essentiel de sa vie. Ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
7. Compte tenu des circonstances précédemment exposées et alors que M. B... n'apporte pas d'éléments permettant de retenir l'existence de réels liens affectifs avec son enfant né le 29 juin 2016, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de la convention précitée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02582