Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juin 2020 et 30 juillet 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en violation des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée en l'absence d'indication des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
- cette décision est dépourvue de motivation en fait ;
- elle est privée de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- il s'en remet à son mémoire de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 16 mars 1993, est entré en France en décembre 2016 selon ses déclarations. Le 19 janvier 2017, il sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par décision du 2 novembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par décision du 2 août 2018 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 21 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire national sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) ".
3. La décision en litige vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, en particulier l'article L. 511-1 I 6° de ce code et mentionne que M. D..., qui est entré irrégulièrement sur le territoire français, a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA le 2 novembre 2017 et la CNDA le 2 août 2018. Par ailleurs, elle expose des éléments sur sa situation personnelle, en relevant que l'intéressé est célibataire et dispose de fortes attaches dans son pays d'origine où résident ses deux enfants et qu'il n'est pas contrevenu aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est, dès lors, suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, le préfet n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de la décision contestée, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. D....
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. M. D... se prévaut de la durée de son séjour en France et soutient qu'il a tissé des liens amicaux et qu'il y est bien intégré, en particulier au regard de son activité solidaire en qualité de compagnon référent au sein de la communauté d'Emmaüs depuis novembre 2018. Toutefois à supposer même qu'il soit entré en France, comme il le soutient en décembre 2016, il n'a séjourné régulièrement que le temps de l'examen de sa demande d'asile et a vécu l'essentiel de sa vie en Azerbaïdjan où résident ses deux enfants mineurs. Le requérant ne fait état d'aucun lien familial en France et ne justifie pas des liens personnels qu'il aurait développés sur le territoire national. Il n'établit pas, en tout état de cause, encourir des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en se bornant à produire le récit de sa vie alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA. Dans ces conditions, et alors même qu'il justifie d'efforts d'intégration notamment par sa participation aux actions d'une association caritative, le préfet, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de sa décision et n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le moyen tiré de ce que la décision refusant au requérant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale à raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / II (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
9. Pour refuser à M. D... un délai pour quitter volontairement la France, le préfet de la Haute-Garonne a visé le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement de droit de cette décision, et indiqué notamment que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, ne pouvant présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ni justifier d'une résidence effective et permanente. La décision refusant un délai de départ volontaire comporte ainsi, de façon précise et non stéréotypée, les motifs de droit et de fait qui la fondent. Elle est suffisamment motivée.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale à raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée par le visa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que par la mention de ce que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention. Ainsi, la décision fixant le pays de destination, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
13. En troisième lieu, si M. D... soutient que son retour dans son pays d'origine l'expose à des traitements inhumains et dégradants du fait de son engagement politique et de ses actions contre la corruption des autorités locales, il ne produit à l'appui de ses dires, ainsi qu'il a été dit, que le seul récit de sa vie adressé à l'OFPRA, qui, compte tenu de son caractère peu précis et non étayé, ne permet pas de corroborer ses affirmations. L'OFPRA, saisit de sa demande, n'a d'ailleurs pas estimé que ses craintes étaient fondées. Dans ces conditions, M. D... n'établit pas le caractère réel, personnel et actuel des craintes dont il fait état en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de le renvoyer en Azerbaïdjan méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. 6- L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire national serait illégale à raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
16. En deuxième lieu, l'interdiction de retour vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de l'obligation de quitter le territoire français sans délai dont l'intéressé a fait l'objet le même jour, de la durée récente de son séjour en France et de sa situation personnelle et familiale, et notamment du fait qu'il se déclare célibataire et sans enfant à charge alors que résident en Azerbaïdjan ses deux enfants et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. L'énoncé de ces considérations de fait et de droit qui fondent la décision d'interdiction de retour, tant dans son principe que dans sa durée, est ainsi suffisamment complet et précis pour satisfaire aux exigences du premier alinéa du III de l'article L. 551-1 précité. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
17. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour.
18. En l'espèce, le requérant a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Il se trouvait donc dans un cas dans lequel le préfet pouvait prononcer une interdiction de retour du territoire national. M. D... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, rappelées ci-dessus, et nonobstant le fait qu'il ne troublerait pas l'ordre public, le préfet a pu, sans méconnaître des dispositions précitées, prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme B... E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
Le rapporteur,
Birsen E...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01987